Badia Allard, en situation de handicap : "je n’ai jamais laissé le handicap m’empêcher quoique ce soit"

Badia Allard n'est pas du genre à se laisser abattre. Conseillère prudhommale à Reims, élue à la maison départementale des personnes handicapées, engagée à l'APF France… à 52 ans, la mère de trois enfants cumule les mandats avec un sourire communicatif.

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Il a plu toute la matinée sur la place d'Erlon à Reims. En milieu d'après-midi ce samedi 11 mai, les nuages noirs ont laissé place à quelques timides rayons de soleil. Une trentaine de personnes en fauteuil roulant brandissent des pancartes pour sensibiliser les badauds à leurs droits.

Parmi elles, Badia Allard se fait alpaguer de tous les côtés. Il faut dire que dans le milieu, la quinquagénaire est connue de tous. Conseillère prudhommale à Reims, élue à la maison départementale des personnes handicapées (MDPH), engagée à l'APF France… et avec le souci de "défendre tout le monde", elle a su s'imposer au fur et à mesure des années. "J'ai une force, un caractère. J’ai appris à dire vas te faire foutre quand il le fallait", dit-elle dans un éclat de rire.

 

"Ma force, elle n'est pas donnée à tout le monde"


Tous font partie de la caravane APF France Handicap. Le 7 mai dernier, un minibus est parti de Strasbourg pour en rejoindre un autre à Metz le 10, puis encore un autre à Reims ce samedi puis à Troyes ce dimanche, avec chaque jour un thème différent pour sensibiliser le grand public aux problèmes des personnes en situation de handicap. Le but est qu'ils arrivent tous à Paris le 14 mai prochain pour une importante manifestation.
 

Il faut dire que tout n'a pas toujours été rose pour Badia. "Ma force, elle n'est pas donnée à tout le monde, concède la Troyenne d'origine. J'en ai pleuré, j'en ai pleuré avant d'en arriver là." Née à Troyes, Badia vit à Reims depuis 30 ans. Si elle reconnait que la cité des sacres était loin d'être un paradis à son arrivée, celle qui a choisi de ne "garder que le positif" l'affirme, l'accès pour les personnes à mobilité réduite s'est considérablement amélioré.

Depuis 30 ans, c’est la première fois de ma vie que je suis rentrée dans la mairie de Reims par la porte. Ça vaut le coup de batailler.
- Badia Allard, élue à la MDPH de la Marne.

A l'âge de 24 mois, les médecins lui diagnostiquent la poliomyélite, qu'elle cumule avec du diabète, le syndrome des jambes sans repos et de la fibromyalgie, "tout ce qu’il faut pour que le corps fonctionne du tonnerre" rit-elle. Jusqu'à il y a dix ans, elle se déplaçait encore avec deux cannes mais aujourd'hui, elle dépend de son fauteuil.

A son arrivée à Reims, la mère de trois enfants ne pouvait les accompagner nulle part. "Il n'y avait pas de tram, et les bus étaient inaccessibles", se souvient-elle. Désormais, elle clame haut et fort : "87% du réseau Citura est adapté aux personnes en situation de handicap, et pour la première fois de ma vie, le 9 mai 2019 lors de l'inauguration de l'esplanade Simone-Veil devant l'hôtel de ville, j'ai pu rentrer à la mairie par la grande porte."



Des études de droit inaccessibles


Une fierté pour celle qui est engagée dans le milieu associatif depuis ses 18 ans. Age auquel elle a d'ailleurs quitté sa famille "en claquant la porte", avec la volonté de se débrouiller seule. "Ma mère a pleuré. Mon père lui a dit : 'Laisse-la vivre sa vie, si ça ne va pas, elle reviendra.' Je ne suis jamais retournée chez eux." Elle tente alors d'intégrer la faculté de droit, alors inaccessible pour elle qui se déplace avec deux béquilles.

Finalement, la Rémoise d'adoption a rejoint une formation de juriste en 2017 pour exercer comme conseillère prud'hommale. "Là, c'est différent. Je me bats pour du social, des salariés, qu'ils soient debout ou non." Un accomplissement pour celle qui rêvait d'être avocate. D'autant que désormais, le tribunal des prud'hommes est 100% accessible aux personnes en fauteuil : "Grâce ou à cause de moi tout est accessible. Le greffier m’a dit : 'On ne pensait pas qu’un jour on aurait un conseiller ou un juge en fauteuil.'"

Heureuse de constater toutes ses améliorations, elle se prend à rêver : "On peut parler des envies des jeunes de sortir en boîte de nuit, de voyager comme tous les autres. C’est le rêve." Et toujours dans un sourire à vous convaincre : "Moi j’y crois fort."



 
Une mobilisation "pour pouvoir vivre dignement"
C'était l'une des priorités du quinquennat d'Emmanuel Macron. En 2017, le président fraîchement élu avançait sa volonté de faire du handicap une priorité. Le 7 mai dernier, la secrétaire d'Etat chargée du handicap, Sophie Cluzel, confirmait au Parisien que l'allocation serait de nouveau revalorisée en novembre 2019 de 40 euros mensuels (elle était déjà passée de 819 euros à 869 euros mensuels en novembre 2018).

"Cette revalorisation se fait à enveloppe constante, donc forcément, si on augmente l'allocation c'est qu'il y aura moins de bénéficiaires", prévient Badia Allard, élue à la maison départementale des personnes handicapées. Dominique Tabac, directeur territorial des actions associatives Territoire Nord Champagne, abonde : "Certains couples ne touchent plus l'AAH (allocation adulte handicapé), car les seuils ont été gelés. D'autres ne touchent plus certaines aides attribuées par la CAF. Ce que nous voulons, c'est l’accès aux ressources financières et humaines car les gens n’ont pas les moyens de vivre."  A cela s'ajoute la fusion de deux autres allocations, souligne le site faire-face.fr, soit une baisse de 75 euros mensuels.

A ces mesures s'ajoute celles de la loi Elan, qui prévoit d'abaisser de 100% à 20% le taux d'accessibilité de logements sociaux neufs. Les 80% restants devront être "évolutifs", comprendre aménageables par la suite, sans autre précision.
 
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