Asnières et Reims, deux régions, deux villes, deux lycées, mais la même volonté de s’exprimer. "La république des lycéens" met en lumière des élèves de terminale en zones sensibles. Accompagnés par leurs professeurs et leurs proviseurs, les lycéens se forgent une opinion par rapport au politique et à la laïcité. Ils sont curieux, pertinents, et se battent pour trouver leur place dans la société.
À Reims en Champagne-Ardenne au lycée Gustave Eiffel, comme à Asnières en Île-de-France au lycée Auguste Renoir, les élèves ont soif de comprendre le monde qui les entoure. Avec l’aide de leurs enseignants et de l’équipe éducative, ils participent à des ateliers citoyenneté pour organiser une fausse élection présidentielle et imaginer des projets de lois. Ces jeunes de zones sensibles veulent décider de leur place, et non pas se contenter de celle qu’on leur donne.
Voici trois bonnes raisons de regarder le documentaire touchant et criant de vérité de Stéphanie Lamorré, "La république des lycéens", en replay ci-dessus.
1. Parce que les lycéens en zone sensible ont des choses à dire
"Tu n’as pas le droit à l’erreur. Déjà que tu viens d’un lycée de secteur, que tu sais que t’auras pas la même chance que Blanche, ta seule réussite c’est le travail," affirme amèrement une élève du lycée Auguste Renoir d’Asnières. Une autre lycéenne ajoute : "Quand j’étais petite, j’ai dit à ma mère que j’allais devenir avocate et elle m’a dit : ok, mais tu sais, tu vas devoir travailler deux fois plus parce que t’es noire." Ces lycéennes se sentent différentes.
D’autres posent un regard critique sur l’Etat. "C’est aussi de la faute de l’Etat si on s’est retrouvé tous ensemble, si dans un quartier il n’y a que des arabes, que des noirs, que des chinois. Surtout dans les logements sociaux parce que c’est eux qui décident qui on met," déclare fermement une autre jeune fille. Son amie pense avoir trouvé comment remédier à cette problématique. "Je vis dans un HLM mais ça ressemble pas à un HLM. C’est beau, c’est bien et il y a énormément de mixité. Et en fait, c’est ça qui fait la différence," indique-t-elle.
2. Pour des simulations d’élections présidentielles plus vraies que nature
"Même dans les élections réelles c’est impossible." Voici les premiers mots d’une lycéenne d’Asnières à la découverte des résultats de la simulation d’élection présidentielle. Il n’y a pas photo. Jean-Luc Mélenchon est arrivé en tête avec 75,64% des votes contre 19,29% pour Emmanuel Macron. Tout le lycée a participé à cette expérience plutôt unique en son genre. Les tables étaient dressées pour l’occasion, l’urne attendait patiemment sur la table et les isoloirs avaient trouvé leur place non loin de là. On se serait presque cru dans un vrai bureau de vote.
A 150 km à l'est d’Asnières, le lycée professionnel Gustave Eiffel de Reims regroupe des jeunes de quartiers environnants et de zones rurales. Les résultats du 1er tour des élections sont totalement différents de ceux d’Asnières. Marine Le Pen et Eric Zemmour arrivent en tête ex-aequo. A la proclamation des résultats, on entend des remarques comme "ça va vite rentrer au pays les gars", "bah maintenant, on sait qu’il y a beaucoup de racistes" ou "c’est du troll Eric Zemmour." Une jeune fille se met même à pleurer. La professeure d’enseignement moral et civique (EMC) conclut par ces paroles : "On se rend compte que la démocratie, c’est pas toujours ce qu’on voulait. Pour autant, on va respecter le résultat."
3. Pour les projets de loi que les élèves proposent avec détermination
"Il y avait cette spontanéité et cette volonté de travailler et de réfléchir sur la société et la politique en règle générale," explique Younes Zakari, conseiller principal d’éducation (CPE) au lycée Gustave Eiffel de Reims. Anne-Laure Hartmann partage cet avis. "Mes élèves de terminale pro, je les trouve très engagés. Ils apprécient réfléchir par eux-mêmes," dit-elle admirative. Face à ce constat, le CPE et la professeure d’EMC ont organisé un atelier d’écriture de lois. Le but de ce projet, préparer des propositions de lois et les présenter aux candidats à la députation. Les candidats des circonscriptions rémoises sont venus rencontrer les élèves dans leur lycée pendant la campagne des élections législatives. "[Les élèves] sont partis de situations qu’ils ont vécues ou observées dans la société, et à partir de ce constat-là, ils ont réfléchi sur la mise en place d’une loi," annonce Younes Zakari aux députés qui attendent la prise de paroles des lycéens.
Les thématiques choisies se révèlent variées. Halal propose "d’arrêter d’augmenter les produits de première nécessité et d’augmenter les prix sur les appareils électroniques pour réduire l’empreinte carbone." D’autres élèves suggèrent "d’instaurer les caméras 24h/24, de revoir la formation de la police et d’arrêter de recruter n’importe qui" car pour eux, "les policiers sont beaucoup plus violents avec des personnes de couleurs ou de religion différentes."
Ils disent qu’ils se battent pour les jeunes, sauf que leur façon de réfléchir, elle n’est pas pour nous.
Elève de terminale du lycée Gustave Eiffel de Reims
A posteriori, les lycéens reviennent avec leur professeur d’EMC sur les moments phares de la rencontre avec les candidats députés. Ils ont des avis bien tranchés sur ce qu’ils ont entendu : " on les voyait débattre entre eux mais ils ne répondaient pas à nos questions", " ils disent qu’ils se battent pour les jeunes, sauf que leur façon de réfléchir, elle n’est pas pour nous", "moi, ça m’a donné envie de voter" ou encore "quand ils sont élus, à la fin il n’y a jamais rien". Les jeunes questionnent la société dans laquelle ils vivent et aspirent à trouver leur place.