Loi de 1905 et Concordat : N. Sarkozy s'exprime

Nicolas Sarkozy a énoncé mercredi, sans le nommer, le projet de son rival socialiste François Hollande

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Loi de 1905 - pas de remise en cause du Concordat

Dimanche, François Hollande, le candidat socialiste à l'élection présidentielle, a proposé d'intégrer la loi de 1905 qui porte sur la séparation des Eglises et de l'Etat, dans la Constitution. De quoi susciter la polémique en Alsace-Moselle jusqu'à ce mercredi.

Nicolas Sarkozy a énoncé mercredi, sans le nommer, le projet de son rival socialiste François Hollande d'inscrire dans la Constitution la loi de 1905 de séparation des Eglises et de l'Etat, l'accusant de "menacer un consensus vieux de près d'un siècle".

MERCREDI 25 JANVIER


"La France est comme, chacun le sait, une République laïque et sociale, ce principe est d'ailleurs inscrit noir sur blanc dans le préambule de notre Constitution", a déclaré le chef de l'Etat lors de son discours de voeux aux autorités religieuses à l'Elysée. "Certains seraient bien inspirés de relire de temps en temps le texte de notre Loi fondamentale. Cela leur éviterait de se donner la peine de chercher à y faire inscrire ce qu'elle contient déjà !
Sauf à vouloir mettre un terme au statut particulier de l'Alsace et de la Moselle hérité d'une histoire douloureuse", a-t-il remarqué.

Lors de sa première grande réunion publique de campagne dimanche au Bourget (Seine-Saint-Denis), le candidat du PS à la présidentielle François Hollande a annoncé son intention d'inscrire "la loi de 1905, celle qui sépare l'Eglise de l'Etat, dans la Constitution".  "Présider la République, c'est être viscéralement attaché à la laïcité", avait lancé M. Hollande, la laïcité "est une valeur qui libère et qui protège".  Ces propos ont alimenté des craintes, à droite, sur l'avenir du régime dérogatoire du Concordat, qui permet à l'Alsace et à la Moselle, depuis leur retour sous le giron français en 1918, de ne pas appliquer la loi du 9 décembre 1905 sur la séparation des Eglises et de l'Etat.  

Cette loi stipule que "la République assure la liberté de conscience" et "garantit le libre exercice des cultes" (article 1), mais "ne reconnaît, ne salarie et ne subventionne aucun culte" (article 2).

"Pourquoi revenir sur un consensus politique vieux de près d'un siècle? Pourquoi prendre le risque de raviver une querelle religieuse qui a divisé les Français pendant des décennies jusqu'à menacer la République elle-même?", s'est interrogé mercredi le président de la République.  "Notre pays a besoin, plus que jamais, d'unité et de rassemblement. Je refuse toute vision intégriste de la laïcité (...) qui consisterait à exclure de la sphère publique toute référence culturelle ou intellectuelle à la religion", a rappelé Nicolas Sarkozy devant les responsables des cultes.

Depuis son élection, le chef de l'Etat a à plusieurs reprises suscité la polémique en développant son concept de la "laïcité positive" et en insistant sur les "racines chrétiennes de la France", notamment lors d'un fameux discours prononcé en 2007 dans la basilique romaine de Saint-Jean-de-Latran.  La Constitution stipule que "la France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale" dans son article 1, et non pas dans son préambule comme Nicolas Sarkozy l'a affirmé mercredi. AFP



MARDI 24 JANVIER

Dimanche, dans son discours au Bourget, François Hollande, le candidat socialiste à l'élection présidentielle, a proposé d'intégrer la loi de 1905 qui porte sur la séparation des Eglises et de l'Etat, dans la Constitution.
Et depuis, les réactions sont vives en Alsace-Moselle car d'après certains, cela remettrait en cause le régime concordataire.

Le projet de François Hollande d'inscrire dans la Constitution la loi de 1905 de séparation des Eglises et de l'Etat ne concerne pas le statut concordataire de l'Alsace-Moselle, a affirmé mardi le député socialiste Jean-Marc Ayrault.

Lors des questions au gouvernement à l'Assemblée Alain Marty, député UMP de Moselle, s'était inquiété du "flou et de l'approximation", du candidat socialiste à l'élection présidentielle quant à la constitutionnalisation de la loi de 1905.  "Quel sera le statut demain de l'Alsace-Moselle, de son droit local, de l'application du concordat hérité de notre histoire douloureuse ? Je rappelle les différentes annexions", s'est interrogé M. Marty.  "Le candidat socialiste veut-il sortir du Concordat comme on sort du nucléaire ? Veut-il supprimer cet héritage républicain ? Les Alsaciens et les Mosellans jugeront en heure et en temps", a-t-il lancé.

 En réponse, Claude Guéant, ministre de l'Intérieur chargé des cultes, a rappelé que la Constitution précise dans son article premier que "la France est une république laïque".  "La loi de 1905 a été reconnue par le Conseil Constitutionnel comme ayant valeur constitutionnelle", a ajouté M. Guéant.  "Y a-t-il des intentions cachées ? Celles par exemple de mettre un terme au Concordat auquel sont attachés nos compatriotes alsaciens et mosellans, celle de donner à la laïcité une nouvelle définition ?", s'est interrogé le ministre.

Prenant à son tour la parole, Jean-Marc Ayrault, député-maire de Nantes, a précisé "c'est bien que la France veuille inscrire le titre premier de la loi de 1905 dans la Constitution qui rappelle la séparation des Eglises et de l'Etat, exception faite de l'Alsace-Moselle. C'est cela la proposition de François Hollande", a-t-il ajouté.  Selon la loi du 9 décembre 1905 sur la séparation des Eglises et de l'Etat, "la République assure la liberté de conscience" et "garantit le libre exercice des cultes" (article 1), mais "ne reconnaît, ne salarie et ne subventionne aucun culte" (article 2).

 Toutefois, quand l'Alsace et la Moselle redeviennent françaises en 1918, la loi Ferry sur l'école publique et la loi de 1905 ne leur sont pas appliquées.  Aujourd'hui leur clergé -en ce qui concerne le catholicisme, le judaïsme et une partie du protestantisme- reste salarié par l'Etat. Des cours de religion sont dispensés dans les écoles publiques, en vertu du Concordat de 1801. La Guyane bénéficie également d'un régime dérogatoire.  François Hollande n'avait pas précisé dans son discours dimanche ce qu'il adviendrait de la situation dans ces départements. AFP

Loi de 1905 dans la Constitution: des religions monothéistes inquiètes (AFP)

Le projet de François Hollande d'inscrire dans la Constitution la loi de 1905 de séparation des Eglises et de l'Etat satisfait les organisations laïques mais suscite les craintes des religions sur l'avenir du régime dérogatoire du Concordat. 

Selon la loi du 9 décembre 1905 sur la séparation des Eglises et de l'Etat, "la République assure la liberté de conscience" et "garantit le libre exercice des cultes" (article 1), mais "ne reconnaît, ne salarie et ne subventionne aucun culte" (article 2).

Toutefois, quand l'Alsace et la Moselle redeviennent françaises en 1918, la loi Ferry sur l'école publique et la loi de 1905 ne leur sont pas appliquées.  Aujourd'hui leur clergé -en ce qui concerne le catholicisme, le judaïsme et une partie du protestantisme- reste salarié par l'Etat. Des cours de religion sont dispensés dans les écoles publiques, en vertu du Concordat de 1801. La Guyane bénéficie également d'un régime dérogatoire.

François Hollande, qui n'a pas précisé ce qu'il adviendrait de la situation dans ces départements, a satisfait les militants de la laïcité comme l'Observatoire international de la laïcité contre les dérives communautaires: "Certes, le terme de laïcité est d'ores et déjà inscrit dans le texte constitutionnel. Mais y ajouter de manière expresse l'article 1 et l'article 2 de la loi de 1905 serait naturellement, pour l'ensemble des acteurs de la laïcité, une avancée essentielle".

Même satisfaction au Grand Orient de France, première obédience maçonnique, dont le Grand Maître Guy Arcizet voit "quelque chose de satisfaisant" dans "cette confirmation publique de ce que François Hollande nous avait annoncé le 22 novembre".  "Agressivité"
 Mais le monde religieux est plus dubitatif. "Hyper-favorable" lundi matin, Dalil Boubakeur, recteur de la Grande Mosquée de Paris, a relativisé ce satisfecit dans l'après-midi, redoutant une remise "en cause des statuts particuliers dans certains départements d'Outre-mer, ainsi qu'en Alsace-Moselle".

"Pourquoi tant d'agressivité contre la religion ?", s'insurge chez les catholiques le père Matthieu Rougé, directeur du Service pastoral d'Etudes politiques. "Et quid de l'Alsace-Moselle, de la société alsacienne et mosellane qui ont des modes de vie très traditionnels?"

"Va-t-on faire entrer dans la Constitution des articles aussi obsolètes que celui (article 39) qui concerne le service militaire des prêtres et des séminaristes ?", demande-t-il encore.  Plus modéré mais aussi dubitatif, le pasteur Claude Baty, président de la Fédération protestante de France, juge l'annonce de M. Hollande "embêtante" car "vague": "A part les articles 1 et 2 de la loi de 1905, quel sera le statut des 44 autres articles qu'elle contient."


 "En outre, il ne faut plus confondre laïcité et loi de séparation des Églises et de l'État, souvent présentée comme la +loi de laïcité+ alors même que le mot +laïcité+ ne s'y trouve pas. La confusion laïcité/séparation devient dérive quand certains laissent entendre que la laïcité consiste à séparer la société et les religions, celles-ci étant invitées à se recroqueviller dans la sphère privée", relève M. Baty.

Pour Jean Baubérot, professeur émérite de la chaire Histoire et sociologie de la laïcité à l'Ecole pratique des hautes études, "ce serait à l'honneur de François Hollande de sortir du flou": "Ou il tergiverse et on dira qu'il est inconséquent, ou il ne tergiverse pas et il faudra statuer sur l'Alsace-Moselle", souligne Jean Baubérot qui publie cette semaine "La laïcité falsifiée" (Ed. La Découverte).

Interview d'Odon Vallet

L'historien des religions Odon Vallet estime qu'"il serait dangereux d'inscrire dans la Constitution la loi de 1905 de séparation des Eglises et de l'Etat, dont le texte est difficile compte tenu de ses nombreuses modifications". 

Odon Vallet pense qu'"il vaut mieux s'abstenir" d'ajouter ce texte dont certains articles sont obsolètes, comme celui relatif au culte en Savoie et en Haute-Savoie et qui, étant donné sa vieillesse, ne fait aucune allusion au culte musulman".

"D'autant", dit-il, "que la Constitution définit la République comme laïque". L'historien rappelle, à titre d'exemple, que "la loi de 1901 sur les associations a valeur constitutionnelle depuis une décision du Conseil Constitutionnel depuis 1971".

"Le Conseil Constitutionnel pourrait ainsi parfaitement décider que la loi de 1905 a valeur constitutionnelle. Cela ne l'étendrait pas à l'Alsace-Moselle, régie par les textes concordataires. Pas plus que la loi de 1901 ne s'applique non plus à l'Alsace-Moselle, où les associations sont déclarées au tribunal et non à la préfecture".

"Constitutionnaliser le texte de la loi de 1905 pourrait rendre plus difficiles d'éventuelles évolutions législatives rendues nécessaires par les changements religieux intervenus", conclut l'historien. (AFP)

"Remise en cause" du Concordat selon P. Richert

Le ministre des Collectivités, Philippe Rhichert, a estimé lundi que la proposition de François Hollande d'inscrire dans la Constitution la loi de 1905 sur la séparation de l'Eglise et de l'Etat serait "une remise en cause" du Concordat et des usages locaux en Alsace-Moselle.

 "Concrètement, cette proposition, alors que la laïcité est déjà dans la Constitution, est une remise en cause des régimes locaux et du concordat en Alsace-Lorraine", a dit M. Richert.  Selon le ministre, "cette idée d'introduire la loi de 1905 dans la constitution a pour objectif de donner satisfaction aux tenants d'une laïcité forte". "On a l'impression que cette annonce est destinée prioritairement à l'islam. Elle touche également les lois locales en Alsace-Moselle où la laïcité est appliquée à travers les règles du concordat", a-t-il ajouté.

 M. Richert est également président du conseil régional d'Alsace. Le concordat de 1815 est toujours en vigueur en Alsace-Lorraine, dans la partie qui était intégrée à l'empire allemand lors du vote de la loi de 1905.  M. Hollande, candidat socialiste à la présidentielle, a annoncé dimanche dans son premier grand meeting au Bourget qu'il "inscrirait" dans la Constitution la loi de 1905 sur la séparation de l'Eglise et de l'Etat.

R. Ries : "Pas de remise en cause du Concordat"

Le communiqué  : "François Hollande a indiqué hier, dans son discours au Bourget, qu’il proposerait que les fondements de la laïcité, contenus dans la loi de 1905, soient intégrés dans la Constitution. Il va de soi que cette intégration ne remettra pas en cause les dispositions particulières du Concordat Alsace-Moselle, qui ne contreviennent d’ailleurs en rien au principe de laïcité. Roland Ries, maire de Strasbourg, rappelle qu’il avait déjà, après le colloque sur la laïcité du 6 décembre dernier qui s’est tenu au Sénat, attiré l’attention de l’équipe de campagne de François Hollande qui donnera rapidement des précisions sur cette question."

Réaction de l'Institut du droit local

L'inscription dans la Constitution de la loi de 1905 sur la séparation de l'Eglise et de l'Etat, proposée par François Hollande, conduirait à "abroger" le régime du Concordat, a déclaré mardi le secrétaire général de l'Institut du droit local alsacien-mosellan (IDL). "Le problème réside dans l'article 2 de la loi de 1905, qui dit que +la République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte+. C'est tout le Concordat, le droit local des cultes, qui serait abrogé", a affirmé Eric Sander.

En effet, a-t-il expliqué, "le Concordat organise différemment de la loi de 1905 les relations entre l'Eglise et l'Etat, en permettant le financement des cultes: les communes sont chargées de l'entretien des édifices, et l'Etat salarie les prêtres, les pasteurs et les rabbins". A l'instar d'autres lois, la loi de 1905 adoptée alors que l'Alsace et la Moselle étaient allemandes n'a pas été étendue à ces territoires lors de leur retour dans le giron français, si bien qu'ils sont toujours régis par le Concordat de 1801. Créé en 1985, l'Institut du droit local affirme avoir "pour tâche de promouvoir une connaissance plus approfondie des diverses composantes du droit local ainsi que des problèmes juridiques que soulève sa combinaison avec le droit général français". Sa mission a été reconnue d'utilité publique en 1995. AFP

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