Dénonçant une Loi Climat pas assez ambitieuse au regard de l’accélération du réchauffement climatique, une soixantaine de députés socialistes, LFI et EELV avaient déposé un recours devant le Conseil Constitutionnel pour rouvrir les débats, mais il a été écarté car trop généraliste.
" Le gouvernement joue à la marelle, quand il faudrait se préparer à faire un marathon ! " La déclaration du député socialiste lorrain Dominique Potier résume bien en quelques mots l’avis de la soixantaine de députés socialistes, de La France Insoumise et d’Europe Ecologie Les Verts qui ont déposé un recours devant le Conseil Constitutionnel le 27 juillet 2021. Le projet de loi venait alors tout juste d’être voté le 20 juillet. Ils dénoncent une "loi des petits pas qui n’est pas en adéquation avec l’urgence climatique".
Mais le Conseil Constitutionnel s'est refusé à juger sur le fond le texte et a préféré écarter ce vendredi 13 août le recours, au motif qu'il ne mettait pas en cause de disposition particulière du texte. "Le recours contestait la loi prise en son ensemble", rappelle le Conseil constitutionnel dans un communiqué. "Les requérants ne développent qu'une critique générale (...) de l'insuffisance de la loi prise en son ensemble et ne critiquent donc, pour en demander la censure, aucune disposition particulière", relèvent les Sages dans leur décision. "Le Conseil constitutionnel en déduit que leur grief ne peut qu'être écarté." Une fois la loi en vigueur, il restera la possibilité de contester son contenu via la procédure de la question prioritaire de constitutionnalité.
De graves incidents climatiques comme preuve
Interrogé vendredi 13 aût au téléphone, le député lorrain avançait plusieurs motifs pour légitimer leur initiative. D’abord, sur le plan légal, cette Loi climat ne garantit pas "le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé " tel que le mentionne l’article 1er de la Charte de l’environnement. Il rappelle que le texte voté le 20 juillet dernier a été au final, et malgré les très nombreux amendements déposés ( plus de 4000), très peu modifié.
Les dramatiques incidents climatiques actuels nous rappellent à quel point il est urgent à présent de prendre des décisions rapides et radicales si nous voulons limiter le réchauffement climatique et préserver la vie sur cette planète.
En février dernier déjà le Haut Conseil pour le climat avait critiqué le projet de loi, estimant que les mesures proposées ne permettraient pas de rattraper le retard que la France a accumulé dans la transition bas carbone et plus largement, dans la stratégie de décarbonation de notre pays.
"Les dramatiques incidents climatiques actuels nous rappellent à quel point il est urgent à présent de prendre des décisions rapides et radicales si nous voulons limiter le réchauffement climatique et préserver la vie sur cette planète" insiste Dominique Potier. "Les inondations chez nos voisins belges et allemands et dans le Pays-Haut, les incendies en Grèce et en Algérie sont des preuves accablantes de l’insuffisance des mesures politiques en la matière ". Ce sont aussi les conclusions du 6e rapport du Giec publié début août qui insiste sur la prise de mesures radicales pour limiter la montée des températures à 2 degrés.
De grosses lacunes
"Nous espérons la censure de la Loi, pas pour la combattre, mais surtout pour pouvoir l’améliorer et pousser le gouvernement à l’action". Explique le député socialiste lorrain, interrogé ce matin au téléphone. Pour lui, ainsi que les soixante autres députés," il faut absolument augmenter les budgets, notamment en matière d’isolation des logements." Aujourd’hui il y a encore 5 millions de passoires énergétiques en France selon l’Ademe, et le budget prévu pour y remédier n’est pas à la hauteur. De même il déplore que les mécanismes financiers proposés par son parti n’aient pas été retenus.
Concernant les transports, selon le député, là aussi il y a moyen d’améliorer le texte de la Loi Climat notamment en modifiant la TVA sur les transports en commun pour les rendre plus accessibles à tous.
Dans le domaine de l’économie circulaire, la Loi Climat pourrait selon lui, aller beaucoup plus loin. "Elle devrait prévoir plus de recherche et de programmes pour recycler les métaux rares qui sont indispensables à nos appareils numériques, et éviter ainsi de continuer à exploiter les terres rares en Afrique et en Chine qui ont des conséquences catastrophiques sur l’environnement, dont une empreinte carbone très élevée". A ce sujet, l’affichage de l’impact environnemental et social sur les produits prévu par le gouvernement est jugé beaucoup trop timide, avec une entrée en vigueur d’ici 5 ans. Impossible pour les consommateurs de faire les bons choix sans cette évaluation.
En Agriculture, le député lorrain aimerait bien que le Parlement rediscute de la possibilité d’imposer un bonus-malus pour l’utilisation de certains produits phytosaniatires dont les engrais azotés qui participent activement aux émissions de gaz à effet de serre. Le Giec a d’ailleurs pointé du doigt dans son dernier rapport les protoxydes d’azote comme faisant partie des plus gros contributeurs au réchauffement climatique après le CO2 et le méthane.
Des arguments en faveur de la saisine
Le 6e rapport du Giec (Groupement d’experts intergouvernemental sur le climat) publié début août vient d’ailleurs à point nommé, et renforce la légitimité du recours déposé par les députés devant le Conseil Constitutionnel. En effet, le Giec tire la sonnette d’alarme avec un réchauffement climatique plus rapide que prévu. Le seuil de 1,5 ° supplémentaire sera atteint dès 2030 au lieu de 2040. Les experts appellent de leur vœux les décideurs à prendre des mesures radicales et rapides.
Un autre évènement important vient appuyer la saisine de parlementaires, la condamnation du gouvernement le 4 août dernier par le Conseil d’Etat à une amende de 10 millions d’euros pour son inaction en matière de pollution de l’air, jugeant que les mesures prises n’ont pas été suffisantes pour avoir un effet positif. Un rapport d’expert et une décision de justice que le Conseil Constitutionnel devrait prendre en compte pour rendre sa décision. Elle est attendue ce vendredi vers 18h.
Face à un gouvernement qui pour lui "ne met pas les moyens dans la transition écologique par rapport à l’ampleur de la crise climatique", Dominique Potier aime à rappeler qu’"avant le coût de l’action, il qu’il y a surtout un coût de l’inaction : la famine et le décès d’êtres humains, la destruction de nos forêts, de nos récoltes, de notre environnement".