Manque d'enquêteurs, charge de travail accrue... La police nationale de la Marne, "à bout de souffle"

Le syndicat Alliance pointe du doigt le manque croissant d’effectifs dans la police nationale, particulièrement dans le département de la Marne et en investigation. Dans un contexte global de manque d’attractivité, de charge de travail accrue et de départs non compensés, un cercle vicieux complique encore les conditions de travail des policiers.

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En août 2021, le commissariat de police d’Épernay (Marne), comptait 10 officiers de police judiciaire (OPJ). Un an après, les personnes habilitées à assurer ce rôle essentiel n’étaient plus que cinq. Dans cette police nationale “à bout de souffle” et en “manque cruel d’OPJ, selon les mots de Frédéric Chesneau, secrétaire départemental d’Alliance Police Nationale dans la Marne, les départs se multiplient, tandis que les arrivées sont rares. Seulement dix entre 2021 et 2022, et aucune depuis.

En septembre, à Reims, 6 OPJ quitteront le commissariat pour partir à la retraite ou être mutés. Mais aucun ne sera remplacé, selon le syndicat Alliance. Ce seront donc les collègues d’autres commissariats qui se déplaceront en cas de besoin. Autre exemple : à Châlons-en-Champagne, l’effectif global ne dépasse pas 100 fonctionnaires alors que le maximum est de 120. 

Un équilibre rompu entre départs et arrivées

“Tout le monde est en souffrance. C’est de plus en plus compliqué. On est désabusés”, regrette le délégué départemental qui dénonce un manque général de personnel, particulièrement en investigation. Le syndicat Alliance estime qu’il manque actuellement 30 à 40 enquêteurs dans la Marne. Un chiffre basé sur la charge de travail par rapport au nombre croissant de départs, qui n’est pas compensé par les sorties d’école, malgré une accélération des concours. 

Le tout "dans un contexte où l’attractivité est en berne, d’abord au niveau de la filière investigation. Celle auparavant considérée comme le “graal” peine aujourd’hui à convaincre, du fait de conditions de travail détériorées. Moins de terrain, plus de tâches, astreintes, permanences, procédures alourdies, enquêteurs noyés sous la paperasse”... nous précise le représentant syndical. 

L’investigation, de star à parent pauvre

“Quand on était en nombre, on pouvait mener des enquêtes sur le terrain, mais depuis plusieurs années on est la plupart du temps derrière un ordinateur. Avant, l’enquête faisait rêver, maintenant tout le monde fuit”, déplore Frédéric Chesneau, en investigation pendant dix ans après avoir d’abord été sur la voie publique, filière bien plus attrayante, entre horaires aménagés, primes et missions sur le terrain. 

Résultat, une charge de travail accrue. Il y a dix ans, un enquêteur avait environ 120 dossiers d’atteintes aux personnes. Aujourd’hui, il en a 450. “Comment prioriser ?, s’enquiert Stéphan Ragonneau, secrétaire zonal Est du syndicat Alliance. Tout est urgent donc la charge mentale est importante, même pour les plus aguerris.” 

“On voit progressivement se déliter toutes nos belles unités. C’est effarant”, s’alarme Stephan Ragonneau. La perte d'effectif provoque en effet des restructurations avec des unités spécialisées supprimées, telles que les brigades canines ou motorisées. “On perd en efficacité”, précise-t-il. À cela s’ajoute la mobilité importante des policiers, bien loin des postes pérennisés pendant des dizaines d’années, comme c’était le cas auparavant. 

De 120 à 450 dossiers par enquêteur

Dans le même temps, les policiers doivent s’adapter à de nouvelles réformes qui, au lieu de faciliter leur quotidien, le rendent parfois plus difficile. Frédéric Chesneau cite en exemple la réforme de la garde à vue. Depuis le 1er juillet, tout ce qui y est noté doit l’être manuellement. “Une perte de temps, alors que les gendarmes ont un logiciel adapté”, déplore le secrétaire départemental : “On nous demande toujours plus, donc on fait ce que l’on peut.”

On ouvre des postes, mais personne. Toute la Champagne-Ardenne, la Lorraine et l’Alsace sont sinistrées, y compris au niveau des cadres

Stéphan Ragonneau, secrétaire général Alliance Police

Une situation “généralisée sur l’ensemble du territoire” mais dont pâtit particulièrement le Grand Est, selon Stéphan Ragonneau, en charge de 18 départements pour Alliance. “Même ceux qui y sont originaires veulent en partir. Ils sont attirés par les avantages et les primes données dans d’autres endroits, comme Paris ou Marseille.” Malgré des postes ouverts il y a trois mois à la brigade canine de Reims, aucune candidature au niveau national. “On ouvre des postes, mais personne. Toute la Champagne-Ardenne, la Lorraine et l’Alsace sont sinistrées, y compris au niveau des cadres.”

Des problématiques pointées du doigt à plusieurs reprises auprès du département, des magistrats et des élus. Comme le confirment nos deux interlocuteurs, le ministère de l’Intérieur en est également avisé. Contactée, la Direction interdépartementale de la Police nationale (DIPN) de la Marne a indiqué ne pas souhaiter communiquer sur le sujet. 

“On va laisser passer les JO mais il faut qu’on trouve des solutions”, avance Frédéric Chesneau. Par exemple des primes de fidélisation, la semaine de quatre jours ou des commissariats flambant neufs, comme celui d’Épernay. 

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