Les gens ne veulent plus travailler : la ritournelle courante des chefs d’entreprise qui peinent à embaucher. Le chômage s’expliquerait par une désaffection pour le travail. La réalité est beaucoup plus complexe. Chaque semaine à partir de janvier 2019, nous allons tenter de la décrire.
En apparence, la Lorraine se situe dans la moyenne nationale du taux de chômage, comme l’indique l’INSEE au deuxième trimestre 2018, avec néanmoins un pic dans les Vosges où il frôle les 10%. Cet état des lieux se fige après la perte de 40% des emplois industriels de la région en quinze ans, mais il recouvre mal une situation quasi paradoxale : beaucoup d’entreprises, et parmi elles une majorité de PME-PMI, n’arrivent pas à recruter et dans certaines d’entre elles, les postes ouverts approchent la centaine !
Ce spécialiste de la logistique qui préfère garder l’anonymat, reconnaît qu’il lui manque une demi-douzaine de postes sur les 80 de son site messin. Il lui faut parfois plusieurs mois pour combler un seul poste. Ce carrossier industriel près de Nancy cherche depuis plusieurs mois une dizaine de carrossiers. Et il a peu de pistes pour en trouver. Cette entreprise d’électricité à côté d’Epinal a collé sur ses véhicules « cherche électriciens » car il lui en manque cinq :
« on est obligé de tourner avec des intérimaires, et cette année nous n’avons qu’un seul apprenti, alors qu’on pourrait en accueillir plus ».
Le manque de candidats touche aussi de plein fouets les entreprises des secteurs de pointe, comme l’aéronautique.
explique Jean-Emmanuel Metz, responsable des ventes pour l’Europe de l’Ouest de Leach-Esterline à Sarralbe. « Aujourd’hui on a réussi à recruter des salariés pour la partie fabrication, mais il nous manque encore du monde, et sur des postes très qualifiés ». Le responsable des ressources humaines de l’entreprise américaine, Yves Ancel, ne ménage pas sa peine : « Dans notre secteur, l’aéronautique, on est en concurrence sur certains postes avec des entreprises de Toulouse, où se situe le cœur de l’activité en France…« Forcément, avec 60 postes non pourvus en juin, ça tournait un peu moins bien »
on fait beaucoup d’efforts pour attirer des ingénieurs, les aider dans leur déménagement, accompagner leurs familles, etc. Mais on a un problème d'attractivité, c’est certain ».
Souvent mise en avant dans les secteurs frontaliers, la concurrence du Luxembourg ne peut pas tout expliquer. Certes, au Grand-Duché les salaires et les prestations familiales sont plus élevés, et les entreprises doivent s’aligner sous peine de ne trouver personne : « chez moi, un plongeur est à 1800 euros nets par mois, je n’ai pas le choix, c’est ce qu’il toucherait de l’autre côté » avoue ce restaurateur mosellan dont l’établissement se trouve à 500 mètres de la frontière.
Mais le phénomène touche la plupart des activités, commerciales, de services, ou industrielles. C’est un mélange de déficit d'attractivité dans les territoires éloignés des métropoles, de faible qualification des candidats et, parfois, de salaires proposés jugés trop faibles. Les chefs d’entreprise interrogés mettent aussi en avant une inadéquation chronique entre leurs besoins et les formations proposées : des filières en panne continuent à diplômer des métiers qui ne recrutent plus, et les nouveaux métiers n’ont pas ou peur de formations en Lorraine. Or l’enjeu est de taille car toujours selon l'INSEE, 2000 jeunes diplômés lorrains quittent la région tous les ans, sans jamais y revenir.
Quels sont les entreprises qui embauchent ? Dans quels secteurs se trouvent-elles ? Quels sont les postes à pourvoir, tout de suite, et avec quels profils ?
Chaque semaine à partir de janvier 2019, nous apporterons notre éclairage sur ces questions et nous ferons le portrait d’une entreprise lorraine qui embauche.