Accompagnés par une ancienne déportée, les jeunes alsaciens ont été confrontés à l'horreur des camps d'extermination
Commémoration:des lycéens alsaciens à Auschwitz
Sur les traces de l'indicible. 150 lycéens de 5 établissements alsaciens se sont rendus à Auschwitz hier, à l'initiative du rectorat, de la Région Alsace et de la Fondation pour la mémoire de la Shoah. Accompagnés par d'anciens déportés, ils ont été directement confrontés à l'horreur des camps.
Sur les traces de l'indicible, les 150 lycéens issus de 5 établissements alsaciens se sont rendus à Auschwitz hier. La journée était organisée à l'initiative du Rectorat, de la Région Alsace et de la Fondation pour la mémoire de la Shoah
Vendredi prochain 27 janvier à 9h45 , une cérémonie aura lieu à la synagogue d'Obernai à l'occasion de la journée internationale de commémoration en mémoire des victimes de l'Holocauste.
Une manifestation en partenariat entre le Centre européen du Résistant déporté du Struthof et la Communauté juive d'Obernai .Car c'est à Obernai que fut crée le premier Kommando extérieur du camp du Struthof.
Auschwitz
Intervention de M. Philippe Richert
Ministre chargé des Collectivités territoriales
Président du Conseil régional d’Alsace
Lorsque, le 27 janvier 1945, le camp d'Auschwitz a été libéré, je ne crois pas que le mot « libération » ait jamais eu, dans l'histoire humaine, un sens plus fort, un sens plus vrai, un sens plus juste que ce jour-là.
Ce fut, pour les rares survivants de cette immense tuerie, la fin d'une terrible nuit. Après l'horreur qui voua à la mort et à l'anéantissement plus d'un million de femmes, d'hommes et d'enfants, voilà que renaissait, dans ce jour froid de l'hiver, la flamme encore vacillante de l'espoir et de la vie.
Sept mille. Ils n'étaient que sept mille survivants quand les soldats soviétiques libérèrent le camp. Beaucoup étaient malades et mourants. Mais ils étaient sept mille qui seraient désormais, pour l'humanité et pour l'avenir, des témoins.
Quelques-uns de ces survivants sont avec nous aujourd'hui. Je veux les saluer et saluer leur fidélité. Malgré le temps qui passe, malgré l'âge qui avance inexorablement, en dépit de la fatigue souvent et de la maladie parfois, ils sont ici. Présents.
Alors écoutons-les. Ce qu'ils ont à nous dire est plus précieux que tout.
Ecoutons-les, nous qui avons la chance de pouvoir les côtoyer et les entendre.
Ils nous racontent l'enfer, ce déferlement de la haine et de la barbarie sur chaque être.
Ils nous disent les convois, les enfants qu'on arrache des bras de leur mère, les chambres à gaz, les exécutions sommaires, la faim, la maladie, les peines et les souffrances, les marches de la mort.
Ils nous disent aussi la dignité humaine, cette part sacrée qui est en chaque homme et qu'un regard, un sourire, une parole échangée entre deux déportés suffit à éveiller, au plus profond de l'enfer.
Rien n'est plus beau que cette humanité fraternelle qui subsiste envers et contre tout.
Rien n'est plus fragile non plus.
Le nom d'Auschwitz est gravé dans la conscience humaine comme une marque indélébile. Il nous invite à honorer, avec le plus profond respect, la mémoire des victimes. Il nous appelle à construire un monde plus juste et plus fraternel.
En écoutant le témoignage des survivants, nous prenons pleinement conscience d'une chose : le devoir de mémoire n'est pas un devoir envers le passé. C'est un devoir envers le présent et envers l'avenir. C'est un devoir d'humanité.
Nous honorons aujourd'hui les victimes. Notre mémoire les accueille indistinctement en elle, au nom de cette fraternité humaine sans laquelle aucun monde n'est vivable.
Nous honorons les victimes. Nous leur rendons hommage. Et nous pleurons ces vies brisées, ces destins arrêtés par une idéologie qui les avait ravalées au rang de sous-hommes.
Honorer les victimes est notre devoir. Mais cela ne suffit pas. Par-delà le temps, elles exigent de nous bien plus encore. Nous avons, jour après jour, à répondre à leur appel et à construire un monde de justice et de paix.
Auschwitz : ce nom terrible nous oblige. C'est le nom d'une mémoire, désormais gravée dans la conscience humaine comme une marque profonde et inaltérable.
C'est le nom de notre devoir d'homme libre, un devoir qui nous appelle à lutter, de toutes nos forces, contre l'antisémitisme et à combattre les idéologies de la haine.
C'est le nom, enfin, d'une question sans réponse : Pourquoi l'extermination ? Pourquoi les camps de la mort ? Et tant d'autres « pourquoi » inscrits dans l'âme de chaque rescapé plus profondément encore que le numéro tatoué qui se lit encore sur leur bras.
Pourquoi une telle barbarie est-elle advenue, dans cette Europe qui avait donné au monde les plus belles œuvres de l'esprit et élevé au plus haut les valeurs de l'humanisme ?
Primo Lévi a répondu à cette question de la plus saisissante et de la plus terrible façon : « Ici, il n'y a pas de pourquoi ! »
L'Europe croyait au droit, à la justice, à la raison, au progrès. Elle croyait en la poésie, comme elle croyait en l'homme.
Dans les camps de la mort, cela ne fut pas seulement des millions et des millions de femmes, d'hommes et d'enfants qui périrent : ce fut l'idée-même de civilisation, l'idée-même d'humanité, qui furent réduites à néant.
Et les survivants, les générations qui suivirent, ont consacré tous leurs efforts à construire un monde plus juste, un monde où la personne humaine serait la valeur suprême.
C'est le sens de l'engagement d'un homme tel qu'Elie Wiesel, inlassable défendeur de la paix et des droits de l'Homme dans le monde.
C'est le sens de l'engagement d'une femme telle que Simone Veil : pour la justice, pour la dignité des femmes et la solidarité, pour la construction enfin de l'unité européenne.
C'est l'engagement de tous les anciens déportés, qui témoignent, vaille que vaille, coûte que coûte, parce qu'ils ressentent, au fond d'eux-mêmes, que c'est là leur devoir et leur obligation.
Et notre devoir, à nous, c’est de nous souvenir. C’est d’être les dépositaires de votre parole. C’est d’agir enfin, comme nous le pouvons, où nous le pouvons.
L'antisémitisme et le racisme existent encore en Europe et dans le monde. Ils prennent d'autres formes et d'autres visages. Des idéologies de la haine distillent toujours leur poison.
Décidément, rien jamais ne semble nous prémunir contre la barbarie, sinon un engagement de chaque instant et un travail sans cesse recommencé.
Et il y a les mots, les mots simples de Primo Lévi, que je veux méditer avec vous, dans ces terribles lieux :
« N'oubliez pas que cela fut,
Non, ne l'oubliez pas :
Gravez ces mots dans votre cœur. »