Lycée 4.0 : la FCPE et la PEEP craignent "la mort des fédérations de parents d'élèves"

Dans la Marne, le lycée 4.0 a entraîné la fin des manuels scolaires et avec elle, celle des fédérations de parents d'élèves. C'est en tout cas ce que craignent la FCPE et la PEEP.

"La mort des fédérations de parents d'élèves." Jean-François Ferrando, vice-président de la PEEP (fédération des Parents d' Élève de l'Enseignement Public) du Grand Reims, ne mâche pas ses mots. La rentrée scolaire a fait couler beaucoup d'encre en raison des règles sanitaire. Dans la Marne, il n'y a pas que la Covid-19 qui suscite des inquiétudes. Avec la mise en place du lycée 4.0 dans toutes les classes, les fédérations de parents d'élèves craignent pour leur avenir. "L'an dernier, on avait encore un lien avec les terminales, constate M. Ferrando. Mais cette année, c'est terminé, tous les manuels scolaires sont digitalisés." Et le représentant de la FCPE de la Marne, Yves Jacquot, de renchérir : "On disparaît petit à petit du champ visuel des parents d'élèves. Certains parents d'élèves en difficulté, mais c'est très rare. C'est vraiment quand les familles sont désespérées qu'elles viennent vers nous. On avait les coordonnées des familles, ce qui nous permettait de les solliciter."

Un lien avec les parents d'élèves rompu


Avec la généralisation du lycée 4.0, désormais, les manuels scolaires sont téléchargés par les élèves sur leurs ordinateurs. Plus besoin des fédérations de parents d'élèves pour louer des manuels à chaque rentrée. "Ça nous permettait d'avoir des contacts deux fois par an, de rentrer les coordonnées des parents dans les bases de données et de mettre en place les listes", explique le vice-président. Des listes précieuses pour organiser les élections de parents d'élèves : "On a eu des classes l'an dernier sans aucun parent d'élève élus. Cette année, ce sera pire", s'inquiète Jean-François Ferrando. "On ne peut plus communiquer avec les parents, et eux aussi perdent notre contact. La majorité des familles ne contacte plus personne", renchérit Yves Jacquot de l'antenne marnaise de la FCPE (fédération des conseils de parents d'élèves). 
 

On n'a plus le lien direct. On est obligé de passer par des tiers. On est très inquiet quant aux élections qui vont arriver. Si les parents ne sont pas informés et ne viennent pas voter, les résultats seront faussés.

Jean-François Ferrando, vice-président de la PEEP.

 

Une écoute et un accompagnement pour les familles en difficulté

Que ce soit pour les élections de parents d'élèves ou pour aiguiller les familles précaires, cette rupture de lien s'avère très problématique, estiment la FCPE et la PEEP de la Marne. "C'était un lien qui nous permettait de déceler les familles en grandes précarités, déplore Béatrice Lutz, représentante départementale de la PEEP. C'est plus facile à un parent de parler à un autre parent. Avant, on savait les cerner quand ils arrivaient. On savait que quand quelqu'un qui refusait de payer une adhésion, cela montrait de grandes difficultés. Cela maintenait un contact humain, de femme à femme par exemple."

 Béatrice Lutz prend un exemple très concret : une femme en instance de divorce, qui au moment de venir chercher les manuels de ses enfants, lui expose sa situation. "J'ai pris le temps d'écouter, d'appeler l'assistante sociale... Cela rassurait, car la maman en question savait qu'elle avait une oreille attentive et trouvait une main tendue." D'autant plus que le lycée 4.0 a creusé certaines inégalités, note Béatrice Lutz, qui dénonce : "Quand les élèves cassent les ordinateurs, il faut payer entre 120 et 140 euros pour changer l'écran. Les parents ne peuvent pas les assurer, car ce n'est pas à leur nom, c'est la région qui prête le matériel. Quand ils perdaient leur livre, c'était aller, 20 euros." 
 

Ils ont cru qu'on ne voulait pas l'informatique, mais ce n'est pas ça. On savait qu'on perdrait ce côté humain. Les parents qui ont un problème n'appellent pas l'Académie, ils nous appellent nous.

Béatrice Lutz, représentante de la PEEP, Marne.


Depuis l'abandon progressif des manuels scolaires, la FCPE et la PEEP se retrouvent avec des tonnes de livres sur les bras. Hors de question de les jeter, même si les programmes scolaires ont changé. Par exemple, la PEEP d'Epernay a décidé de recycler ses stocks en envoyant quelque 17 tonnes de manuels au Burkina Fasso, quand ce ne sont pas des parents d'élèves eux-mêmes qui les sollicitent. Lors du confinement, Béatrice Lutz a reçu une trentaine de demandes de parents pour récupérer des livres. "Dans certains secteurs, les enfants ne pouvaient plus étudier sur leur ordinateur. J'ai encore des demandes pour cette rentrée. Les parents veulent les livres, ça les rassure."  Le moyen pour la Sparnacienne de maintenir du lien humain, tant qu'elle le peut.
 
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