Le président-candidat a lancé un appel du pied aux électeurs qui avaient voté pour Marine Le Pen au premier tour
Le meeting de N. Sarkozy à Cernay
Meeting éclair de Nicolas Sarkozy à Cernay aujourd'hui, là où le Front national est arrivé en tête au premier tour des élections présidentielles. Un discours de politique générale mais surtout une multitude de clins d'oeil à l'électorat de Marine Le Pen.
Après le clin d'oeil, la mise en garde. Nicolas Sarkozy a ouvert mercredi la deuxième étape de son entreprise de reconquête des électeurs du Front national en agitant la menace du droit de vote des étrangers en cas de victoire de François Hollande.
Le décor de l'opération a été soigneusement choisi. Cernay, 10.000 habitants, une petite ville alsacienne, près de Mulhouse, attachée à ses traditions et représentative de cette France qui a voté dimanche à 17,9% pour Marine Le Pen et dont le président cherche à reconquérir le coeur. La candidate du FN y est arrivée en tête au soir du premier tour avec 26,5% des voix, devançant d'une courte tête Nicolas Sarkozy (25,3%) et François Hollande (21,6%). En 2007, le candidat de l'UMP y avait récolté 31,6%, Jean-Marie Le Pen seulement 16,37%...
Depuis deux jours, le président répète sur les estrades et dans les studios qu'il a compris les ressorts du vote FN, qu'il respecte leur "souffrance" et leur "colère", même que Mme Le Pen est "compatible" avec la République. Mais, il en a encore écarté l'éventualité mercredi, pas question "d'accord" avec son parti, ni même d'accepter des ministres frontistes.
Alors, pour convaincre les électeurs de Marine Le Pen, Nicolas Sarkozy a sorti mercredi à Cernay son chiffon rouge. "La question n'est pas de faire peur", a-t-il dit, mais s'ils "ne nous rejoignent pas, ils auront la politique exactement contraire à l'avertissement qu'ils ont voulu donner". Sur le vote des étrangers aux élections municipales d'abord. "Si vous ne participez pas au vote, si vous ne nous rejoignez pas, alors vous aurez le droit de vote pour les immigrés en France", leur a-t-il lancé.
Avant lui, François Fillon et Jean-François Copé ont eux aussi dit tout le mal qu'ils pensaient de cette promesse de François Hollande. Le Premier ministre sur un mode "soft", en plaidant que "la citoyenneté ne se découpe pas en tranche". Le secrétaire général de l'UMP en en faisant une "ligne rouge, un symbole absolu de cette idée de la France qui n'est pas la nôtre". Après le droit de vote, Nicolas Sarkozy a aussi sonné l'alarme contre l'intention d'opérer une régularisation "générale" des sans-papier, qu'il persiste à prêter à son rival PS malgré les dénégations répétées de ce dernier. "Si les électeurs qui se sont portés sur la candidate du Front national veulent ça, alors qu'ils ne nous apportent pas leur suffrage", a-t-il lâché. La ligne de crête suivie par Nicolas Sarkozy est étroite. Alors il s'est une nouvelle fois défendu de tout "flirt" avec Marine Le Pen qui, s'est-il plaint, lui "réserve ses coups les plus féroces".
"Toute ma vie, j'ai combattu les thèses politiques du Front national", s'est-il offusqué, "et je ne vais pas prendre des leçons avec M. Hollande qui trouve normal de travailler et d'espérer gouverner avec M. Mélenchon qui a déclaré que Cuba est une démocratie et Fidel Castro un démocrate!". Le chef de l'Etat l'a encore répété mardi aux élus de son camp qui s'en inquiétaient, sa stratégie ne changera pas parce qu'elle est pour lui la seule possible pour espérer coiffer François Hollande au poteau. Mais dans la majorité, de plus en plus d'élus doutent de sa pertinence. "C'est le discours d'un jeune frontiste qui a de l'avenir", s'amuse un ancien ministre. "Nicolas Sarkozy se trompe", juge, plus sévère, un député de l'UMP, "ceux qui ont rejoint le FN sont d'abord des déçus de ses promesses sur l'emploi et le pouvoir d'achat. Et ça, il n'en parle pas assez".
"En insistant lourdement sur l'immigration et la sécurité, il perd au centre ce qu'il espère gagner à l'extrême droite", s'agace un élu centriste. C'est tout le sens du carton jaune adressé mercredi par François Bayrou à Nicolas Sarkozy. "Aborder la question de l'immigration (...) en prétendant que les déséquilibres des comptes sociaux étaient dus aux immigrés", a-t-il jugé, "c'est un reniement d'un demi-siècle de politique sociale en France". AFP