Limiter à 12 élèves les classes CP et CE1 dans les zones d’éducation prioritaires, une mesure débutée en 2017, complétée en 2020 par l’arrivée des grandes sections de maternelle. Sans compter le plafonnement à 24 élèves des classes de CP-CE1 dans toutes les écoles. En 2023, tous les écoliers ne bénéficient pas de ces dispositifs, faute de locaux disponibles dans leurs écoles.
La rentrée 2023-2024 est encore loin… mais déjà l’ambiance est tendue. Les cartes scolaires par département sortent les unes après les autres avec leurs lots de suppressions de classes et de postes d’enseignant. Une situation plus ou moins bien vécue en fonction des départements.
Dans le département de la Marne, la carte scolaire semble respecter les annonces de baisse démographique. "Les fermetures et ouvertures de classes sont cohérentes, explique Irène Déjardin, membre du bureau du syndicat FSU-SNUIPP de la Marne. La carte scolaire est juste et en lien avec les moyens alloués au directeur académique des services de l’éducation (DASEN). Cependant, nous regrettons que cette baisse d’élèves ne profite pas au secteur en tension. La brigade de remplacement est dotée de deux postes en plus d’enseignants-remplaçants à la rentrée prochaine et ce n’est pas suffisant. Le RASED, réseau d’aides spécialisées aux élèves en difficulté, ne sera pas non plus renforcé. Nous perdons 11 postes d’enseignants et cela reste intolérable." Le CDEN, (Conseil départemental de l’Education National) entérinant la carte scolaire 2023-2024, aura lieu le jeudi 23 mars avec un appel à la grève déposé par les syndicats.
A quand un véritable projet pour l’éducation nationale, déconnecté de l’alternance politique. Nous souhaitons une vraie politique qui dure bien au-delà des mandats des politiques.
Fabrice Lamquin, co-secrétaire FSU-SNUIPP de l’Aube
Dans les Ardennes, en Haute-Marne les représentants du syndicat FSU-SNUIPP ont voté contre la carte scolaire. Dans l’Aube, ils ont décidé de boycotter le CDEN, incitant les autorités à son report.
Partout les mêmes inquiétudes. Partout les mêmes conclusions : " A quand un véritable projet pour l’éducation nationale, déconnecté de l’alternance politique, précise Fabrice Lamquin, co-secrétaire FSU-SNUIPP de l’Aube. Nous passons de lubies ministérielles en lubies ministérielles, de mesures en mesures. Il faut faire de la communication à tout prix. Des dispositifs qui ne sont jamais évalués". Personne ne sait, donc, s’ils ont permis de faire changer les choses et si l’impact auprès des élèves est bénéfique. "Nous souhaitons une vraie politique qui dure bien au-delà des mandats des politiques".
Pas plus de 12 écoliers par classe, c’est la règle
C’est le cas de la mise en place, depuis 2017, des dédoublements de classes en zones d’éducation prioritaire. Pas plus de 12 écoliers par classe, c’est la règle. Objectif : permettre aux élèves de CP et CE1, et maintenant de grande section de maternelle, d’aborder les apprentissages du lire, écrire, compter, en petits groupes. Un dispositif contesté, en partie, six ans plus tard où certaines écoles sont dans l’impossibilité de mettre en place la mesure… faute de locaux disponibles.
Dans la Marne, 9 écoles sont concernées. Parmi elles, l’école Dauphinot en élémentaire et en grande section de maternelle. Mais aussi Prieur de la Marne où une seule classe en sera dotée au lieu de 2 ou 3. Quant à la grande section de maternelle de la Neuvillette, c’est un vrai casse-tête. "Pour que cela puisse se faire, il faut soit supprimer la salle des maitres, explique Cyrille Poncin, co-secrétaire départemental FSU-SNUIPP de la Marne, soit transférer la grande section de maternelle côté école élémentaire ce qui poserait des problèmes d’hygiène car il n’y a pas de toilettes adaptées. Des soucis lors des récréations et il faudrait aussi déplacer l’Atsem (l’agent qui aide l’enseignant). C’est en réflexion et rien n’est encore acté. Les équipes d’enseignants ne sont pas d’accord pour le transfert. La décision sera prise en CDEN. Concernant l’école Dauphinot, ce sont des écoles, aujourd’hui, sous-dimensionnées pour le quartier". De nombreuses constructions neuves sont sorties de terre ces dernières années avec, et c’était l’objectif, l’arrivée de familles. Des familles qui vont se heurter, dans peu de temps, à un problème de place dans leur école de secteur. "A Dauphinot, il y a déjà deux classes d’élémentaire qui sont accueillies côté maternelle, reprend Cyrille Poncin. Il est impossible de mettre des algécos dans la cour, trop petite. Redéfinir le secteur risque d’avoir des impacts énormes sur la vie des familles". Quoi faire ?
"Nous avons demandé à l’académie de doter, malgré tout, ces écoles d’un enseignant supplémentaire. Cela nous a été refusé par le recteur, explique encore Irène Déjardin. Parce que c’est un autre dispositif qui s’appelle "plus de maitres que de classes". Une mesure née sous François Hollande dont le ministère ne veut plus entendre parler. Pourtant, elle avait été approuvée par la profession".
Dispositifs bénéfiques ou lubies ministérielles
Si le dédoublement des classes de grande section de maternelle, CP et CE1 en zone d’éducation prioritaire a des avantages, il interpelle, malgré tout, énormément le corps enseignant.
"Bien sûr, la baisse des effectifs, nous sommes pour, reprend Irène Déjardin. Mais, il faut s’interroger sur la pédagogie, sur la façon dont on mène nos apprentissages. Le temps, en plus, passé avec les élèves ne fait pas tout. Je ne suis pas certaine qu’axer tout sur le lire, écrire, compter améliorent les choses. Focaliser sur les maths et le français est, pour moi, un retour en arrière. Il y a plein d’autres façons différentes d’apprendre avec l’art visuel, la science".
Ce dispositif n’a pas amélioré le niveau des élèves de CP-CE1 qui en bénéficient. C'est ce que constatent les enseignants.
Fabrice Lamquin, co-secrétaire FSU-SNUIPP de l'Aube
Même réflexion du côté des enseignants de l’Aube. Selon eux, 75%, seulement, de l’objectif était atteint à la rentrée 2022 dans le département. "Le ministère n’a pas donné les moyens d’obtenir 100% de la mise en place du dédoublement des classes en zone prioritaire, précise encore Fabrice Lamquin, co-secrétaire FSU-SNUIPP de l’Aube. Et puis, ce dispositif n’a pas amélioré le niveau des élèves de CP-CE1 qui en bénéficient. C'est ce que constatent les enseignants. C’est, certes, un confort de travail pour tous, mais il va falloir vraiment que le ministère évalue, de façon sérieuse, son impact".
Les enseignants estiment aussi que ces mesures sont parfois mises en place au détriment des élèves des autres niveaux. "La difficulté d’apprentissage est partout, même en dehors des zones d’éducation prioritaires", reprend Fabrice Lamquin.
Le plafonnement à 24 élèves dans toutes les classes de grande section de maternelle, CP et CE1 est aussi en cours de déploiement partout en France et devait se terminer en 2022. Une mesure de plus qui outre, posée aussi des problèmes de locaux, n’est pas, comme le souhaite les enseignants, un moyen efficace de mettre en place leurs apprentissages.
Des classes, qui à partir du CE2, ne bénéficient plus de rien et qui peuvent exploser en nombre d’effectif. Comme si, à partir de là, l’ensemble des élèves avaient le même niveau.