Pour les associations d'aides aux victimes, comme le CIDFF 51, soutenues par la préfecture la Marne, les signalements pour violences conjugales ont augmenté dans la Marne. Le deuxième confinement a apporté de nouveaux suivis de victimes.
Les signalements pour violences conjugales ont augmenté dans la Marne. Le deuxième confinement a apporté de nouveaux suivis de victimes. Est-ce que la communication et les dispositifs renforcés lors du premier confinement ont porté leurs fruits ? Pour Karine Bonne, juriste et directrice du CIDFF 51, " il n'y a pas plus de violences conjugales, mais en revanche, il y a plus de signalements ". Pour l'association les parcours individualisés renforcés ont subi une augmentation passant à 465 femmes accompagnées contre 363 femmes en 2019.
Pour ces professionnels, la crise sanitaire, le premier et le second confinements n'ont pas fait apparaître de nouvelles violences, mais cela a servi d'accélérateur, autrement dit de facteur déclenchant.
" Pour les victimes, le confinement a eu le même effet, sur leur conjoint, que l'alcool, cela a entraîné des violences conjugales dans les foyers" explique Karine Bonne, "mais ces violences auraient eu lieu tôt ou tard, car c'était déjà là avant le premier confinement. Par contre, la communication mise en place durant le premier confinement a servi de diffuseur d'alerte. La campagne menée par l'Etat a sûrement poussé les victimes à venir nous en parler, car durant le second confinement, nous avons commencé de nouveaux suivies."
"Durant le premier confinement du mois de mars, nous sommes intervenues auprès de femmes que nous suivions déjà, mais nous n'avions pas de nouvelles victimes" explique Karine, "par contre aujourd'hui, nous suivons de nouveaux cas qui sont venus nous voir après le déconfinement ", enchaîne la directrice.
La communication a fonctionné pour les associations. "L'info est venue chez les gens durant le premier confinement et cela me rappelle que la ligne 39 19 a été créé dans la Marne par Catherine Vautrin" rappelle Karine Bonne. Pour faciliter la prise en charge des femmes victimes de violences conjugales, Catherine Vautrin, à l'époque, ministre déléguée à la Cohésion sociale et à la Parité, avait lancé le 14 mars 2007, ce nouveau numéro national unique, le 3919.
" Je me souviens de ces spots que nous voyions à la télévision, des spots pour sensibiliser le public, il y en avait des courts et des longs mais c'était efficace, le temps d'attraper la télécommande le message entrait dans les foyers" raconte Karine Bonne. Pour elle, ces spots ont fait entrer l'alerte dans les consciences collectives.
Plus il y aura de communication, plus tout le monde sera acteur et pourra donner l'alerte. "La crise sanitaire aura eu le mérite de mettre plus d'outils pour informer", enchaîne Karine Bonne. "Il faudra également gérer l'après-COVID, la responsabilité citoyenne reste de mise" rappelle la juriste. "Ne pas hésiter à prêter une attention particulière au voisinage", insiste la référente. Les témoins de violences doivent absolument appeler le 17. S'ils ont le moindre doute, mieux vaut contacter le 3919 pour obtenir des conseils ciblés. "Alerter est l'affaire de tous" rappelle-t-elle.
Le confinement et la crise sanitaire ne doivent pas empêcher les femmes en danger de fuir leur domicile
Karine Bonne est toujours surprise de découvrir de nouveaux cas comme celui de certaines femmes qui franchissent la porte de l'association et qui ont parfois entre 65 ans et 70 ans. "En général, nous accompagnons souvent des mamans jeunes, mais parfois nous accueillons des femmes qui ont subi plus de 40 années de violences conjugales et qui décident de partir une fois que les enfants sont devenus de grands adultes. Je leur dit " bravo, madame, il n'est jamais trop tard " rappelle Karine.
Différents dispositifs renforcés
La plate-forme de signalement en ligne des violences sexuelles et sexistes a enregistré une hausse de 60 % des appels de victimes pendant le deuxième confinement par rapport à la normale, a annoncé, samedi 9 janvier, Marlène Schiappa.
Est-ce que la communication et les dispositifs renforcées lors du premier confinement ont porté leurs fruits ?
L'Etat a renforcé son dispositif de lutte contre les violences conjugales en période de confinement. Comme écrit sur le site du gouvernement," afin d’enrayer la propagation du virus de la Covid-19, le président de la République a décidé de renouveler le confinement mis en place au printemps afin de réduire à leur plus strict minimum les contacts et déplacements sur l’ensemble du territoire du 30 octobre au 1er décembre 2020. Les dispositifs destinés à protéger les femmes victimes de violences conjugales ainsi que leurs enfants demeurent actifs et opérationnels".
Par ailleurs, Le Gouvernement a créé un kit de communication spécifique afin de rappeler les dispositifs en vigueur durant le confinement pour lutter contre les violences faites aux femmes.
Parmi ces dispositifs d’alerte et de secours, l’application « APP-ELLES » est un dispositif gratuit qui permet de sauver des vies précise Virginie Guerin, déléguée au préfet de la Marne en charge du droit des femmes et à l'égalité.
L'utilisation de cette application est très simple. Téléchargeable sur smartphone, Le CIDFF présente systématiquement cette application aux femmes qu'il reçoit.
D'autres dispositifs numériques ont été renforcés sous forme de tchat. Il est possible de signaler une situation sur Internet via la plateforme dédiée fonctionnant tous les jours sans exception, 24h/24 avec un tchat non traçable: arretonslesviolences. Ou encore, l'utilisation du tchat gratuit : commentonsaime. " Les réseaux sociaux sont aussi un moyen de déclencher des alertes et d'informer des victimes de leurs droits" rajoute Karine Bonne.
Dispositif dans les pharmacies
Et qu'en est-il du dispositif d'alerte mis en place dans les pharmacies ? Karine Bonne admet que sur la commune de Châlons-en- Champagne, les résulats ne sont pas parlant, mais elle souhaite que cela reste en place, car ce sont des endroits où les victimes sont visibles. "Les pharmacies ont un rôle très important surtout en ruralité où les familles sont connues; lorsqu'on voit une personne venir régulièrement avec des traces de coups visibles, il faut que ces pharmacies puissent donner l'alerte " espère Karine.
Virginie Guérin partage le même avis. " Concernant le dispositif d'alerte en pharmacie, nous ne disposons pas des dernières données. Ce dispositif est géré par les forces de l'ordre en lien avec les pharmacies. Lors du 1er confinement, aucune alerte n'a été recensé. Les pharmacies sont de très bons relais d'information concernant les contacts utiles". À l'occasion du 25 novembre, les pharmacies du bassin de Sainte Menehould-Suippes-Mourmelon le Grand ont distribué des supports 3919 (stylos et dépliants) à leur clientèle. Cette action sera déployée plus largement en 2021.
Le gouvernement a également déployé un partenariat avec Uber. Jusqu’au 31 mars 2021, Uber propose 2 000 courses gratuites mises à disposition de la Fédération nationale solidarité femmes en charge du 39 19 afin de mettre à l’abri les femmes victimes de violences en situation d’urgence.
Dans la Marne, ce dispositif n'est pas arrivé jusqu'aux associations, mais le CIDFF a mis en place une convention mobilité avec les taxis de la Marne pour permettre aux femmes victimes de violences et à leur(s) enfant(s) d'accéder à leurs droits par la levée de leur frein à la mobilité explique Virginie Guérin. " Nous souhaitions pouvoir venir en aide aux familles qui seraient freinées dans leurs démarches durant toute la procédure d'une séparation lors de violences conjugales, comme devoir se rendre au tribunal à Reims en étant de Châlons" exlique Karine. Ce pass-mobilité ne répond pas uniquement aux besoins liés à l'urgence d'une situation de crise, mais bien à l'ensemble des déplacements qu'une victime aurait à faire en fonction des différentes démarches.
Les forces de l'ordre également concernées
Un autre dispositif positif, celui de la formation des forces de l'ordre. "Parallèlement à tous les dispositifs, la formation des professionnels du secteur social, les personnels de police et de gendarmerie a été renforcée" explique Virginie Guérin.
Dans la Marne, plusieurs sessions organisées par la DDFE ( Direction Départementale aux droits des Femmes et à l'Égalité) ont été réalisées par le CFCV (Collectif Féministe Contre Le Viol) pour savoir détecter et orienter les femmes victimes de violences.
" Selon moi, il s'agit surtout d'une amélioration de la visibilité des dispositifs auprès des victimes qui explique cette augmentation du nombre de victimes recensé au niveau national. Bien évidemment, cela ne justifie pas exclusivement la hausse du nombre de victimes, mais peut l'expliquer en partie", enfin, la législation a renforcé la protection des victimes dans le parcours judiciaire notamment la loi du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales conclut Virginie Guérin.
La loi du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales est la transcription législative des travaux du Grenelle des violences conjugales. La loi entend mieux protéger les victimes de violences conjugales. Pour cela, elle permet la suspension du droit de visite et d'hébergement de l'enfant mineur au parent violent. En cas de violence au sein du couple, l'inscription au fichier judiciaire des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes est automatique (sauf décision contraire du juge) pour les infractions les plus graves. La notion de harcèlement au sein du couple est considérée comme une circonstance.
Les forces de l'ordre sont de mieux en mieux formées reconnait Karine Bonne. Depuis 2006, les choses ont beaucoup changé dans les forces de l'ordre mais il y reste encore des anecdotes qui ne devraient plus exister. " J'ai encore eu un récit d'une de nos victimes en ruralité qui a reçu comme conseils de la part de la gendarmerie, de rentrer chez elle alors qu'elle est en vrai danger" regrette Karine qui a fait remonter les faits plus haut.
" Tous, lanceurs d'alertes"
Pour Karine Bonne, les deux confinements ont permis de libérer la parole, mais souhaite que ces dispositifs perdurent pour pouvoir continuer à prendre en charge les victimes. Son association compte sept salariés et une seule psychologue. Un poste à temps complet vient d'être pourvu. La psychologue, rémunérée par l'ARS ( Agence Régional de Santé), prendra ses fonctions en mars et son planning est déjà sur liste d'attente. Pour Karine, le recrutement d'une deuxième psychologue ne serait pas de trop, car le rythme est tendu. " Si nos victimes ne sont pas prises en charge psychologiquement tout de suite, nous les perdons de vue, car elles ne reviennent pas toujours quand on leur parle de liste d'attente ou qu'elles doivent se rendre à Reims au CHU pour une écoute psychologique" s'inquiète Karine.
1 femme meurt, tous les 3 jours sous les coups de son conjoint. 1 enfant meurt, tous les 5 jours après avoir été victime de violences intrafamiliales.
Puis de conclure : le premier réflexe à avoir en cas de violence conjugale ou intrafamiliale : composer le 17, envoyez un SMS au 114, le 3919 ou le 119 lorsque les victimes sont des enfants, car ils sont aussi concernés. Karine Bonne, comme toutes les associations, espère que ces dispositifs pourront se péreniser, car les violences doivent être prise en compte tout le temps, pas uniquement, durant cette crise saniaire.