Un convoi exceptionnel a acheminé un vieil autorail depuis Laon (Aisne), en passant par Reims (Marne), jusqu'à Mulhouse (Haut-Rhin). Les gens ont fait preuve de curiosité, et les clichés sont spectaculaires.
On connaissait l'arrivée du train en gare, mais un peu moins le train en plein milieu du boulevard. La population de Reims (Marne) n'a pas assisté à un déraillement, fort heureusement, mais à un convoi exceptionnel... particulièrement exceptionnel.
L'évènement a lieu le mardi 7 janvier 2025. Il s'agit d'un ancien autorail, le fameux "autorail présidentiel", quelque peu défraîchi. L'important est qu'il a de manière remarquable échappé à la destruction, et que ce jour-là, il est juché sur un important dispositif de convoi exceptionnel. Pour de nombreuses personnes vivant entre la Picardie et l'Alsace, ce convoi est probablement, avec la mort du célèbre doubleur français Benoît Allemane, le fait majeur de cette journée.
Un convoi et spectacle exceptionnels
"Il faisait encore jour", relate Oscar Davenne, résident notable du quartier Jean Jaurès à Reims, auprès de France 3 Champagne-Ardenne. "On vaquait à nos occupations. Et on a entendu un mégaphone. Avec ma colocataire, on a suspecté un accident."
Mais il n'en est rien. "On voit un motard de police. Puis arrive, petit à petit, un convoi exceptionnel, ce dernier étant... un train. Quel ne fut pas notre étonnement", s'exclame le jeune homme.
Nous nous sommes précipité(e)s pour le prendre en photo.
Oscar Davenne, présent au bon endroit et au bon moment
"Nous nous sommes précipité(e)s pour le prendre en photo [généreusement transmises à France 3 Champagne-Ardenne au passage; ndlr]. On m'a dit que c'était une vieille voiture voyageur." Ce dernier ne se laisse pas prendre : le wagon transporte des marchandises, et non pas des personnes, contrairement à une voiture (lire l'intéressant fil de tweets ci-dessous).
Tiens allez, petite digression de vocabulaire ce jour.
— BB27000 (@BB27000) June 26, 2023
Doit on dire « Wagon » ou « Voiture »?
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"Elle était toute poussiéreuse, toute usée. On s'est demandé où elle allait. C'est la première fois que je vois un tel convoi exceptionnel dans cette rue." Mais son emménagement remonte à récemment, et il n'a donc pas encore été confronté aux fameux (et autant bruyants que tremblants) véhicules blindés du camp militaire de Mourmelon-le-Grand (Marne), parfois de passage.
Son entrain était manifeste pour le passage de cet insolite convoi, "parce que c'est un train", tout simplement. "C'est toujours un peu insolite de voir un convoi exceptionnel, quel qu'il soit. Mais là, en plus, c'était sans avoir à sortir de chez soi. Je n'ai pas ouvert la baie vitrée; il fait froid !"
Un spectacle également constaté par Gabrielle Collet. D'habitude, ce n'est pas à Reims qu'elle voit cet autorail, mais sur son lieu de travail à Laon (Aisne). Elle explique à France 3 Champagne-Ardenne que "je le vois tous les matins. Cela fait depuis 2017, mais il est là depuis facilement 30 ans. J'ai des collègues qui l'ont toujours connu."
Cependant, la disparition de ce train, cela ne lui "fait un peu ni chaud ni froid. Ce qui m'a surtout surprise, c'est de le voir passer sous ma fenêtre."
Une opération picarde longue de quatre heures
En effet, cet autorail est bien connu des personnes qui travaillent à Muller Intuitiv et Noirot, du groupe industriel chauffagiste Intuis, à Laon. Lequel avait connu un déplacement récent de l'ancien ministre de l'Économie pour annoncer un grand plan gouvernemental d'investissements visant à produire un million de pompes à chaleur.
L'autorail se trouve à l'entrée du complexe, juste derrière la grille d'accès. Ou plutôt se trouvait, confirme Francis Stutzinger, le responsable hygiène, sécurité, et environnement (HSE). Il raconte à France 3 Champagne-Ardenne avoir supervisé son enlèvement. "C'était un train acquis par monsieur Teurquetil, qui était le responsable du groupe Muller Intuitiv."
Ce dirigeant emblématique est mort, comme le relayait avec émotion l'Association française pour les pompes à chaleur (Afpac). "Comme c'était la passion du patron, et que la société a été reprise; nous, on n'avait plus lieu de garder ce train-là."
"Je trouvais dommage de laisser un monument" sous les assauts des éléments, "qu'il ne soit plus entretenu". On parle quand même "du train du Général de Gaulle. Là, il était depuis bien 20 ans devant une usine, où seulement 250 personnes pouvaient le voir." Alors que ça aurait pu être bien plus, ailleurs.
Il s'agissait à l'origine "d'un double-mécénat. Le premier avait été fait avec la société De Dietrich. Qui a ensuite refait un mécénat à monsieur Teurquetil. Ce dernier, avec ses propres fonds, a remis en état le train."
"J'ai été aidé par le musée de Saint-Quentin pour retrouver son propriétaire", relate le responsable, "et lui rétrocéder. Il l'a accepté, en l'état." Se met alors en branle une sacrée organisation. Le camion est arrivé le lundi 6 janvier au soir.
Les salariés étaient émus : plein de gens ont pris des photos lors du départ.
Francis Stutzinger, responsable hygiène, sécurité, et environnement (HSE) chez Muller Intuitiv et Noirot
Début des opérations à 07h30, le mardi 6 janvier. "On a mis quatre heures pour se préparer, sécuriser, etc. Il est parti vers 12h30. Les salariés étaient émus : plein de gens ont pris des photos lors du départ. Il a été tracté par un spécialiste. Il a un contrat avec la SNCF pour transporter des trains. Les bras ont été déployés à hauteur de l'autorail, et avec un treuil, l'a tiré pour le faire monter sur sa remorque."
Direction donc, après un sacré périple : la Cité du train et du patrimoine SNCF de Mulhouse (Haut-Rhin). Un site emblématique situé au sud de l'Alsace, à 350 kilomètres à vol d'oiseau. Quant aux rails et ballasts ayant accueilli l'autorail : rien ne se perd. Ils pourraient être confiés au musée saint-quentinois, et la surface devrait sans doute "être remise en pelouse" un jour ou l'autre.
Direction la Cité du train de Mulhouse
Le déplacement aurait dû perdurer jusqu'à ce mercredi 8 janvier au matin. Mais d'après Francis Stutzinger, le convoi a pu faire les frais "de certains arrêtés empêchant le passage dans certaines villes et à certaines heures. Il y a aussi des ponts et autres..." C'est le musée mulhousien qui a tout géré avec maestria (voir les lieux sur la carte ci-dessous).
Le directeur général de la Cité du train et du patrimoine SNCF, Sylvain Vernerey, a confié les ultimes éléments à France 3 Champagne-Ardenne. Cet autorail "est la propriété de l'association de la Cité du train. Il avait été confié il y a de très nombreuses années en dépôt à une association ferroviaire. Elle a été dissoute. Comme prévu par une convention, elle a rejoint les collections du musée : c'est un rapatriement."
Ce train a "un intérêt un peu particulier. Il a une valeur patrimoniale assez intéressante. C'est un autorail De Dietrich, de type présidentiel, qui a servi notamment pour les déplacements du Général de Gaulle. Il a été retiré de la circulation en 1974. Il a rejoint les collections du musée, a été confié à un moment à l'association De Dietrich."
Chose étonnante pour ajouter de l'insolite à cette histoire qui n'en manque pourtant pas, "il a été repris par une filiale de Coca-Cola. Elle s'en servait comme salon VIP quand elle accueillait des clients." Ses couleurs grenat et blanc étaient proches de celles de la célèbre marque américaine de boissons à bulles. Vient ensuite Laon. "Il était présent sur son site depuis une bonne vingtaine d'années." Le coût du convoi exceptionnel pour l'en amener n'a pas été communiqué, ce dernier étant "confidentiel".
Une filiale de Coca-Cola s'en servait comme salon VIP quand elle accueillait des clients.
Sylvain Vernerey, directeur général de la Cité du train et du patrimoine SNCF
"Malheureusement, il n'est pas en très bon état. Aujourd'hui, on n'a pas prévu de restauration. C'est quelque chose qu'on va étudier dans un second temps." Avant de pouvoir envisager une éventuelle exposition, mais clairement "pas dans l'immédiat. Il va être mis en réserve jusqu'à ce qu'on ait un plan d'action."
Au moment de cette interview, son arrivée à la Cité du Bollwerk (surnom de Mulhouse) était programmée ce mercredi 8 janvier, à 16h00, "après des conditions tout à fait normales" quant à son transport. Pour la plus grande joie des équipes du musée. "Une pièce qui rejoint son berceau, c'est toujours une bonne nouvelle." Depuis son ouverture en 1971, France 3 Alsace relatait pour son cinquantenaire que ce site avait déjà accueilli 5,6 millions de personnes.