Le phénomène nous arrive d’Angleterre : les adeptes de « Love on the rocks » peignent des cailloux, vont les cacher en espérant que quelqu’un les déniche. Cette folie douce a déjà contaminé plus de 20.000 fans en Alsace.
"Love on the rocks", littéralement "l’amour sur les pierres" est un concept né au Royaume-Uni. Cette activité consiste à répandre un peu de bonne humeur, gratuitement et facilement en disséminant des cailloux peints un peu partout. Arrivé en Alsace il y a à peine deux ans, le phénomène compte 20.000 fans dans la région, beaucoup plus qu’ailleurs en France.
Les petits poucets d'Alsace
C’est Héloïse, une de ses amies, expatriée britannique, qui l’a contaminée : Caroline Faber est celle par qui la mode est arrivée en Alsace. Cela remonte au mois d’août 2018 : cette habitante d'Uffholtz, dans le Haut-Rhin, décide de lancer l’antenne alsacienne du groupe Facebook "Love on the rocks France". A sa grande surprise, les membres arrivent par dizaine et en très peu de temps : "je n’en revenais pas, c’était fou", se souvient-elle.
Il faut dire que le concept est simple comme un jeu d’enfant. Et c’est peut-être cela qui fait son succès d’ailleurs. La recette : vous prenez un caillou ou un galet, vous dessinez dessus ce que vous voulez à la peinture acrylique (c’est ce qui tient le mieux), vous le signez en dos " Love on the rocks Alsace " ou vous y mettez un petit message, vous le postez sur le groupe Facebook (mais ça n’est pas obligatoire) en donnant éventuellement quelques indices sur la ville ou le lieu où vous avez l’intention de le cacher. Une fois dissimulé, la destinée de votre caillou est désormais dans les mains de celui ou celle qui le trouvera. Vous en aurez peut-être des nouvelles (si la personne se connecte sur le réseau social). Ou peut-être pas.
Comme le nain de jardin dans Le fabuleux destin d'Amélie Poulain, le film de Jean-Pierre Jeunet, les cailloux voyagent dans le monde entier : si certains sont retrouvés sur des murets, des boîtes aux lettres ou à proximité des écoles de la région, d’autres ont la destinée voyageuse. Caroline Faber raconte : "on a retrouvé des cailloux alsaciens dans des trains et avions. D’autres sont allés au Canada, en Martinique et même jusqu’en Australie !".
Où trouver la matière première ?
Là aussi, c’est une quête. Une quête réglementée. Caroline Faber rappelle qu’il est strictement interdit de se servir au bord des gravières ou des rivières. On en trouve dans le jardin en bêchant la terre, dans les vignes parfois, à l’approche de certains chantiers. Les morceaux d’ardoise sont aussi acceptés. Quand on a l’œil, on finit par en voir partout parait-il. Les gravières de la région en vendent bien sûr mais c’est à la tonne ! A chacun de négocier à l’aune de ses ambitions.
Pas seulement un truc d’enfants
Au départ, "Love on the rocks" a fait beaucoup d’émules parmi les mamans et leurs enfants, les assistantes maternelles, les institutrices. Et puis, très vite Caroline Faber s’est aperçue du cercle vertueux d’une telle activité : "on peint et après on sort pour en cacher ou en chercher : du coup, les enfants marchent sans râler. Ils oublient les écrans. Cela engage beaucoup plus l’envie de partir en balade. Et ça marche même pour moi !".
A sa grande surprise, l’initiatrice du mouvement reçoit de nombreux messages de gens en dépression qui disent "aller beaucoup mieux, depuis qu’ils peignent des cailloux". Certains ont profité du confinement pour s’y mettre. Jusqu’à 300 cailloux en deux mois pour les plus accros. Résultat : "depuis le déconfinement, il y a beaucoup de lâchers de cailloux".
Pour la petite histoire, même les Diables rouges de Colmar s’y sont mis. A l’occasion de leur 100e anniversaire, le 152e régiment d’infanterie s’est amusé à disperser des galets peints à leur effigie à travers toute la ville, histoire de se faire connaitre hors les murs.
Du bonheur en liberté et gratuit
Quand on lui demande ce que cela lui apporte, Caroline Faber répond spontanément : " Beaucoup d’amour ! C’est difficile à expliquer, mais cela fait chaud au cœur. Quand je peins, je me sens apaisée : le mental se met au pause. Quand je trouve un caillou, j’ai 7 ans, c’est Noël, je peux même sauter sur place de joie ! ".
Cette aventure a également mis beaucoup d’Alsaciens en réseau, et pas seulement virtuellement. " C’est une expérience très fédératrice, plein de gens se sont rencontrés par ce biais-là", raconte Caroline Faber, qui s’est entourée d’une équipe dynamique et motivée pour faire vivre "Love on the Rocks-Alsace".
A terme, elle voudrait créer une association à part entière qui lui permettrait d’avoir la structure nécessaire pour démarcher la CAF, les écoles ou encore les Relais d’assistantes maternelles. En attendant, son groupe de fan devrait participer à l’inauguration du Parc des carrières d’Hégenheim dont la date officielle est encore inconnue, en raison de la suspension des travaux pendant le confinement.
D’ici là, à vos cailloux, vos feutres et vos pinceaux : vous pourrez puiser votre inspiration en écoutant le bien-nommé standard de Neil Diamond : « Love on the rocks »