Le bilan de la saison de miel 2021 est l’un des plus catastrophiques jamais enregistrés en Lorraine. Les apiculteurs n’ont récolté que 15 à 20% de la production annuelle habituelle. En cause : les températures basses et surtout les pluies abondantes qui menacent maintenant la survie des ruches.
"Depuis 15 ans que je suis apicultrice, je n ‘ai jamais vu çà !" Sarah Holtzmann est désespérée. Pas une goutte de miel n’a coulé dans son extracteur depuis le début de cette année. C’est une première ! Pourtant cette apicultrice de Moussey dans les Vosges possède un peu plus de 200 ruches, de quoi remplir habituellement des centaines de pots de ce délicieux nectar.
"D’habitude, même les mauvaises années, on n’arrive toujours à s’en sortir avec quelques kilos de miel de fleurs ou de montagne, mais cette année, il n’y a rien de rien. Juste de quoi nourrir les abeilles et encore". Sarah Holtzmann est déjà en train de ranger tout son matériel, une activité qu’elle fait habituellement en octobre. Pour elle " 2021, c’est plié ".
"Depuis 15 ans que je suis apicultrice, je n ‘ai jamais vu çà !"
Et c’est le même son de cloche un peu partout en Lorraine. Dans le Toulois, Hubert Durupt, président de Api Est fait le même constat. Les apiculteurs de la région récolteront au mieux 15 à 20 % de ce qu’ils récoltent lors d’une année moyenne.
Manque de chaleur, trop de pluie
"Pour avoir beaucoup de miel il faut que ces trois conditions soient réunies : de la chaleur ( + 25°) , et un peu d’eau, beaucoup de fleurs, et des abeilles en pleine forme." nous explique Hubert Durupt . Or cette année la météo a été particulièrement défavorable. Après les fortes gelées du printemps, la pluie a pris ses quartiers en Lorraine et s’est installée de façon durable, empêchant la floraison de nombreuses plantes. Les tilleuls par exemple ont été lavés par la pluie, les accacias n’ont peu ou pas fleuris, résultat, en 2021 il y aura très peu de miel d’accacia ou de tilleul.
Idem pour le miel de sapin, qui est pourtant l’un des plus recherché et plus apprécié dans la région, car produit dans les Vosges. A cause du manque de chaleur, les pucerons, qui produisent le miellat dont se délectent les abeilles, n’ont pas été présents sur les sapins, ou trop peu nombreux pour fournir en quantité suffisante le nectar. De toute façon, comme l’expliquent Sarah Holtzmann, et Hubert Durupt, " le vent la pluie et les températures basses ont découragé les ouvrières de travailler. Même les reines ont pondu beaucoup moins d’œufs que d’habitude ".
Danger pour les abeilles et la pollinisation
"Habituellement les cadres de couvains sont plein à craquer en juillet, mais là les ruches se dépeuplent". , précise Sarah Holtzmann ». Pour Michel Grosjean, président du comité agricole du Toulois, "les apiculteurs ont préféré laisser le peu de miel produit dans les ruches pour que les abeilles puisent se nourrir, plutôt que de risquer de les faire mourir de faim".
Car c’est bien le danger qui menace les apiculteurs professionnels et amateurs : que les abeilles ne trouvent plus suffisamment de nectar et de pollen, et finissent par mourir en nombre. Une véritable catastrophe ! Rappelons que les colonies d’abeilles sont déjà décimées en partie à cause de certains pesticides qui sont épandus sur les champs.
La survie des abeilles c’est un peu l’épée de Damoclès qui pèse au-dessus de la tête des agriculteurs qu’ils soient apiculteurs, arboriculteurs maraichers ou céréaliers. Car sans abeilles, pas de pollinisation et donc pas de fruits ni de légumes, et plus généralement des récoltes qui vont chuter. La pénurie de miel n’est donc que la face cachée d’une pénurie de nourriture qui pourrait bien être beaucoup plus grave.
Dernier espoir : le tournesol et un été indien
Les syndicats apicoles comme l’ADA et l’UNAF ont tiré la sonnette d’alarme, et demandé en juillet à l’Etat l’aide de calamité agricole. Malgré cette morosité ambiante, et même s’ils savent que la saison ne pourra pas être sauvée, certains apiculteurs gardent un petit espoir de produire encore un peu de miel avant l’automne, notamment grâce aux tournesols. C’est le cas de Daniel Hollinger petit producteur près de Royaumeix qui n’a rien récolté encore cette année, alors que d’habitude à cette époque-ci il a déjà mis en pot plus de 300 kg de miel. "Il faudrait aussi un peu de soleil en aout et en septembre ".
L’autre source d’espoir vient du côté d’un mouvement qui monte en puissance dans le Toulois et en Lorraine. Plusieurs agriculteurs se sont mis à l’apiculture et ont commencé à planter au sein même de leurs champs de blé ou d’orge , des plantes méllifères pour permettre aux abeilles d’avoir suffisamment à manger. Ainsi, au printemps, ils ont semé de la vesce, de la moutard et de la Phacélie, trois plantes connues pour fournir le nectar et le pollen dont les petites ouvrières ont besoin.
On espère que les abeilles pourront se nourrir avec les tournesols ce mois-ci !
D’ici une quinzaine de jours, on saura si l’opération a marché ou non, nous explique Michel Grojean, président du Comité agricole du Toulois, qui milite activement pour que l’opération ‘cultivons mellifères s’élargisse à toute la France . Car outre la sauvegarde des abeilles qui sont indispensables aux agriculteurs, semer des plantes méllifères cela permet aussi de réduire de façon considérable les pesticides en agissant naturellement sur les mauvaises herbes par exemple.