Romain Bonhomme, le maire (DVD) de Beine-Nauroy dans la Marne a reçu des menaces à son domicile de la part de l'un des habitants de sa commune. Sa famille était aussi visée. Il a décidé de porter plainte, à l'heure où les violences envers les élus explosent.
"Il était à peine 7h30 du matin, je sortais de chez moi avec mon fils de 15 ans et on a eu droit à une pluie d'insultes." Romain Bonhomme se souvient précisément de ce matin du 27 juin. Le maire (DVD) de Beine-Nauroy remarque alors un véhicule garé devant la sortie de son garage. Il reconnaît rapidement le conducteur : c'est un habitant de sa commune.
"C'est une personne qui a entrepris de construire sur un terrain sans autorisation d'urbanisme. Cela dure depuis 2019. J'ai d'abord essayé de résoudre ce problème à l'amiable mais la situation s'est envenimée", explique l'élu. Des menaces de mort reçues par téléphone d'abord en 2021, jusqu'à cette matinée de juin donc où la tension monte encore d'un cran.
"Tout en nous arrosant de menaces, il nous a laissés passer, mon fils et moi. J'ai rapidement contacté les gendarmes. Je ne pensais pas que les choses iraient encore plus loin", raconte Romain Bonhomme. Mais le soir même, nouveau rebondissement. L'homme retourne au domicile du maire, absent cette fois-là. "Mon fils, qui était déjà présent le matin, m'appelle et me dit : "papa, le monsieur bizarroïde est revenu". C'est ma femme qui est intervenue", détaille l'édile.
"Rien ne justifie ces violences"
Nouvelle volée d'insultes et de menaces. "L'individu a dit à mon épouse qu'il observait comment la famille Bonhomme vivait, que ça pouvait être utile, le tout avec un regard bien plus noir, bien plus inquiétant que le matin", rapporte le maire de Beine-Nauroy. Il décide de porter plainte. L'homme est placé en garde à vue puis interné en hôpital psychiatrique.
Une histoire qui fait écho à la violente attaque à la voiture bélier du domicile du maire de L'Haÿ-les-Roses (Val-de-Marne), survenue il y a quelques jours. Impossible pour Romain Bonhomme de ne pas y penser.
Nous, les élus de terrain, nous jouons le rôle d'amortisseur de la colère des gens. Mais avant d'être des élus, nous sommes des habitants au milieu d'autres habitants. Et rien ne justifie ces violences à notre égard.
Romain Bonhomme, maire (DVD) de Beine-Nauroy
Des attaques qui se multiplient depuis quelques années. Selon les derniers chiffres du ministère de l'Intérieur, en 2022, les violences envers les élus ont augmenté de 32%. Dans le détail, 2 265 plaintes et signalements pour violence verbale (menaces, insultes, outrages) ou physique ont été recensés.
Briser le silence
Pour Romain Bonhomme, la priorité aujourd'hui est de briser le silence, pour qu'au-delà du constat chiffré, des actions soient entreprises par l'Etat. C'est pour cette raison qu'il a choisi de médiatiser son histoire via un post sur sa page Facebook.
Fin juin, une proposition de loi a été déposée par des sénateurs pour "garantir la protection des élus locaux." Si le maire de Beine-Nauroy salue cette initiative, il déplore qu'elle ait lieu dans un contexte déjà tendu depuis longtemps : "Je me demande si on n'agit pas trop tard ? Et puis, on prend le problème à l'envers il faut faire de la prévention, faire appliquer plus fermement nos lois, lutter contre le délitement de la vie publique," analyse l'élu.
Des outils pour aider les élus
L'association des maires de la Marne, elle, n'a pas attendu les événements récents pour s'atteler au problème. Elle a déployé tout un panel d'outils à destination des élus en s'appuyant sur le maillage judiciaire local. "C'est un sujet que l'on traite régulièrement lors de nos assemblées générales, en collaboration avec les procureurs de la République de Reims et de Châlons-en-Champagne," développe Karine Rolland, directrice de l'antenne départementale.
Chaque élu du département peut ainsi solliciter l'association dès qu'il se sent menacé ou qu'il a l'impression qu'une situation lui échappe. Il est alors écouté, guidé et conseillé. "Notre rôle est d'abord de savoir si l'agression en question vise le maire en tant qu'élu ou en tant qu'habitant. Si c'est sa fonction d'élu qui est visée alors on l'encourage à porter plainte car c'est très grave. Et on se porte systématiquement partie civile, c'est inscrit dans nos statuts de longue date", précise Karine Rolland. Chaque commune est en outre tenue d'assurer et de protéger ses élus en leur garantissant une protection fonctionnelle.
Un soutien appréciable pour Romain Bonhomme mais qui n'efface pas ses questions et celles de sa famille. "En ce moment, des gendarmes font des rondes autour de notre domicile. On se sent surveillés, c'est psychologiquement compliqué. Et puis une fois que l'individu qui nous a agressés sera sorti de l'hôpital psychiatrique, que se passera-t-il alors ?", s'interroge-t-il.
Pourtant, hors de question pour lui de laisser la peur abîmer son engagement. Cette écharpe de maire, qu'il porte fièrement depuis 2020, prend encore plus de sens après cette agression. "Mon rôle est d'aider à retisser du lien avec les gens, de recréer du lien entre les individus. Et tout cela a décuplé mon envie de m'investir, de lutter contre cette violence, qui rappelons-le, n'est l'œuvre que d'une minorité de nos concitoyens", conclut-il.