INSOLITE - Alsace : pour leurs vacances d’été, ils ont choisi le confinement spirituel

Après trois mois de confinement pour raisons sanitaires, des Français se sont reconfinés volontairement dans des lieux de spiritualité, pendant leurs vacances d’été. Qui sont-ils, où se sont-ils retirés et pour trouver quoi ? Témoignages de confinés volontaires et de leurs accueillants.
 

Se retirer du monde, alors que nous avons passé trois mois coincés entre quatre murs pour cause de crise sanitaire, peut surprendre. Mais certaines personnes, croyantes ou pas, ont quand-même opté pour ce choix, quitte à ne pas être comprises par leur entourage. Qui sont-elles, pourquoi cherchent-elles ce temps de recul, qu’en attendent-elles et quels sites pour les accueillir ? 
 

Prendre de la distance avec le tourbillon de la vie

Isabelle Backert, 49 ans, fait partie de ceux qui se sont reconfinés pendant une semaine cet été : "Après des mois de travail, de tensions, j’avais besoin de me poser, de me reposer loin du bruit, des informations en continu, des obligations de la société et du tourbillon de mon travail". Le fait d'avoir été confinée pour raisons sanitaires ne l'a pas empêché le moins du monde de se reconfiner. Au contraire, après la période de stress lié au Covid, une telle retraite lui a semblée idéale. Pour elle c'était en août, au foyer de Charité à Ottrott, au pied du Mont Sainte-Odile, dans le Bas-Rhin.


Fermés au public pendant le confinement, les réservations et demandes de renseignements dans les lieux de retraite et de formation spirituelle en Alsace ont repris dès le mois de mai selon Gisèle Gaillot, porte-parole du Foyer de la Charité à Ottrott. "Tout le monde a vécu ces quelques semaines de façon différente et des questions de fond se font jour : sens de la vie, sens du travail, intérêt de vivre en ville ou pas, mes activités, mes loisirs, le temps consacré aux enfants…Besoin de donner du sens à ces semaines exceptionnelles et du coup, besoin de revoir ses choix pour la rentrée. Les personnes qui téléphonent pour se renseigner ou s’inscrire à une retraite de 3 à 6 jours sont des personnes issues de tous les horizons sociaux, culturels, religieux. Elles sont croyantes ou non", précise-t-elle. "Chacun est reçu dans un esprit d’accueil inconditionnel et de respect absolu de ses convictions et de sa liberté de conscience. Le foyer accueille aussi des personnes qui traversent une période difficile de leur vie et espèrent retrouver des forces, prendre de la distance avec ce qu’ils vivent et souhaitent entrer dans autre rythme. Des fraîchement convertis, qui débutent un chemin de foi, viennent avec une très grande soif spirituelle, sans savoir ce qu’ils recherchent exactement."
 

Les personnes qui viennent veulent souffler, respirer dans une nature belle et paisible, se déstresser, se reposer. 

Gisèle Gaillot, porte-parole du Foyer de la Charité à Ottrott.

 

 


"Le but n'est pas de se regarder le nombril"

"Une retraite est pour moi l’occasion de réfléchir sur le sens de ma vie, sur le monde et ma contribution à le rendre meilleur, même dans les petites choses du quotidien. A chaque fois je découvre un peu plus qui je suis. Le but n’est pas de me regarder le nombril, mais plus je me connais et m’accueille, plus je suis capable d’accueillir les autres tels qu’ils sont, sans les juger." ​​​​Désormais pour elle, c'est une petite semaine chaque année pour se retrouver et se ressourcer.

Parmi les lieux de pèlerinage, Notre-Dame des trois épis dans le Haut-Rhin, est reconnue par l’Eglise comme seul lieu d’apparition mariale en Alsace. "La maison accueille des groupes et des particuliers" explique le Père Antony de la congrégation de missionnaires rédemptoristes. "La plupart sont des habitués, mais il y a aussi des personnes qui découvrent cet endroit lors des soirées barbecues que nous organisons. Certains y reviennent ultérieurement pour un ou plusieurs jours."

 

"Notre porte est ouverte à toutes les confessions et toutes les personnes qui viennent ne sont pas croyantes"

Père Antony, Notre-Dame des trois épis 

 

 


Pas croyant, mais envie d'une réflexion plus approfondie

Jean-Marie n'est ni croyant, ni engagé dans une religion. Mais c'est bien dans ce couvent, au-dessus de Colmar, "loin du tumulte de la vallée" qu'il a choisi de se retirer pendant une partie de l'été 2020. Il a 53 ans et cherchait un endroit pour "prendre du recul". "Je n'avais pas d'objectif précis, mais je voulais pouvoir prendre le temps d'une réflexion plus profonde que celle que l'on peut avoir dans la vie ordinaire, trop agitée, où on est constamment sollicité.

Il a déjà expérimenté quelques retraites dans différents coins de France. La première fois c'était pour préparer sa thèse. Ce qu'il apprécie toujours dans ces endroits, c'est le silence, le calme et les rencontres que l'on peut y faire. "Au début on s'ennuit un peu à ne rien faire et après un temps, on est très bien".
 
 

Le confinement et internet ont conduit Emilie dans un monastère bouddhiste 

Emilie Lecomte, 23 ans, a découvert un aspect d'elle-même qu'elle ne soupçonnait pas. Le déclic a eu lieu pendant le confinement. Elle rentrait d'un grand voyage et n'avait pas encore repris d'emploi. "Je pratiquais le zen depuis un an environ quand est arrivé le confinement, alors je me suis connectée sur zen on line, un site de méditation en ligne. J'ai commencé à méditer tous les jours et au fil des semaines j'ai compris que j'avais envie de vivre une période de méditation plus longue. Avant, j'avais déjà fait des séjours courts dans le monastère de Ryumon Ji, mais j'avais peur de rester plus longtemps. Je ne pensais pas en être capable, et là pendant ces mois d'isolement pour raisons sanitaires, j'ai compris que ce serait une possibilité pour moi et non plus une contrainte."

 "Grâce au confinement, j'ai compris que je serai capable de me retirer longuement."

Emilie, 29 ans, en retraite longue au monastère bouddhiste de Weiterswiller

 

 

Certains moments peuvent être plus difficiles, car le silence nous met face à nous-mêmes et nos propres contradictions, mais au bout des six jours je retrouve à chaque fois une vitalité et une joie profondes.

Isabelle Backert, en retraite spirituelle une semaine par an

 


Certains proches comprennent ce besoin, d'autres moins

"Mes enfants et mon mari ne sont pas étonnés" explique Isabelle, "ils ont toujours accepté mon besoin de partir en retraite, même si eux n’ont pas le même besoin. L’expérience du confinement leur a peut-être même permis de mieux comprendre ce que j’y vis. Pour ma maman, c'est différent. Elle vit seule et subit la solitude. Malgré nos échanges téléphoniques réguliers et mes visites, l’isolement du confinement était encore plus dur pour elle. Il est vrai qu’elle ne comprend pas mon besoin de retraite."

Emilie de son côté se lève désormais à 6h00 chaque matin, pratique la méditation assise jusqu'à 7h45 avec d'autres personnes dans le dojo. "On se concentre sur notre souffle, la respiration par le ventre et sur notre posture. Moi je veux apprendre à être moi et retrouver un calme intérieur. La médiation aide à revenir dans son corps, on observe nos pensées sans jugement." Mais Emilie n'est pas devenue "méditante à temps complet", elle pratique aussi le "samou", une activité bénévole au bénéfice de la collectivité. Parfois elle prend également deux ou trois jours pour aller voir sa famille. "Mes amis comprennent bien ma démarche, ma famille pas forcément". Alors pour elle, pas question de couper les ponts avec l'extérieur. "Tout ici est fait pour s’apaiser, mais je ne suis pas encore arrivée" conclue-t-elle, un sourire dans la voix. Au fait, au départ elle s'est inscrite pour deux mois, finalement elle a décidé de rester jusqu'en ... janvier 2021.
 


 
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