La résistante et ancienne déportée du camp de Ravensbrück Yvette Lundy est décédée ce dimanche 3 novembre à l'âge de 103 ans. Elle laisse en héritage le témoignage de sa force, de son courage et d'un amour inconditionnel de la liberté.
Vous l'appeliez héroïne, elle vous répondait qu'elle n'était qu'une femme libre et de devoir. Une femme qui considérait comme normal de porter la liberté en étendard. La résistante et ancienne déportée Yvette Lundy s'est éteinte ce dimanche 3 novembre 2019 à Epernay. Résistante des premières heures, déportée ayant connu l'horreur, témoin infatigable du meilleur comme du pire dont est capable l’être humain, elle laisse dans les mémoires le souvenir d’une femme d’exception.
Yvette, la résistante
Lorsque la guerre est déclarée en 1940, Yvette Lundy est l’institutrice du village de Gionges dans la Marne. Elle entre dans la résistance presque s’en rendre compte, avec la spontanéité de ces femmes et hommes qui font ce qu’ils ont à faire pour être justes sans se poser de questions. Secrétaire de mairie également, elle fait des faux-papiers, elle héberge des clandestins et entre ainsi peu à peu dans le réseau. Elle continuera à enseigner durant quatre ans.Tous les jours, je faisais le devoir qui correspondait à ma conscience. Et je me suis aperçu que c'était un devoir historique quand, après la guerre, on en a reparlé.
- Yvette Lundy, résistante
Puis vient la date du 19 juin 1944. Nous sommes presque à la fin de la guerre, mais pour Yvette Lundy, ce sera le début de l’horreur. Ce jour-là, la Gestapo de Châlons-sur-Marne arrive armes aux poings dans sa salle de classe. Elle parvient à cacher quelques éléments incriminants pour tout le village. Elle est emmenée sous les yeux de ses élèves. Après être passée par plusieurs camps français puis allemands, Yvette Lundy arrive finalement au camp de déportation de Ravensbrück.
Elle est tout de suite marquée par les corps décharnés, les visages creusés de ces 132 000 femmes et enfants qui attendent ici la mort, sans le savoir. Yvette Lundy devra abandonner son identité pour le numéro 47760. Elle verra ses compagnes de détention battues à mort, ces enfants que l’on emmène définitivement et sur qui l’on pratique des expériences. Elle connaîtra l’enfer.
Yvette, la témoin
Mais elle en sortira libre. Et forte. Emplie d’une énergie qui la fera témoigner de ces horreurs mais aussi de son engagement, durant toute sa vie. Elle résume ainsi la douleur avec laquelle elle fait remonter ces images et le réconfort apporté par le partage de cette histoire : "C'est effroyable d'en parler... Et c'est merveilleux de pouvoir en parler". Devant les plus jeunes, elle racontera avec simplicité, sincérité ce dont l’être humain est capable, accrochant avec ses paroles tous les esprits et tous les cœurs de ceux qui l’écoutent.Au fur et à mesure des années qui passent, viennent aussi les reconnaissances de la nation : la Croix de guerre 1939-1945, la Médaille de la Résistance avec rosette et puis, lors d'une cérémonie à Epernay le 8 mai 2017, Yvette Lundy est faite chevalier de la Légion d'honneur.
C'est une très haute décoration. Mais quand on a commencé la résistance, ce n'était pas pour une décoration, c'était pour un idéal, et cette décoration, c'est la fleur d'un idéal.
- Yvette Lundy, résistante
Les Sparnaciens pleurent Yvette Lundy comme une amie
Pendant 60 ans, Yvette Lundy n’a eu de cesse de témoigner de son histoire devant les écoliers, les collégiens, les lycéens, partout en France et plus encore à Epernay, où elle était installée. Des générations de jeunes gens, et leurs enfants, et leurs petits-enfants après eux, gardent donc un souvenir ému de ses récits et de sa force. Le maire (DVD) de la ville, Franck Leroy, se souvient de "quelqu’un d’extrêmement tolérant et qui n’avait pas du tout l’esprit de vengeance et qui au contraire, cherchait à rapprocher les hommes".Tous se souviennent ainsi de l’émotion qu’ils ont ressentie en l’écoutant pour la première fois. Dans la communauté enseignante, on loue son investissement auprès des jeunes générations. Stéphane Ronseaux, professeur d’histoire au collège Terres Rouges d’Epernay, a souvent travaillé avec elle. Il se souvient de la façon dont elle captivait son auditoire : "Non seulement elle racontait son histoire, mais en plus, il y avait vraiment un partage, un échange avec les élèves. Elle forçait le respect, elle marquait de par sa personnalité".Elle a marqué des générations de Sparnaciens, de tous les âges. Tous les gens qui la croisaient étaient forcément marqués par cette personnalité parce qu’on pensait savoir ce qu’elle avait souffert dans les camps de déportation et pour autant elle était rayonnante, elle avait de l’humour, elle était animée par cette gentillesse, par cette bienveillance qu’on rencontre rarement.
- Franck Leroy, maire (DVD) d'Epernay
A 20 minutes d’Epernay, dans la commune de Gionges, berceau de la résistance d’Yvette Lundy, le maire, Michel Anquet, entre toujours avec émotion dans ce qui a été l’ancienne école. Le petit bureau derrière lequel elle faisait classe a été conservé et restauré. "Yvette Lundy revenait toujours ici avec émotion, elle nous disait que c’était ici que tout avait commencé pour elle".
Un lien avec le passé que la résistante et ancienne déportée a tenté d’apaiser par le récit et le partage. Elle nous laisse désormais en héritage ses mots et son histoire, comme le témoignage unique de ce dont l’humain peut être porteur : des plus viles actions à la plus grande force.
Un hommage lui sera rendu à Epernay ce mardi soir 5 novembre.