Depuis bientôt dix ans, les tracteurs ont remplacé les avions de chasse sur le sol de cette ancienne base de l'armée de l'air, reconvertie en complexe agroéconomique. Un lieu unique, sujet de "Vous êtes formidables" l'émission qui fait du bien, du lundi au vendredi dès 9h05 sur France 3 Grand Est.
Connue par les Rémois comme étant l'ancienne "base aérienne 112 Reims-Champagne" de l'armée de l'air, ce lieu unique en son genre au nord de Reims est devenu – depuis sa démilitarisation en 2012 – un pôle de recherche au service de la production agricole unique en Europe. L'exploitation propose aux agriculteurs qui en ont besoin d’être entourés pour développer une agriculture multifonctionnelle dans le but d'expérimenter différentes techniques de culture.
Déjà du temps des militaires, Silvère Picard, agriculteur, cultivait les terres de la base 112, mais depuis 2015, il fait partie intégrante de la ferme expérimentale Terra Lab qui s’est installée sur le site désaffecté. Avec d’autres agriculteurs de la région, ils testent sur 240 hectares plusieurs façons de cultiver des plantes avec ou sans labours par exemple. "Sur ces parcelles de manière globale, on va comparer différents systèmes, ce qui est rarement fait ailleurs dans d’autres pôles expérimentaux. La grande chance qu’on a ici, c'est de pouvoir faire des cycles sur neuf ans – donc toute une rotation – et de regarder comment ça a évolué dans le temps." explique Silvère Picard. Tests de méthodes de fertilisation du blé, suivi du niveau d’azote ou désherbage de parcelles d'orge de printemps, les essais menés ont tous la même finalité : ils travaillent avec et pour les agriculteurs.
D'une base militaire à une ferme
L'objectif de cette ferme est de collecter des données pour que les agriculteurs puissent tirer le meilleur parti des expérimentations menées sur le site. Lors de notre venue, Silvère Picard menait par exemple des essais de désherbage mécanique sur une parcelle pour en ôter les mauvaises herbes. La finalité de ces expérimentations étant de synthétiser une pratique pour la généraliser auprès de tous les agriculteurs "On cherchait à créer une synergie entre les producteurs, on n’est pas là pour opposer les agricultures, il y a des choses qui se font bien en conventionnel et d’autres qui se font bien en bio. L’idée, c’est de ramener les compétences qui sont acquises du bio vers le conventionnel" nous dit Arthur Adamczyk, conseiller grandes cultures et légumes en agriculture biologique à la chambre d’agriculture.
Ce projet expérimental axe la réflexion vers de nouvelles façons de cultiver. "L’agriculture n’est pas la monoculture, on alterne des cultures différentes tous les ans et on essaie de trouver le meilleur équilibre sur huit à neuf ans. Demain, on va certainement essayer de faire trois cultures sur deux ans ou deux cultures dans une année, on teste vraiment des choses très intéressantes." développe Maximin Charpentier, président de la chambre d’agriculture de la Marne et de la région Grand Est. Le projet réfléchit également à l’avenir du secteur, notamment sur le volet environnemental "La base 112 est vraiment unique. C'est accompagner l’agriculture et les territoires dans la neutralité carbone 2050." revendique Maximin Charpentier.
La base 112 est vraiment unique. C'est accompagner l’agriculture et les territoires dans la neutralité carbone 2050.
L'environnement, un enjeu d'avenir
L’agriculture de demain fait déjà face à d'importants enjeux qui doivent s’adapter au changement climatique. Les sécheresses répétitives interrogent sur la manière de produire avec moins d’eau, avec en parallèle, la nécessité de tôt ou tard cesser la consommation d’énergie fossile. Une véritable rupture donc, qui se prépare depuis quelques années sur le sol de l'ancienne base aérienne. "On a décidé de créer une ferme qui va réfléchir à aider les agriculteurs pour avoir un meilleur bilan énergétique, c’est-à-dire produire un maximum de biomasse, de biens alimentaires avec le moins d’énergie fossile." nous dit Maximin Charpentier sur le plateau de l'émission "Vous êtes formidables".
L'enjeu environnemental est donc de taille, "c’est un enjeu colossal [...] Il faut absolument changer les habitudes et oser un pas de côté." surenchérit même Maximin Charpentier. Il soutient la bioéconomie qui tente de produire avec le moins d'énergie fossile possible, la méthanisation (production de gaz vert avec la fermentation de plantes) qui convertit les exploitations à l’agroécologie, et voit plus loin que les ambitions de l’Union Européenne qui s’engage à adopter la neutralité carbone d’ici 2050. "Je pense qu’il va falloir redonner des étoiles [dans les yeux de chacun], de la projection, du projet, etc. Nous on essaie de créer des modèles économiques, des solutions, des outils, pour montrer aux uns aux autres qu'en se remontant les manches avec un peu d’intelligence collective on peut trouver des solutions."
L’avenir pour l’agriculture au niveau régional est de relocaliser la consommation. La région Grand Est importe une grande partie de la nourriture qui y est consommée, alors que le président chambre d’agriculture du Grand Est affirme qu'elle pourrait en nourrir douze à quinze millions de personnes, pour seulement 5 millions d'habitants, "il y a une vocation exportatrice. [...] Le Grand Est, c’est un peu une petite France."