"Nos enfants sont-ils en danger ?"  : soupçons de maltraitance dans une école maternelle, la question en suspens

Suite à des soupçons de maltraitances morales et physiques à l’école maternelle ZAC Saint-Pierre de Sézanne, dans la Marne, les parents d’élèves dénoncent un silence de la part des institutions. Pourtant, aucune plainte en ce sens n'a été déposée. Certains parents ont décidé de ne plus scolariser leur enfant.

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Que se passe-t-il à l’école maternelle ZAC Saint-Pierre de Sézanne, dans le sud-ouest de la Marne ? C’est la question que se posent depuis plusieurs mois les parents, qui dénoncent un climat anxiogène et menaçant, suite à des suspicions de violences morales et physiques à l’encontre des élèves. 

Cette suspicion concernerait, d’après certains parents d’élèves et nos confrères de L’Union, des enfants en moyenne section. Mais la procureure de la République de Châlons-en-Champagne, Annick Browne, tient à souligner que pour ces faits, “aucun dépôt de plainte par des parents ou à l’encontre de l’enseignante” de ce niveau n’a été enregistré. 

Toutefois, une enquête a bel et bien été ouverte suite à des plaintes pour dénonciation calomnieuse, atteinte à l’intimité de la vie privée et harcèlement moral au travail. Cette dernière ayant été déposée par l’institutrice de moyenne section à l’encontre de “personnels de l’école”, selon son avocate. 

En l’état des témoignages, aucun élément de violence, de maltraitance ou de comportement inadapté n’a été constaté en procédure. Ce qui caractérise ce dossier, c’est le décalage entre ce qui remonte du terrain et les éléments en procédure, qui n'étaient pas ces inquiétudes.

Annick Browne

Procureure de la République de Châlons-en-Champagne

Pas de plainte pour maltraitance

Quant à l'avocate de l’enseignante, Maître Adélaïde Curfs, elle “conteste fermement” les suspicions : “Ma cliente n’a pas été convoquée en tant que prévenue pour une mise en cause. Il n’y a aucune plainte en cours contre elle. C’est compliqué à vivre puisqu’elle n’a rien à se reprocher, mais tout ce qu’elle a pu dénoncer est étayé par des preuves”, affirme-t-elle. 

Reste que la situation inquiète les parents. “Est-ce que nos enfants sont en danger ou en sécurité ?”, s’enquiert une maman dont la fille est en petite section : “On a juste besoin de savoir. Mais le silence est total.” 

Les quatre parents interrogés listent tous, dès fin 2023, des contacts pris par téléphone ou courrier auprès des institutions  :  Académie, rectorat, inspection, médiateur, Communauté de communes… La plupart de ces tentatives, qui ont parfois abouti à des échanges, n’ont pas eu de suites. “On ne veut pas être intrusifs dans la procédure, mais je suis très inquiète”, confie un parent. “C’est silence radio. On se sent impuissants et totalement abandonnés”, abonde une mère d’élève. 

Pour les parents, un besoin de réponses

Face à l’absence d’informations pointée du doigt par les parents, la Procureure de la République se veut rassurante. Elle indique qu'une dizaine d’auditions ont été effectuées et que d’autres suivront, ainsi que des examens médico-psychologiques. “L’enquête est traitée prioritairement, elle est sur le haut de la pile parce que les enjeux sont majeurs et sensibles. Mais cela prend du temps d'investiguer”, souligne-t-elle. L’objectif étant de “tirer les choses au clair avant la fin de l’année scolaire”.

La Direction des services départementaux de l'Éducation nationale (Dsden) de la Marne indique quant à elle prendre la situation “très au sérieux” et avoir également diligenté une enquête interne, qui repose sur le “recueil de témoignages” et une “analyse approfondie” afin de comprendre les “dysfonctionnements”. L’institution défend, elle aussi, la nécessité de prudence et de patience en attendant les conclusions, qui doivent être rendues “avant la fin de l’année scolaire”. La directrice académique pourra alors prendre “ses responsabilités”. 

Les parents d’élèves, eux, portent principalement leurs soupçons sur l’enseignante, qu'ils pensaient mise à pied. D'où leur incompréhension lorsqu’après une absence de deux mois, elle a repris son poste jeudi 30 mai. “Quand j’ai su que la maîtresse était revenue, je me suis effondrée en larmes, confie une maman. Je suis allée chercher ma fille à l’école, il était hors de question que je la laisse”.

Un mal-être chez les enfants

Trois de nos interlocuteurs expliquent avoir remarqué des changements de comportements, peu de temps après le début de l’année scolaire. “J’avais l'impression que je n’avais plus ma petite fille. Elle simulait des douleurs de ventre pour ne pas aller à l’école, s’arrachait la peau, se mordait la bouche jusqu’au sang”, décrit la maman. Elle explique avoir appris plus tard de la part d’autres parents, puis difficilement par sa fille de 4 ans, que l’institutrice aurait coupé une mèche de ses cheveux car elle jouait avec.

Une autre mère d’élève, motivée par des premiers échos de maltraitance, le comportement changeant de sa fille et le fait qu’elle décrive sa maîtresse comme “méchante”, avoue avoir récolté 7 heures d’enregistrements en classe. Un acte risqué qu’elle “ne regrette pas”. La maman décrit une journée “horrible”, où l’on entend sa fille se faire “hurler dessus de manière hystérique”, puis dire “non, non, aïe” avant de pleurer. 

On la laisse dans la cour en pleurs, quand elle parle j’entends qu’on lui dit ‘on s’en fout'. Une Atsem [agent territorial spécialisé des écoles maternelles, ndlr] m’a rapporté que l’enseignante avait dit à ma fille ‘tu me pourris la vie’.

Maman d’une élève en moyenne section

Suite à cela, elle indique avoir été convoquée par la gendarmerie pour une audition et avoir déposé une main courante. Contactée, la gendarmerie n’a pas souhaité s’exprimer, nous renvoyant vers le Parquet.

Peur de l’avenir

Au contraire de ce que cette maman qualifie de comportement “rabaissant et humiliant”, elle tient à souligner la bienveillance du reste du corps enseignant, parmi lesquels les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (Atsem), qui, d’après les parents, “refusent de travailler” avec l’enseignante. Une seconde mère ajoute que le mal-être de sa fille s’était estompé lorsque la classe avait été tenue par un remplaçant.

Certains parents vont jusqu’à se demander s’ils ne vont pas faire une dérogation pour pouvoir changer d’école l’année prochaine. Tandis que d’autres déplorent l’absence de solution, par exemple le fait de répartir la vingtaine d’enfants dans les autres niveaux. Tous regrettent l’inertie de la situation, comme cette maman concernée : “Je suis très stressée, j’ai vraiment peur pour ma fille et pour la suite. Ce sont des événements qui marquent un enfant, on n’a pas envie que la situation ait un impact sur sa confiance en elle.”

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