La Cour d'Appel de Lyon a rejeté sa demande de dommages et intérêts mais condamne Clearstream aux dépens.
Clearstream - Le combat de Denis Robert
Après plus de 10 ans de procédure, la Cour de Cassation a lavé l'honneur du journaliste mosellan Denis Robert et justifié tout son travail d'enquête sur la chambre de compensation luxembourgeoise Clearstream.
La cour d'Appel de Lyon a rejeté mardi 29 novembre 2011 la demande de 3,6 millions d'euros de dommages et intérêts que Denis Robert réclamait à Clearstream en réparation des "incontestables et considérables préjudices personnels, professionnels, moraux et financiers" comme l'a plaidé son avocat Me Bénédicte Litzler.
Elle a néanmoins condamné Clearstream à verser au journaliste la somme de 56.500 euros au titre des frais de procédure qui s'ajoutent aux condamnations de 9.000 euros déjà prononcées par la Cour de Cassation à l'encontre de la société financière luxembourgeoise.
C'est donc la fin des dix ans de bataille entre le journaliste et Clearstream qui déclare sur sa page Facebook :
"Je suis heureux aujourd’hui d’être allé au bout de ma démarche.
J’ai montré qu’un journaliste pouvait gagner contre une telle puissance financière.
Ma demande de dommage et intérêts s’inscrivait dans une réflexion plus large sur le sens de ce métier. Est-il normal qu’un journaliste soit attaqué de toutes parts pendant dix ans comme je l’ai été ? Je crois que non. Mais la Cour d’appel ne pouvait juger que sur mes deux livres et mon documentaire et pas l’ensemble des plaintes déposées par la multinationale.
Aujourd’hui, en pleine crise financière, il faut être inconscient pour ne pas s’interroger sur la manière dont une chambre de compensation comme Clearstream peut être utilisée dans l’évasion des capitaux vers les paradis fiscaux et l’appauvrissement des Etats.
Même si cette bataille a été difficile, je suis surtout fier d’avoir résisté au déchaînement judiciaire de cette multinationale et d’être à l’origine d’une jurisprudence de la Cour de cassation qui sert maintenant à tous les journalistes et les rend plus libres."
Dans un arrêt rendu jeudi 3 février 2011, la 1ère chambre civile de la Cour de Cassation avait cassé la décision de la Cour d'Appel de Paris, en relevant "l'intérêt général du sujet traité et le sérieux constaté de l'enquête".
"C'est la fin de dix ans de combat judiciaire, je suis soulagé", avait déclaré Denis Robert, qui revennait sur sa page facebook sur cette affaire.
"C'est une décision qui va faire jurisprudence car la Cour a reconnu qu'un journaliste pouvait commettre de petites erreurs s'il est comme moi de bonne foi et s'il couvre un sujet d'intérêt général en menant un travail difficile dans le milieu opaque de la finance", avait-il commenté.
Denis Robert comptait demander réparation à la chambre de compensation, ainsi que des publications dans des journaux. "Et les livres, qui étaient jusqu'ici interdits, vont pouvoir ressortir", s'était-il réjoui.
Mais la Cour d'appel de Lyon a finalement rejeté sa demande de 3,6 millions d'euros de dommages et intérêts qu'il réclamait à Clearstream.
Rappel des faits :
Clearstream avait porté plainte en diffamation le 16 octobre 2008, notamment pour un documentaire diffusé sur Canal+ en mars 2001, intitulé Les dissimulateurs, ainsi que pour deux de ses ouvrages, Révélation$ et La Boîte noire.
L'ancien journaliste de Libération avait été condamné en appel à payer un total de 4.500 euros de dommages et intérêts ainsi que plusieurs milliers d'euros de frais de justice. Clearstream avait par la suite proposé un arrangement à Denis Robert, que celui-ci avait refusé. Il avait alors formé un pourvoi en cassation dont l'arrêt lui a donc été favorable le 3 février 2011.
Par ailleurs, Le tribunal correctionnel de Paris avait jugé Denis Robert au procès Clearstream 2 (la version politique de l'affaire, dite des listings), aux côtés notamment de Dominique de Villepin, et l'avait relaxé en janvier 2010, estimant que les poursuites contre le journaliste étaient incompatibles avec la Convention européenne des Droits de l'Homme (CEDH) garantissant la liberté d'expression.
Pour aller plus loin :
Le blog de Denis Robert Sa synthèse du dossier