Marne : la déprime des anciens combattants face au 11 novembre confiné, vécu comme une "déchirure" 

Avec le confinement, les anciens combattants sont privés de ce grand moment mémoriel qu'est la commémoration de l'armistice de 1918. Mais les conséquences de la crise sanitaire vont bien au delà : certains quittent les associations qui ont bien du mal à assurer leur mission.

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Triste automne pour les anciens combattants. Après le 75 ème anniversaire de la capitulation nazie passé à la trappe le 8 mai dernier, c’est désormais au tour du 11 novembre de subir le confinement. Certes, des cérémonies sont prévues, mais en « format restreint » selon la formule consacrée. Maires, députés et représentants de l’Etat, moins d’une dizaine de personnes au total, se retrouveront devant les monuments aux morts, mais pas ceux qui ont combattu pour la France.  Au mieux, la présence d’un porte-drapeau est prévu par le protocole. Un comble pour une commémoration qui honore désormais le sacrifice de l’ensemble du monde combattant, au delà des poilus de la Grande Guerre
 

Je suis un ancien appelé d’Algérie. On a su me trouver à l’époque, mais aujourd’hui pour honorer les anciens il n’y a plus personne ! Ça donne l’impression que les autorités ne font une cérémonie que pour la forme.

Yves Frich, président du comité d'entente anciens combattants de Châlons-en-Champagne


A Châlons-en-Champagne, il n’y aura ni porte-drapeau, ni autre ancien combattant. Pas même un représentant d’association.« Ça, ça ne passe pas ! » tranche Yves Frich, 83 ans, président du comité d’entente des anciens combattants de Châlons-en-Champagne qui fédère pas moins de 18 associations. Le courrier de la préfecture reçu ce samedi matin lui reste au travers de la gorge. « Je suis un ancien appelé d’Algérie. On a su me trouver à l’époque, mais aujourd’hui pour honorer les anciens il n’y a plus personne ! Pareil pour ceux de 14, on avait su les trouver pour aller se faire tuer…  Ca donne l’impression que les autorités ne font une cérémonie que pour la forme. Elles auraient pu au moins contacter quelques représentants ». En bon soldat, il ne remet pas en cause l’impératif sanitaire, mais s’interroge sur la rudesse de sa mise en application à l’occasion d’une journée si particulière.

Rendez-vous manqués

Un 11 novembre sans anciens combattants ? « Une déchirure » pour le directeur dans la Marne de l’office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG), Antoine Carenjot. D’autant que cette édition 2020, qui clôture les commémorations du centenaire de la Grande Guerre, était attendue par tous après une longue série d’annulation.  En pleine année de Gaulle, le 80 ème anniversaire de la bataille de France de mai 1940 a dû être oublié, tandis que l’anniversaire de l’appel du 18 juin s’est fait en mode restreint. « Célébrer un anniversaire a une date ronde, c’est très différent que de le faire un an après. Ca n’aura jamais la même portée symbolique. On a un sentiment d’inachevé », confie le jeune fonctionnaire de 28 ans chargé de faire le lien avec le monde combattant. 
 


15% de départs dans une association rémoise 

Le prix de la pandémie se paie bien au-delà des cérémonies mémorielles. Le comité d’entente de Châlons-en-Champagne a l’habitude de réunir une cinquantaine de membres autour d’un repas chaque année à l’occasion du 11 novembre. Ici comme ailleurs, ce moment de convivialité n’aura pas lieu. Une mise entre parenthèses de la sociabilité qui se paie au prix fort pour les associations. Lassés, certains jettent l’éponge. Les démissions sont nombreuses. « Certains estiment qu’ils ne peuvent plus mener à bien leur action associative. Pour eux, c’était pourtant une question de survie, avec une vie sociale très active », constate Antoine Carenjot. Et le fonctionnaire de citer  cette association rémoise qui a vu partir dans l’année 15% de ces membres, découragés. 

Sans s’étendre sur le sujet, Yves Frich évoque de son côté les colis de Noël distribués aux plus âgés dans les Ehpad « Nous étions d’habitude quatre ou cinq de différentes associations à les distribuer. Nous montions en tenue dans les chambres. C’était un moment agréable, ça réconfortait les gens. Cette année, il est impossible de rentrer. Alors je livre seul et laisse les colis aux responsables des établissements ». 
 

Se parler est important. Avec la Covid, le travail de résilience peut plus difficilement se faire.

Antoine Carenjot, directeur dans la marne de l'Office national des anciens combattants


Une perte de lien dans les associations que le directeur de l’office national prend très au sérieux. Un « choc » qui touche les plus anciens, mais aussi les jeunes issus des opérations extérieures, plus récentes, comme l’Afghanistan ou le Mali. « Les associations ont été créées dès l’origine pour permettre à ceux qui ont vécu la même expérience traumatique du feu d’échanger. Ce sont des témoignages dont la force ne peut être comprise par la société civile. Se parler est important. Je pense en particulier aux syndromes post-traumatiques qui se développent parmi les plus jeunes. Avec la Covid, le travail de résilience peut plus difficilement se faire », s’inquiète le représentant de l’Etat.
 

A ce sombre tableau s’ajoute le vieillissement des associations, touchées par de nombreux décès dont le nombre est amplifié par la crise sanitaire. L’avenir ? Yves Frich compte toujours sur l’ouverture en avril prochain à Châlons-en-Champagne d’une exposition consacrée à la guerre d’Algérie, « la fin du tunnel, j’espère ! » Antoine Carenjot, lui, cite la devise du maréchal de Lattre de Tassigny, « ne pas subir ! ». Mais les deux restent inquiets. Convaincus que ce sont les jeunes générations de militaires qui sortiront les associations d’anciens combattants de ce marasme accéléré par la crise sanitaire. 

 
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