Les sapeurs-pompiers de la Marne sont en grève depuis plusieurs mois. L’un d’eux nous explique les raisons de sa colère. De la naissance de sa vocation, à l’envie de jeter l’éponge. 

« J’en ai marre des insultes et des agressions, j’en ai marre qu’on me prenne pour un policier, un infirmier, un plombier ou un électricien ! Je veux juste faire mon métier, mon vrai métier, en toute sécurité ». L’homme que nous rencontrons est un sapeur-pompier professionnel marnais. 

Pour garantir son anonymat, nous ne préciserons ici ni son identité, ni sa caserne d’affectation. Il est âgé aujourd’hui d’une trentaine d’années. Il est sapeur-pompier professionnel depuis une petite quinzaine d’années. Porter le casque et l’uniforme était un rêve d’enfant : « depuis tout petit, je rêvais d’être dans le camion rouge qui fait « pim pon » et en grandissant j’ai gardé le même objectif : aider les autres et sauver des vies ». 

Ci-dessous, les pompiers de la Marne lors d'un entraînement, dans une eau glacée. Une opération de secours, à la recherche d'une victime, dans une eau à 2°C et une température extérieure de -6°C. 
 

Il est aujourd’hui déçu et écœuré. « J’arrive à un stade ou le matin je suis content d’aller travailler car j’aime ce que je fais : aider, porter secours aux gens qui en ont besoin, mais on se retrouve de plus en plus à faire des interventions qui ne sont pas de notre ressort. Souvent on se demande ce que l’on fait là : on n’est pas formé à l’assistanat social : quand on se retrouve dans un appartement pour un différend familial c’est du ressort de la police pas du nôtre ».

Et d’ajouter : « je sors d’une garde et en 24 heures je ne sais pas si j’ai effectué une intervention justifiée. En ville, on nous appelle pour un rien. A la campagne, une personne âgée va attendre de se couper la main pour oser nous appeler.

À 2 heures du matin par exemple, on est intervenu dans un quartier chez une personne âgée qui était couchée trop loin de son verre d’eau. Ce n’est pas le rôle d’un pompier.  

"La boule au ventre"

Son rêve d’enfant tend parfois au cauchemar. « On est de plus en plus agressé verbalement et physiquement » explique-t-il, « de plus en plus, on est obligé d’être escorté par la police en intervention, ce n’est pas normal, on perd du temps et on se stresse pour rien. Sur certaines interventions, on part la boule au ventre. Parfois quand on part sur un feu de voiture ou un feu de poubelle, on est caillassé et insulté, résultat on passe plus de temps à regarder autour de nous par crainte de l'agression plutôt qu'à faire notre boulot ».
 

Alors pourquoi cette situation absurde alors que les soldats du feu interviennent pour sauver des personnes, des vies, des enfants ? « Dans les quartiers, on nous assimile à l’état, à l’autorité, parce qu'on porte un uniforme, c’est dommage ». 

Pourtant le métier est à risque. Il le sait. « Bien sûr quand on intervient dans une maison en feu, il y a danger, mais on est formé pour cela », souligne t-il, «mais agresser un pompier c’est ridicule, ça ne sert à rien ».  Il nous explique que pour ce genre d’intervention à risque ou les pompiers sont la cible d’agressions stupides, verbales ou physiques.

 Il y a des stages vigilance urbaine organisés, mais il n’y a pas assez de places pour nous tous. Rares sont ceux qui peuvent le suivre. On apprend donc à réagir avec l’expérience du terrain. 


La profession n’est pas reconnue métier à risque. Pourtant, le métier est incontestablement dangereux et certaines conditions de travail peuvent être traumatisantes. Pas de prime de risque alors même que les salaires sont souvent jugés trop faible. Ils réalisent 2 à 3 gardes de 24 heures par semaine.
 


« Nous devons effectuer 1.607 heures par an, mais sur une garde de 24 heures, on nous compte que 17 h 08. On demande à ce que soit reconnues les 24 heures travaillées, car nous sommes présents 24 heures et non 17 heures, ce sont 24 heures pendant lesquelles nous ne sommes pas chez nous avec nos familles et où nous sommes amenés à partir en intervention". 

Tout cela pour 2.100 euros nets par mois pour un sous-officier avec une dizaine d’année d’ancienneté. 

"Changer de métier"

« Dans ce contexte, j’ai des collègues qui sont épuisés moralement, certains sont en burn out.  J’aime mon métier, mais je n’ai plus l’impression de faire mon métier" concède t-il non sans regret et de conclure : « le matin, je pars travailler parce que j’ai la passion de mon métier, mais je pense de plus en plus à faire une formation pour changer de profession et nous sommes de plus en plus nombreux dans cette situation».

Une situation difficile dans un contexte difficile ou les pompiers demandent de meilleures conditions de travail notamment pour ne plus être en sous effectif.  La grève a débuté en juin 2019.Une situation ubuesque alors que leur rôle dans la société est essentiel.  
 
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