Un collectif d'universitaires, d'historiens et d'ingénieurs publient un dictionnaire historique de la sidérurgie française

Les Presses Universitaires de Provence publient "Le Dictionnaire historique de la sidérurgie française". Il regroupe 280 notices rédigées par 120 auteurs spécialistes dans des domaines différents. Une approche originale et d'une grande richesse où la Lorraine figure en bonne place

C'est le chaînon manquant dans la multitude d'ouvrages déjà édités sur la sidérurgie française. Beaucoup traitent des techniques ou d'histoire sociale mais aucun ne s'est encore risqué à une approche globale de cette industrie qui n'a jamais cessé de se transformer.

C'est le pari tenté par Philippe Mioche, professeur émérite d'histoire contemporaine à l'université d'Aix-Marseille : "par rapport à la place qu'occupait cette activité dans l'économie réelle en termes d'emplois, de production, de richesse et dans notre imaginaire, il était important de rassembler les travaux de différents spécialistes pour faire le point sur les connaissances de cette industrie et de son évolution." 

Entre la lettre" A" comme acier et "W "comme Wendel, ce dictionnaire offre 280 notices rédigées par 120 auteurs spécialistes dans des domaines différents : des historiens, des géographes, des sociologues ou encore des historiens de l'art.

Pascal Raggi, un des quatre directeurs du dictionnaire et auteur de plusieurs notices précise la démarche : "à côté des entrées évidentes comme "acier" ou "haut-fourneau", nous avons souhaité faire des pas de côté. Par exemple, j'ai rédigé une notice sur Saint Eloi le patron des métallurgistes. Nous avons aussi privilégié les regards croisés avec les sidérurgies étrangères comme la Corée du Sud ou la Chine"

Les matières premières, les outils, les évolutions techniques, les sites de production emblématiques comme Le Creusot ou la Grande Forge de Buffon côtoient les portraits de maitres de forges mais aussi de personnalités  actuelles comme Lakshmi Mittal ou Bernard Lavilliers. 

Ce dictionnaire est un lieu de rassemblement des cultures

Les promoteurs de ce dictionnaire ont tenu à associer les érudits locaux comme Jean-Thomas Casarotto, ancien sidérurgiste connu pour ses monographies d'usines ou Roger Martinois, cheville ouvrière des "Chroniques joviciennes". Tous les savoirs sont convoqués sans hiérarchie. Ici, la légitimité des arpenteurs des histoires locales et des autodidactes vaut celle des universitaires. C'est assez rare pour être souligné.

Philippe Mioche a aussi proposé aux ingénieurs de collaborer au dictionnaire: "nous avons souhaité ce dialogue avec les ingénieurs. Il participe aussi au côté innovant de la démarche" . La Culture occupe aussi une place importante. Elle est traitée sur le même plan que l'économie, les techniques de fabrication, les portraits de personnalités ou l'histoire sociale.

L'aspect culturel, nous y tenions beaucoup. On ne peut pas dire que la sidérurgie est une activité importante si l'on ne parle pas de la culture

Pascal Raggi, Maître de conférences en histoire contemporaine à l' université de Lorraine

Car si la sidérurgie fabrique de l'acier, elle a générée tout au long de son histoire une culture bien particulière. Dictant les rapports humains et hiérarchiques à l'intérieur des gigantesques usines mais aussi à l'extérieur : la vie sociale dans les bassins. L'usine imprime son rythme, sa respiration jusque dans l'intimité des foyers.

Claudine Cartier, conservateur général honoraire du patrimoine et enseignante à l'Ecole du Louvre consacre une notice passionnante aux usines sidérurgiques vues par les artistes. L'occasion de voir l'évolution des regards extérieurs sur le monde fascinant de l'industrie du fer mais finement sous-titrée "de l'admiration à la dénonciation." 

Ce dictionnaire édité aux Presses universitaires de Provence se présente comme une synthèse de tout ce qui constitue l'univers sidérurgique national. Il peut se lire dans la continuité ou au hasard des pages et des envies. Il s'adresse à tous les publics et permet comme se plaisent à le souligner ses auteurs, de découvrir ou de redécouvrir une industrie lourde avec légèreté.