Alors que le Parquet de Reims a classé l'affaire sans suite en novembre 2020, des proches de l'automobiliste mise en cause et des enfants qu'elle transportait ont décidé de déposer une plainte avec constitution de partie civile devant le doyen des juges d’instruction de Reims.
En juillet 2019, une voiture entre en collision avec un TER au niveau du passage à niveau d'Avenay Val d'Or (Marne) faisant quatre morts. La conductrice du véhicule, Marie-Hélène Harsigny, une assistante maternelle de 36 ans et ses trois passagers, à savoir sa fille de 11 ans et deux autres enfants de 1 et 3 ans sont tués sur le coup.
Plus d'un an plus tard, le 12 novembre 2020, le Bureau d’Enquête sur les Accidents de Transport Terrestre (BEA-TT) publie son rapport d'enquête en ligne, dans lequel il met en cause "le non-arrêt du véhicule léger au passage à niveau fermé". Dans ses conclusions, il pointe du doigt "la présence d’un médicament en dose toxique dans l’organisme de la conductrice" qui aurait altéré "ses facultés de conduite" et écarte la responsabilité du TER. La conductrice aurait donc forcé le passage malgré les barrières de sécurité baissées.
Le 26 novembre 2020, c'est au tour du procureur de la République de Reims, Matthieu Bourrette, de rendre ses conclusions dans le cadre de l’enquête menée pour homicide involontaire. Il précise que "les investigations menées ont très rapidement permis d’écarter toute faute de conduite du conducteur de la motrice SCNF et toute éventuelle défectuosité de la motrice". De plus "les investigations menées ont permis de mettre en évidence que le véhicule conduit par une femme de 36 ans n’avait aucun problème de maintenance, était en situation de roulage au moment des faits, et n’a connu aucune avarie". Enfin, s'agissant du passage à niveau, il est précisé que "son état général était bon, les dernières vérifications dataient de fin janvier 2019, sans qu’il ait été noté d’anomalie de fonctionnement, et sa maintenance ne souffrait d’aucune critique. Il n’était pas répertorié comme « préoccupant » , et avait connu neuf incidents entre 1988 et 2018, dont aucun n’avait de caractère grave." "L’enregistrement des caméras de la locomotive et leur exploitation a mis en exergue que les barrières étaient bien baissées avant la percussion." En conséquence, le parquet classait l'affaire sans suite. Fermez le ban, fin de l'affaire !
Une nouvelle expertise écarte la thèse de "l'absorption massive de médicaments"
Hors de question pour deux des trois familles des victimes et leur avocat Gérard Chemla, déterminés "à faire éclater la vérité" alors que ce classement sans suite validait la thèse de la responsabilité de l'automobiliste dans ce drame. "Dès le classement sans suite, nous avons mandaté un expert agréé par la Cour de Cassation, spécialiste en toxicologie et en pharmacologie qui vient de leur rendre son étude. Le Professeur Jean Claude Alvarez explique que l’hypothèse d’une absorption massive de médicaments par Mme Harsigny est formellement exclue et qu’il n’est pas davantage possible d’évoquer la thèse d’une hypotension provoquée par le traitement qu’elle suivait depuis de longs mois", énonce l'avocat.
Et d'ajouter : "Pour la première fois depuis dix-huit mois, une autorité scientifique valide ce que les victimes ont toujours dit : Marie-Hélène Harsigny ne peut pas avoir ingéré une dose massive de médicaments avant de prendre le volant et était parfaitement en état de conduire. L’hypothèse d’un suicide étant formellement écartée, il reste celle de l’accident qui ne peut avoir que deux causes : l’inattention de la conductrice ou le dysfonctionnement du passage à niveau associée à sa faible visibilité.
L’inattention est écartée par les faits objectifs relevés : Marie Hélène Harsigny a décéléré en abordant la courbe précédant le passage, elle est restée dans sa voie de circulation et son véhicule, muni d’un système de détection d’obstacle, n’a pas réagi ce qui remet en cause la présence d’une barrière fermée.
De plus, pour Gérard Chemla, "il n'existe aucune preuve matérielle que la barrière ait été fermée". Il dénonce "des conclusions d'un rapport bienveillant envers la SNCF. Des vidéos prises de l'intérieur du train ont montré que l'autre barrière, en face, était fermée. Mais l'autre barrière, ce n'est pas la nôtre!"
C'est pourquoi "les proches d’Adélaïde, Maëly et Marie-Hélène ont décidé de déposer une plainte avec constitution de partie civile devant le doyen des juges d’instruction de Reims". "Nous avons besoin de réunir un certain nombre de documents mais nous nous engageons à déposer cette plainte très rapidement".
Cette plainte va servir à "aller au fond des choses. Le procureur de la République a fait un certain travail mais les experts se sont trompés, il faut donc prendre les choses par un autre bout. Je n'exclus d'ailleurs pas que l'on puisse faire appel à des experts", conclut Gérard Chemla.