Les manifestations, prévues dans toute la France, ce samedi 10 octobre par les opposants au projet de loi de bioéthique, ne préccupent plus Prescilla. Elle est déterminée à représenter les lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres queer dans sa ville de Châlons-en-Champagne. Rencontre.
De nombreuses manifestations sont prévues dans toute la France, ce samedi 10 octobre par les opposants au projet de loi de bioéthique. Une manifestation sur le même sujet est organisée le 11 octobre à 15h30 devant la préfecture de la Marne à Châlons-en-Champagne, pour demander le retrait du projet de cette loi qualifiée de « ni bio ni éthique » par ses opposants. Prescilla, elle, est déterminée à représenter les lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres queer dans sa ville marnaise. A 22 ans, la jeune femme est aux anges, car elle a créé son association LGBTQ+ à Châlons-en-Champagne.
Si elle s'est lancée dans sa ville natale pour aider et conseiller des jeunes qui se poseraient des questions sur leur orientation sexuelle, c'est aussi parce qu'elle sait que parfois, un enfant peut se retrouver à la rue, quand il fait son "coming-out", regrette Prescilla. "En 2020, il y a encore des parents qui refusent que leur enfant soit homosexuel", assure Prescilla.
"Notre association va mettre en place des ateliers, afin de sensibiliser les chalonnais, et leur expliquer qu'on est comme tout le monde et qu'on a le droit de vivre avec un homme si on est un homme ou de vivre avec une femme si on est une femme" rajoute la jeune femme. Des remarques, Prescillia, en a beaucoup eu, parce qu'elle est lesbienne. Très féminine, elle ne laisse pas les hommes indifférents. Quand, elle se sent un peu trop "approchée" elle n'hésite pas à leur dire qu'elle est lesbienne. La plupart du temps, elle reçoit la même réponse " Mais oui, toi t'es lesbienne ! T'as qu'à me dire que je ne te plais pas" s'exclame Prescilla.
"A Châlons, être homo, c'est presque pas possible"
"A Châlons, être homo, c'est presque pas possible" regrette la jeune femme. Les mentalités ont du mal à évoluer, selon elle. Elle, qui durant son adolescence a dû mentir et cacher son orientation sexuelle." Je ne voulais pas en parler, car je savais que ma famille ne comprendrait pas" avoue Prescillia. La jeune fille grandit, se construit et nie toujours son attirance pour les femmes. Elle fait des études de vente et s'aperçoit que ce domaine ne l'intéresse pas du tout.Elle se découvre une passion pour la photo, un domaine qui va lui permettre de révéler ce qu'elle ressent vraiment. En attendant, elle connaîtra trois histoires d'amour avec toujours un homme. Quand elle s'aperçoit que c'est le fait d'être avec un homme qui la dérange, Prescilla commence à en parler avec une amie. Petit à petit, elle échange sur des réseaux sociaux et un jour, elle rencontre sa compagne actuelle, Wayatte. " Non seulement, on avait beaucoup de centres d'intérêt en commun, mais on se comprend sur nos projets de vie en général" confie Prescilla. A l'époque, sa compagne se remet d'une séparation et se trouve en Normandie. Elle finit par rejoindre Prescilla à Châlons-en-Champagne, un mois plus-tard.
Pour elle, qui est née en Alsace, c'est un retour aux sources, le Grand Est." Ma femme est alsacienne et moi, mes origines sont hollandaises par mon grand-père maternel" précise Prescillia. "Ma femme m'a permis aussi de m'affirmer, car elle n'a jamais caché son orientation sexuelle, ni à sa famille ni à personne" reconnaît Prescillia. En arrivant dans leur nouvel appartement, dans le quartier Valmy à Châlons en Champagne, Prescillia a du déjà preciser que sa compagne était une femme.
" Ma compagne fait très masculine, tout le monde lui disait " Bonjour Monsieur" et à chaque fois, je corrigeais en disant " non, c'est madame, ma femme est une femme". Prescilla tient à être claire, et n'a pas à se cacher. D'autant qu'elle a déjà connu des pressions quand elle était dans son logement précédent. Un jour, elle avait reçu dans sa boite aux lettres, des tracts "anti-PMA et anti-GPA". Après une enquête de voisinage, elle s'aperçoit qu'elle est la seule à avoir ces tracts dans son courrier. Et toute sa rue était jalonnée de ces affiches. Sidérée, elle lance des appels sur des réseaux sociaux, obtient une écoute à la mairie et décide de plus vivre dans la peur et l'anonymat.
Elle dépose un dossier pour ouvrir une association LGBTQ+ car pour elle "l'union fait la force". Aujourd'hui, elle a prévenu son bailleur social, Plurial Novilia, que son association était chez elle pour le moment. " Je le redoute parfois, mais même chez moi, je ne suis pas à l'abri d'avoir des personnes, "anti-mariage pour tous" frapper à ma porte ou m'insulter" regrette Prescilla. Le bailleur lui a assuré son soutien.
Faire évoluer les mentalités
Chalonnaise de naissance, elle a toujours évolué dans cette ville qu'elle adore. Devenue photographe, passionnée par le portrait, un art dans lequel elle excelle, elle se fait connaître dans sa ville. Elle crée son enteprise à 19 ans. Une rencontre oriente son travail vers l'art-thérapie. Devant son objectif se présente Monique Cugnot, Miss Handi France 2019 et marraine d’un événement destiné à promouvoir la lutte contre le handicap. Entre elles, le feeling passe et à partir de là, Prescilla oriente ses photos autour de thèmes comme le handicap, mais aussi, "Octobre rose" et vers les personnes qui sont atteintes d'une maladie.Pour Prescilla, l'identité, où plutôt l'image de soi, détermine le chemin d'une personne. La photographie comme une thérapie douce pour reprendre doucement confiance en soi. " On peut se sentir mal dans son corps, pas forcément par rapport à un handicap, une maladie ou son identité sexuelle, mais juste parce qu'on n'aime pas ses formes ou qu'on se trouve en surpoids" relate-t-elle. Prescilla a toujours eu envie de venir en aide aux autres et de leur redonner confiance en eux. Pour elle, il faut arrêter de se positionner par rapport au regard extérieur. Face à son appareil, les personnes se découvrent et se reconstruisent grâce à ses shooting thérapeutiques.
Plus jeune, Prescilla a toujours essayé de ménager son entourage par rapport aux questions qu'elle se posait, mais aujourd'hui, elle sait, que c'est avec Wayatte qu'elle veut construire sa vie. Elles devaient se marier, en juillet 2020, mais avec la Covid-19 elles ont reporté leur mariage à juillet 2021 voire 2022 si nécessaire. En attendant, l'heure est au papier-peint dans leur nouveau logement.
Prescilla est prête à y accueillir ses clients pour ses shooting photos, mais aussi pour officier comme présidente de l'association LGBTQ+. Pendant ce temps, Wayatte prépare son diplôme de toiletteuse canin et félin. Wayatte a aussi 22 ans et souhaite fonder une famille avec Prescilla. Des enfants, elles en veulent. Pas de "bébé couette" comme certaines ont du faire préviennent-elles.
" Aujourd'hui avec la loi qui nous autorise à pratiquer une PMA (procréation médicalement assistée), on n'est plus obligé de demander à un ami gay de faire un acte sexuel ensemble sous la couette, pour rendre possible la venue au monde d'un enfant ". Des personnes qui ont eu recours à cette méthode, Prescillia en a connue. Comme elle a connue des couples qui ont bravé la justice en allant réaliser leur PMA à l'étranger.
Pour nous les femmes, c'est moins difficile que pour un couple d'hommes. Les femmes pouvaient aller à l'étranger pour une PMA, et mettre au monde leur enfant en France et déclarer à la naissance que le père de l'enfant l'avait abandonné. Pour les hommes, c'est encore trop compliqué, reconnaît la jeune-femme. Faire une GPA ( gestation pour autrui) , à l'étranger, c'est reservé et c'est très couteux, explique-t-elle.
Si un ami gay me demandait de lui porter son enfant, j'accepterais, avoue-t-elle, car la GPA n'est toujours pas possible en France. La gestation pour autrui (GPA) est interdite en France. Dans le cadre des débats sur la révision de la loi de bioéthique, cette interdiction est peu remise en cause. En revanche, la question de la reconnaissance dans le droit français des enfants nés à l'étranger par une GPA a évolué ces dernières années, limitant la transcription d'un acte d'état civil étranger au seul parent biologique. Le second parent dit "d'intention" devra passer par une procédure d'adoption.
" Les extremistes, ceux qui sont contre le mariage pour tous, pensent, que deux hommes ne devraient pas avoir d'enfants. Deux femmes ça peut passer, car cela renvoie à une image maternelle, mais surtout pas deux hommes", affirme-t-elle.
Les anti LGBTQ+ peuvent remuer terre et ciel, nous arrivons, peu à peu à faire changer les mentalités.
" Je suis optimiste, car je reçois de beaux retours, surtout de la part des jeunes qui sont contents d'apprendre que mon association va accueillir des personnes qui cherchent des réponses par rapport à leur orientation sexuelle" annonce-t-elle.
Prescilla ne compte pas s'arrêter là, elle espère avoir le soutien des collectivités pour pouvoir intervenir dans les écoles dès le CM2 jusqu'au lycée pour pouvoir répondre à leur question et leur faire prendre conscience, qu'aujourd'hui être hétéro ou homo ne doit pas être "un problème". Rappeler aussi que des lois existent et qu'elles condamnent l'homophobie. Et admet que l'école ne répond pas du tout aux questions sexuelles qui taraudent les enfants et les adolescents, à commencer par le port du préservatif pour se protéger. Ce message n'est pas assez relayé selon elle ou beaucoup moins qu'avant regrette-t-elle.
" Grandir dans la vérité et l'amour "
Pour le moment, la jeune femme installe son association chez elle. Elle prévoit d'y animer des ateliers en attendant de trouver un vrai local. Elle lance un appel aux dons et prévoit de fabriquer des produits pour les vendre et ainsi financer sa structure. En projet, des bougies, des coussins, des petits paniers pour animaux de compagnie, et même des produits ménagers 100 % naturels. Des idées, elle en a à revendre, mais ce qu'elle souhaite, c'est surtout le soutien des habitants. Trouver des familles d'accueils prêtes à recueillir un jeune qui aurait été mis à la rue par ses parents, après avoir dévoilé son homosexualité.Prescilla va bientôt se rendre chez son médecin avec Wayatte, sa compagne, car elle souhaite faire une PMA. Le projet de loi relatif à la bioéthique élargit l'accès à la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes et aux femmes célibataires. Actuellement, celle-ci est uniquement accessible aux couples hétérosexuels sur indication médicale. Le remboursement par l'assurance- maladie de la PMA est ouvert à tous : couples hétérosexuels, homosexuels et femmes seules.
" On en a discuté et je vais porter notre enfant" révèle Prescilla . Durant toute cette grossesse, nous, les deux mamans seront présentes. Arriver au monde en connaissant l'identité de ses deux parents, c'est lui permettre de grandir dans la vérité et l'amour, explique la jeune femme. A la question " si votre enfant plus grand veut connaître l'identité de son géniteur", les futures mamans répondent à l'unisson " nous l'accompagnerons dans ses recherches".
Les droits des enfants nés d'une PMA sont reconnus et sécurisés. Un nouveau droit d'accès aux origines est posé. Les enfants conçus par PMA peuvent à leur majorité accéder à des données non-identifiantes du donneur (âge, caractères physiques...) ou à l'identité du donneur. Tout donneur devra consentir à la communication de ces données avant de procéder au don.
Un nouveau mode de filiation est désormais mis en place pour les enfants nés par PMA de couples de femmes. Les femmes concernées doivent établir devant un notaire une reconnaissance conjointe de l'enfant avant sa naissance. Prescilla et Wayatte sont prêtes pour toutes ces démarches.