Un accident tragique s'était produit à Avenay Val d'Or (Marne) en juillet 2019, une voiture était entrée en collision avec un TER, faisant quatre morts dont trois enfants. Le Parquet de Reims vient de décider de classer l'affaire sans suite.
Le procureur de la République de Reims, Matthieu Bourrette, a rendu ses conclusion dans le cadre de l’enquête menée pour homicide involontaire à la suite de l’accident survenu à Avenay Val d’or le 15 juillet 2019 qui a causé la mort de 4 personnes, à l’occasion de la percussion entre un véhicule léger conduit par une assistante maternelle et un TER.
Les investigations menées ont très rapidement permis d’écarter toute faute de conduite du conducteur de la motrice SCNF et toute éventuelle défectuosité de la motrice, indique le procureur de Reims. Les investigations menées ont permis de mettre en évidence que le véhicule conduit par une femme de 36 ans n’avait aucun problème de maintenance, était en situation de roulage au moment des faits, et n’a connu aucune avarie.
L’enquête a déterminé que si l’élagage était imparfait sur la voie routière qui précédait la courbe menant au passage à niveau, la conductrice d’une part disposait d’une connaissance parfaite des lieux et d’autre part avait une visibilité suffisante, sans perturbation météorologique, pour ne pas avoir été surprise par la survenance du passage à niveau.
Pas d'anomalie au passage à niveau
S’agissant du passage à niveau qui a fait l’objet de très nombreuses constatations, investigations, et expertises, y compris avec des remises en situation, et ce dès l’accident survenu, permettant d’être, en la matière, aussi exhaustif que possible. Son état général était bon, les dernières vérifications dataient de fin janvier 2019, sans qu’il ait été noté d’anomalie de fonctionnement, et sa maintenance ne souffrait d’aucune critique. Il n’était pas répertorié comme « préoccupant » , et avait connu neuf incidents entre 1988 et 2018, dont aucun n’avait de caractère grave.Il avait fait l’objet de vérifications périodiques conformes à la réglementation, les dernières en date du 28 janvier 2019 qui n’avaient constaté aucune anomalie de fonctionnement. Les signaux lumineux et sonores étaient en parfait état de fonctionnement le jour des faits, et la baisse d’intensité sonore n’avait joué aucun rôle dans l’accident (puisque les signaux sonores cessent de fonctionner une fois la barrière abaissée). S’agissant du système de barriérage, comme indiqué, il a été établi par les enquêteurs que ce système était bien en position baissée au moment du choc, et avait été initialement percuté par le véhicule.
L’enregistrement des caméras de la locomotive et leur exploitation a mis en exergue que les barrières étaient bien baissées avant la percussion.
En outre, les premières constatations réalisées immédiatement après l’accident ont établi que la barrière, en position baissée, avait été pliée. Tous ces éléments démontrent que c’était bien le véhicule qui avait plié la barrière alors que celle-ci se trouvait en position basse. De surcroît, il convient de souligner que l’enfoncement de cette barrière du passage niveau a été lente et progressive, ce qui est le résultat d’une poussée à faible vitesse compatible avec la vitesse de progression du véhicule (vitesse de 40,91 kms/h 5 secondes avant l’impact et 33,39 kms/h au moment de l’impact).
Traitement anti dépresseur
En ce qui concerne d’éventuels dysfonctionnements du passage à niveau, un appel à témoin avait permis de recueillir le témoignage de dix-sept personnes. Ces témoignages ont été soumis à l’expert ferroviaire qui a mis en évidence que certains d’entre eux n’étaient pas cohérents, alors que d’autres, davantage valables, résultaient d’une incompréhension du fonctionnement normal du passage à niveau.Il a également pu être établi qu’il n’y avait pas eu d’usage de téléphone portable de type échange téléphonique dans les secondes qui avaient précédé la percussion avec le TER. La conductrice suivait un traitement sous anti dépresseurs, et les deux expertises menées ont établi un surdosage dans le sang de ce médicament, alors qu’aucun élément d’enquête ne permettait d’accréditer la thèse d’une sur consommation médicamenteuse accidentelle ou volontaire.
Des experts ont également émis l’hypothèse que la prise d’un traitement antihypertenseur, depuis janvier 2018, avait pu provoquer chez elle une hypotension artérielle responsable d’un malaise de type étourdissement voire évanouissement le jour des faits, se référant de surcroit à l’accident automobile du 11 mai 2019 qu’avait connu la personne et qui selon son époux résultait peut-être d’un endormissement de son épouse.
La conductrice du véhicule mise en cause
Toutefois, les expertises toxicologiques réalisées ne permettent pas d’asseoir une quelconque certitude sur le caractère causal des prises médicamenteuses précitées, à supposer survenue la réalité d’un malaise qui demeure hypothétique, dans la cinétique accidentelle. C’est pourquoi, aucune responsabilité médicale, liée aux prescriptions médicamenteuses, ne peut donc être mise en cause comme élément déclencheur ou participatif de l’accident.En tout état de cause, poursuit le Parquet, les investigations n’ont pas permis d’établir ce qui a conduit l'assistante maternelle à forcer la barrière du passage à niveau et les différents experts ont été amenés à énoncer des hypothèses sur les raisons de son comportement.
A l’issue des investigations, la cause certaine et unique de l’accident est le comportement de la conductrice qui a franchi la barrière abaissée du passage à niveau en état normal de fonctionnement, en roulant à faible allure, et sans agir sur les freins, et qui a été percutée par le TER qui circulait dans des conditions également normales et conformes à la réglementation. Si la synchronisation fortuite de l’arrivée du véhicule léger et celle de la locomotive ainsi que l’inaction sur les pédales du véhicule léger semblent exclure l’hypothèse d’un acte volontaire, il n’en demeure pas moins que l’accident est imputable à l’action de la conductrice sans que l’enquête ait pu établir si son comportement était la conséquence d’une faute de conduite (liée par exemple à un événement survenu dans l’habitacle) ou le résultat d’un malaise éventuel.
Dès lors, en l’état des investigations, et au regard des conclusions de cette enquête, le procureur a décidé de procéder au classement sans suite de cette affaire, en raison du décès de la conductrice. Ces éléments ont été portés à la connaissance des familles endeuillées, soit par le biais de leur avocat pour deux d’entre elles, soit par le biais de l’association France victimes 51 qui accompagne la troisième, familles qui avaient déjà été reçues par le Parquet dans le cours de l’enquête.