Silda, une jeune artiste de Châlons-en-Champagne, âgée de 21 ans, a publié un clip fin novembre, sur la période de confinement. Intitulé « Tout va bien ». Elle évoque la morosité ambiante, symptôme du mal-être de la jeunesse, et son espoir d'un avenir plus réjouissant.
« Tout va bien ». Le titre de ce clip, signée par une jeune chanteuse de Châlons-en-Champagne (Marne), Silda, est un cri du coeur. Un message à la fois teinté de tristesse et d’espoir. "Est ce qu’on verra plus loin dans ce monde pour demain ?" Le clip a été réalisé avec l’aide de sa famille et de ses amis. "Faut rester enfermée, mes amis, mes frères c’est tout ce que j’ai, voilà ce qu’on m’enlève". Fatiguée de cette période anxiogène, elle s’interroge comme nombre de jeunes de son âge, sur son avenir au terme de cette année 2020, bouleversée par le virus.
"Ce virus en béton, embêtant, j’en écris des poèmes, des attestations…Et toi ? raconte moi, est-ce que la vie s’éteint ? Est ce qu’on verra plus loin dans ce monde qui s’éteint…". Une poésie triste. Mélancolique, celle d'un monde incertain. Comme ses camarades âgés de 20 ans en 2020. Ce clip est aussi un indicateur d’une jeunesse en proie aux doutes face à une année anormale qui pèse sur leur quotidien.
Silda a la voix douce au téléphone. A l'image de son clip, douce, mais volontaire et mélancolique aussi. Elle qui s'est donnée les moyens de devenir chanteuse, et sort d’une école de musique professionnelle à Paris a vu sa vie chamboulée en 2020. Elle préparait la sortie de six titres. Mais avec le covid-19 tout a été stoppé. Résultat, elle a dû troquer un temps sa guitare pour l'usine, depuis juillet. Son job d’été, s’est transformé en travail à temps complet dans la logistique, où "on fait des coffrets pour les bouteilles de champagne, ça me fait de l’argent pour financer mes projets".
Au début du premier confinement, l'inspiration l'a quittée. "D’habitude je la trouve à l’extérieur, du coup je me suis plongée dans les livres et les films. Cette chanson 'Tout va bien', je l’ai écrite en pleine nuit, je me suis réveillée. Il était trois heures du matin et j'ai écrit. Avec l’accumulation de ce qui s'est passé ces dernières semaines, je n’arrivais pas trop à parler de ce sujet". En creux, le confinement, l'avenir bouché. Les doutes sur cette existence masquée.
Entre ironie et espoir
"Je me suis dit, que c’était injuste ce qu’on vivait en ce moment, moi je vis pour la musique, je travaille beaucoup. C’est injuste qu’on m’enlève ça. Le fait de ne pas voir mes amis, mes frères. Quand on sort dans la rue, on voit que ça ne va pas, les commerces sont fermés, c’est triste…"Tout va bien, c’est pour donner de l’espoir, mais c’est aussi ironique, car ça ne va pas bien du tout.
Silda a commencé à chanter vers 13 ans, scolarisée à Vitry-le-François au lycée François Premier. Elle a deux grands frères. La jeune femme a "fêté" ses 21 ans pendant le confinement. Le 1er avril précisemment. Elle s'en souviendra toute sa vie. Une soirée seule avec ses parents, "et toutes les 30 min, on avait une personne de ma famille en visio !" Elle a apprécié le geste de ses parents, mais elle avait imaginé fêter autrement sa "majorité internationale".
Pour parvenir à diffuser rapidement sa chanson liée à l'actualité, Silda a demandé de l'aide autour d'elle. "Je me suis dit que c’était dommage que cette chanson ne sorte pas, alors j’ai appelé ma meilleure amie, elle a des logiciels de montage, elle m’a aidé à faire un clip. J’ai lancé un appel sur Internet à ma communauté (4.295 abonnés sur Instagram à ce jour) pour que mes abonnés m’envoient des vidéos de leur confinement. J’ai reçu 70 vidéos en une semaine. Et après, j’ai décidé de tourner chez mes parents, j’ai acheté des masques, un calendrier éphéméride, j’ai tout collé sur un mur, filmé au smartphone. Mes parents m’ont aidé. Ce clip est né et je suis trop contente".
"On nous enlève une partie de notre jeunesse"
La jeune artiste observe autour d'elle un monde tourmenté par la crise économique qui s'ouvre. "L’avenir des jeunes est incertain, artistes ou non. Je m'exprime au nom de tous. On n'en parle pas assez". Elle cite des connaissances dont les entreprises coulent, ceux qui ouvrent un commerce et doivent le fermer. "On nous enlève cette partie de jeunesse ou on voyage on fait des rencontres et c’est compliqué". Les relations sociales et amicales sont au point mort pour la jeune marnaise. Des conversations vidéo, qui ne remplacent pas la vraie vie.Sa meilleure amie, est aussi sa colocataire. En en huit mois, elle l’a vue une seule journée ! "On a quitté notre coloc à Paris, mais on paye le loyer quand même. C’est aussi pour ça que je travaille à l'usine, justifie Silda. Je n’aurais jamais imaginé travailler là autant de temps, je ne devais y travailler qu’un mois. Mais je rencontre des gens de classes sociales différentes, le monde de l’usine…Je vois des femmes de plus de 50 ans, qui travaillent pour remplir leur frigo, je suis contente de faire cette expérience. Je pense que j’en écrirais des chansons".
"Faire de la scène"
Mi-décembre, Silda quittera l'usine de Châlons. Pour travailler (à distance) avec un arrangeur. Il aura pour mission de finaliser les chansons. "On a fait six titres comme ça, il faut que j’enregistre les voix à Lyon en studio. Notre projet est de commencer à démarcher des labels, des tourneurs. Je suis consciente que c’est pas simple. On va faire le visuel, les photos, et j’aimerai peut être en 2022 faire de la scène". La chanteuse y croit encore.Sa persévérance lui donne raison. Elle a fait la première partie de groupes connus, qu'elle a démarché toute seule, "Madame Monsieur", à la foire de Sedan, par exemple. "Je suis allée voir la mairie, j’ai négocié, et j'ai chanté devant 2.000 personnes. J'ai aussi chanté en première partie de Kikesa, et Ridsa, des rappeurs, dans les Ardennes". Silda n'a peur de rien. Une volonté de fer. Elle a tout de même réussi à chanter avec Vianney à Epernay en décembre 2017. "En duo, sur une date de sa tournée. En lançant un appel sur les réseaux. Il a vu cette vidéo et m'a contacté". Simple, basique efficace, comme dirait le rappeur Orelsan. "Tout va bien" s'écoute avec mélancolie et espoir. Ce titre, Silda l'a aussi écrit pour donner de la force à ceux qui l'écoutent. Un zest de méthode Coué pour affronter la suite.