Quelque 5.000 personnes participent aux troisièmes "états généraux du christianisme", du vendredi 12 au dimanche 14 octobre à Strasbourg. Une série de débats que les organisateurs promettent "sans tabou", et qui coïncide avec les 50 ans du concile Vatican II.
Une cinquantaine de débats se déroulent autour de sociologues, universitaires, écclésiastiques, médecins ou même responsables politiques, dans un esprit d'"ouverture et de tolérance".
Au-delà de la réflexion sur des grands sujets de société ou de la vie de l'Eglise, ces états généraux font aussi la part belle à la spiritualité, à travers notamment une nuit de prière (avec office roumain, chants gospel, ou libanais et danses d'Israël) et une messe dominicale retransmise en direct sur France 2.
"Que croire? Qui croire?" "Y a-t-il une seule vérité?" Changer l'homme et le monde, une illusion?"
"On a besoin d'entendre la voix des chrétiens, une voix positive pour contribuer au débat public", a expliqué Jean-Pierre Denis, directeur de l'hebdomadaire chrétien La Vie, organisateur de ce colloque avec le soutien des Eglises catholique et protestante. "Nous sommes dans une société fondamentalement agnostique, qui vit une crise globale de la confiance, dans tous les domaines", analyse M. Denis. "C'est un défi lancé aux Eglises, mais aussi au monde politique ou à l'école, qui ne suscitent plus la confiance", analyse le journaliste.
Ces débats surviennent alors que l'Eglise catholique fête actuellement les 50 ans du concile Vatican II, qui a ouvert la voie à son ouverture sur le monde. "Ce n'est pas un hasard car notre logique correspond assez bien à celle de Vatican II: un esprit d'ouverture et de dialogue", a commenté M. Denis. Après deux éditions à Lille en 2011 et 2012, le colloque strasbourgeois réunira des invités aussi divers que l'anthropologue David Le Breton, le sénateur écologiste Jacques Muller, le rescapé d'Auschwitz Henri Borlant, le président de l'Autorité des marchés financiers Jean-Pierre Jouyet ou encore l'ancien footballeur et militant anti-raciste Lilian Thuram.
Des chrétiens demandent du temps pour débattre du mariage gay
Parmi les débats qualifiés d'"insolents" par les organisateurs eux-mêmes, l'un se demande si le régime du concordat, encore en vigueur en Alsace-Moselle, est "un atout ou un problème pour la société française". Un autre réunit un philosophe et un théologien autour de la question du mariage homosexuel, que le gouvernement s'apprête à légaliser, malgré l'opposition des Eglises.
Les chrétiens ont échangé sans tabous autour du mariage homosexuel, lors du "débat insolent" des états généraux du christianisme. Extraits:
Dans la salle, un sexagénaire prend la parole: "Moi j'ai voté Hollande, mais cette ligne-là de son programme (le mariage gay, ndlr) cela ne veut pas dire que je l'acceptais". "On a l'impression en ce moment de se faire un peu bousculer. Comment peut-on faire en sorte que la société française débatte plus largement?", interroge-t-il, alors que le gouvernement annonce pour la fin octobre la présentation de son projet de loi.
"Moi, je suis assez contre le projet de loi", explique Etienne, un jeune strasbourgeois d'une vingtaine d'années. "Mais en tant que chrétien, que peut-on proposer à ces gens qui vivent comme une discrimination la situation actuelle?", se préoccupe-t-il.
Un trentenaire explique justement qu'il vit depuis 12 ans une relation homosexuelle. "Je veux que le message de l'Evangile soit mon guide pour mener ma vie de couple, mais la façon dont certaines personnes du magistère abordent le débat éloigne mon compagnon de l'Eglise", regrette-t-il.
André, venu de Moselle, a lui un fils homosexuel. "Je suis d'accord pour que les
homosexuels puissent avoir les mêmes droits. Mais je ne comprends pas pourquoi ils veulent le mariage qui est la pire uniformisation bourgeoise que je connaisse", lance-t-il, déclenchant les rires de la salle.
Pour Thibaud Collin, philosophe invité à la tribune et auteur d'un ouvrage intitulé "Les lendemains du mariage gay", la loi va introduire "une vraie rupture", parce qu'elle va "forcément entraîner la possibilité de la filiation" pour des couples de même sexe. "Au nom de quoi peut-on priver certains enfants de la connaissance de se savoir issu d'une double origine, masculine et féminine?", interroge-t-il.
Jean-Luc, "marié depuis 34 ans et père de 4 enfants", intervient pour demander si "cette rupture ne risque pas d'accroître l'instrumentalisation de l'enfant, comme un joujou nécessaire à la vie du couple".
Alexandre, un lycéen de 15 ans, demande le micro. Pour lui la question des enfants est "une mauvaise excuse". "A l'âge de 6 mois, mon père nous a abandonnés ma mère et moi. J'ai été élevé par ma mère et sa meilleure amie, et cela s'est très bien passé", explique-t-il.
"L'un des enjeux des semaines et des mois qui viennent est que la société française puisse vraiment délibérer. On en a été un peu privé pendant les élections présidentielle et législatives", estime M. Collin.
(D'après l'AFP).
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