Le 2 septembre 2021, jour de la rentrée scolaire, 900 élèves du Bas-Rhin ont été privés de transport scolaire. En cause, une pénurie de 60 conducteurs. Un métier qui traverse une crise profonde. On vous dit pourquoi.
L’exploitant Keolis, filiale de la SNCF en charge du transport scolaire dans le Bas-Rhin, se souviendra sans doute longtemps de cette rentrée scolaire 2021. Le 2 septembre, il a dû faire face à une pénurie de conducteurs de bus. 900 enfants sans bus, plus de 1000 autres écoliers avec des horaires modifiés. Une première journée d’école compliquée.
Une pénurie constatée chez plusieurs transporteurs routiers de voyageurs
Marin Godefroy, directeur des autocars Striebig (filiale de Keolis) estime que la pandémie a porté un coup dur au métier de conducteur de voyageurs. Certains l'ont abandonné ou se sont reconvertis mais sur les 240 postes à pourvoir, dernièrement 210 ont été pourvus, il en reste 40 à trouver.
Nous avons joint un autre transporteur alsacien, Antoni autocars basé à Haguenau. Le chef d’exploitation explique que chez eux aussi, les conducteurs commencent à manquer. Sur une flotte de 80 conducteurs, l’entreprise aurait besoin d’une dizaine de chauffeurs en plus pour bien tourner. « On a assez de monde pour les lignes régulières, mais dès que l’on veut faire autre chose que du scolaire, il nous manque du monde. » Dans ce cas, le premier réflexe est de faire appel aux conducteurs retraités, mais beaucoup travaillent déjà ou sont trop âgés. Car tous les 5 ans, il faut repasser la FCO (formation Continue Obligatoire) pour une petite remise à jour d’une semaine. Passé 75 ans, les retraités n’ont plus envie de ces contraintes.
Jusqu’à 14h d’amplitude horaire
Les conducteurs peuvent avoir trois types de contrat : un contrat à temps complet (151 heures par mois), un contrat partiel (une journée de temps en temps, pour le dépannage) ou un contrat période scolaire (entre 100 et 120 heures par mois). Ce dernier est un contrat à temps partiel et peut aller jusqu’à 14 heures d’amplitude horaire par jour. Avec par exemple, un circuit le matin de 6h00 à 9h00 et l’après-midi de 16h30 à 19h00, pour un salaire qui en général, n’excède pas 1000 euros par mois. Et c’est là où le bât blesse. Car avec une telle rémunération, il faut un deuxième job.
Certains agriculteurs mixent leur activité avec le transport scolaire pour un complément de revenu. Des femmes au foyer se lancent aussi dans la conduite de cars. Mais pour la majorité des conducteurs, difficile de trouver une activité combinée et d’avoir un salaire décent à la fin du mois.
Formation : conducteur
La plupart des candidats sont envoyés par Pôle Emploi. Des personnes souvent pas ou peu diplômées, éloignées du monde du travail. Le candidat doit obtenir son permis D et se former trois mois pour devenir conducteur routier de voyage.
Philippe Erena est PDG de l’école de conduite française à Eckbolsheim. En 2020, il a formé 300 conducteurs en Alsace et en Moselle. C’est plus que les années précédentes. Il nous confirme que les formations ont augmenté depuis la pandémie. Les demandes d’entreprise sont plus fortes et les financements publics suivent. Problème, les conducteurs formés ne restent pas forcément conducteurs de car longtemps. « Pendant le Covid-19, nombreux se sont reconvertis pour devenir chauffeur Poids Lourd sur la marchandise et y restent. Et les stagiaires en sortie de formation cherchent des temps pleins. »
Que faire pour pérenniser le métier ?
Le temps partiel n’est pas viable à long terme. Pour l’avenir, Philippe Erena se dit qu’il faudrait proposer la formation à des jeunes en apprentissage, « pour manger le pain noir avant le pain blanc et espérer pour l’avenir faire du tourisme avec des trajets longue distance. » Car le pain blanc, c’est d'accéder à un poste de conducteur grand tourisme payé autour de 2500 euros par mois. « On leur confie un groupe, ils ont une relation client toute la durée du séjour, ça n’a plus rien avoir avec le transport scolaire. »
Martin Godefroy, de Striebig, travaille sur un processus d'intégration avec Pôle Emploi pour que métier de conducteur soit un tremplin. Il sollicite aussi d'anciens gendarmes ou militaires à la retraite qui ont encore du temps à consacrer pour le transport de voyageurs. Il insiste sur le côté très humain du métier, trait d'union entre les familles et les établissements.
Autre piste pour rendre le métier à nouveau attractif, « il faut trouver des complémentarités et mener des réflexions intersectorielles ». Autrement dit, permettre aux conducteurs aux contrats de 100 où 120 heures d’atteindre un temps complet et donc un salaire décent. Pour quel type de mission ? C’est toute la question.
En tout cas, l'espoir demeure pour Keolis. L'exploitant a annoncé ce lundi 6 septembre qu'une solution serait trouvée dès mercredi 8 septembre pour 750 des 900 élèves dont les bus étaient supprimés le jour de la rentrée scolaire. L'entreprise a mis en place un plan de transport adapté avec plus de rotations, un recours accru à la sous-traitance. Il ne resterait plus que 8 conducteurs de transport scolaire manquant. La société Striebig qui travaille pour Keolis, a bon espoir de régler le problème d'ici la fin de la semaine.