En ce mois de septembre 2023, la Commission européenne souhaite revoir le statut d’espèce protégé du loup. Pour les éleveurs lorrains, c’est une mesure en leur faveur.
Tous les ans, les éleveurs lorrains subissent plusieurs attaques de loup. La présence de l'animal semble s’intensifier en Europe. La Commission européenne envisage donc de revoir son statut d’animal protégé. Une bonne nouvelle pour les agriculteurs, une annonce incompréhensible pour les associations protectrices de l’environnement. Depuis des années elles œuvrent pour faire cohabiter l’homme et le loup.
"Une mesure à notre avantage"
Claude Mourrot est éleveur, un troupeau de 200 brebis près de Neufchâteau, en Lorraine. Il a installé des clôtures, des caméras et un chien pour se protéger du loup. Pourtant, la dernière attaque, dans son élevage, date du 20 mars dernier, il a perdu une brebis. Cohabiter avec le loup, c’est un grand mot pour lui.
"En 2015, l’animal attaquait tous les deux jours chez moi. Quand on se réveille et quand on voit une dizaine de moutons morts c’est désespérant ! Cette mesure, l’abattage du loup est une solution parmi les autres. Ça ne va pas résoudre tout, mais c’est une mesure à notre avantage", explique l'éleveur ovin.
En 2018, le nombre de loups dans l’Hexagone s’élevait à 430 individus. Selon les derniers chiffres pour l’hiver 2022-2023, la population a doublé : 906 loups recensés en France.
Gilbert Habemont est éleveur à la retraite à Punerot, dans les Vosges. Entre 2015 et 2020, il était régulièrement touché par les attaques du loup. Aujourd’hui, propriétaire de quelques moutons pour ses vergers, il pense à ses collègues paysans.
"Si les loups restent, il y aura moins d’éleveurs à l’avenir. La régulation faite aujourd’hui en France n’est pas suffisante", confie cet agriculteur à la retraite.
Le loup : une menace pour l’homme ?
Le loup est une espèce strictement protégée par la directive de 1992 qui interdit de le capturer ou de le tuer.
Les mesures de protection, financées par l’État et des mesures d'indemnisation sont mises en place pour dédommager les éleveurs touchés.
Mais aujourd’hui, la Commission européenne veut revenir sur ses positions.
"La concentration de meute de loups dans certaines régions européennes est devenue un réel danger pour le bétail et potentiellement aussi pour l’homme", déclare le 4 septembre 2023, Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne.
Selon nos confrères du média Euronews, Madame Von der Leyen a été victime d’une attaque de loup dans sa propriété en Allemagne. Son poney Dolly, âgé de 30 ans a été tué par le loup, au début du mois de septembre 2023.
Des études techniques et scientifiques dans le Grand Est
Avant de prendre sa décision, la Commission européenne souhaite rassembler les données techniques et scientifiques.
Alain Laurent est le président de l’Observatoire des Carnivores Sauvages. Il s’occupe du suivi technique des populations dans le massif des Vosges.
"Dans les Vosges, on crie au loup alors qu’on n’en a presque pas, ça devient très inquiétant", s’insurge cet observateur aguerri.
Il suffit qu’une espèce perturbe le confort humain pour décider de l’exterminer!
Alain Laurent, président de l'Observatoire des Carnivores Sauvages
"Ici dans le Grand est, on n'a rien de récurrent au niveau des attaques. On n’est pas du tout dans une zone de présence continue. Les individus sont plutôt des loups de passage qui descendent entre la Belgique et le Jura. Le seuil d’alerte diminue quand il s’en va et à l’envers on panique dès qu’il est là" ajoute le naturaliste.
Depuis 10 ans, les associations œuvrent auprès des éleveurs pour les aider et les sensibiliser. La décision de la Commission européenne pourrait balayer le travail accompli en amont.
Dans la Meuse, Sebastien est chargé de mission pour l’association Meuse Nature Environnement. Depuis 2014, il est aux côtés des éleveurs pour prévenir les attaques de loup. Installation de filets ou de clôtures, farouchement visuel ou sonore, pose de caméra... Les mesures mises en place sont nombreuses. En France des dérogations sont régulièrement accordées pour tirer sur le loup. La législation autorise à tuer jusqu’à 19% des individus recensés.
"Je comprends l’exaspération des éleveurs quand il y a des attaques à répétition mais il y a une différence entre aller en forêt et traquer le loup pour le massacrer et utiliser des tirs de défense à l’approche des troupeaux. Il faut un juste milieu ! La France, c’est ce qu’elle fait déjà, il y a une régulation. L’Europe va tous déstabiliser, explique Sébastien Lartigue, chargé de mission, Meuse Nature Environnement.
Selon le dernier rapport du plan national d’action, le nombre d’attaques du loup reste stable. "Une enveloppe financière complémentaire de 1,5 million d’euros sera déployée dès 2024 pour accompagner les éleveurs dans de nouveaux besoins de protection", selon la Direction régionale de l’environnement Auvergne-Rhône-Alpes chargée du plan national de la protection contre le loup.
Un nouveau plan national doit rentrer en vigueur à partir du 1er janvier 2024.