Basket fauteuil : une section unique pour dribbler le handicap, "il faut rêver pour atteindre nos objectifs"

L'association L'Espérance rémoise a présenté au public sa section basket fauteuil, ce samedi 17 février 2024, à Reims. Elle a été créée il y a un peu plus d'un an. Accessible à toutes les catégories d'âges et de niveau, mais aussi aux personnes valides, cette section est la seule du département de la Marne. Affiliée au Comité départemental handisport, elle a pour ambition de faire du handicap une force. De permettre aussi à ceux qui le souhaitent de s'accomplir autrement.

"Je veux être basketteur professionnel, comme Michael Jordan". Eros, 8 ans, avec son papa Lulzim jamais très loin, explique à quel point le basket est devenu primordial dans sa vie. Emprisonné depuis toujours par une maladie de la moelle épinière appelée spina-bifida, Eros a très peu connu la position debout. Son fauteuil roulant est devenu son allié et lorsque son école lui a permis d'aller à la découverte de différents sports... ce fut presque une renaissance. "Je n'avais jamais fait de sport mais j'avais très envie d'en faire, explique le jeune garçon. Jouer au ballon, marquer des paniers. Depuis que je suis né, je ne peux pas marcher comme tout le monde. Non, je ne suis pas différent, maintenant dans mon école, au CRM de Murigny, tout le monde est handicapé. Ma vie est super et depuis le basket, c'est encore mieux".

Eros joue avec la douzaine de personnes, toutes adultes, de la section basket fauteuil de l'Espérance rémoise. "Depuis qu'il vient, une fois par semaine, à l'entraînement, le fait d'être avec des grandes personnes, a permis à mon fils d'ouvrir son esprit, explique le papa d'Eros plein d'admiration. Il discute avec des adultes, joue avec eux. Vous savez, Eros a beaucoup de courage. Il a subi plus de 20 opérations du dos, des jambes. Il travaille très bien à l'école et tous les matins à partir de 7h30 jusqu'à temps que le taxi l'emmène à l'école, il lit. Il aime ça. Et puis, il ne fallait surtout pas rater cette matinée avec son club de basket. Toute la semaine, il m'a répété : tu y penses papa, tu y penses".

Le basket change son quotidien, celui de toute la famille aussi. "Mon grand frère a 11 ans et il vient me regarder et m'encourager", reprend le petit gars, un grand sourire aux lèvres. Il lui permet d'avoir des rêves plus grands encore. 

Opération séduction

Créée il y a un an à peine, la section basket fauteuil de l'association L'Espérance rémoise veut se faire connaître au plus grand nombre. Elle est la seule du département de la Marne, "et ça nous a encore plus motivés pour la concrétiser, explique le président de l'association Jamal Aatif. Nous avons déjà un gros pôle sportif avec le foot et le basket en plus du pôle éducatif et culturel. Nous voulions aujourd'hui mettre un coup de projecteur sur cette section". Au gymnase Géo André de Reims, ce samedi matin, joueurs, bénévoles, adhérents avaient tous le même objectif : faire découvrir ou redécouvrir la pratique du fauteuil basket et permettre à d'autres de rejoindre ce sport.

Un joueur égal un fauteuil adapté à sa morphologie et chaque fauteuil coûte au minimum 2500 euros.

Jamal Aatif, président de l'association L'Espérance rémoise pour la Culture et le Sport

"C'est une façon de lancer officiellement l'équipe et nous permettre, j'espère, d'entrer en compétition, précise encore le président. Nous avons actuellement 12 personnes qui pratiquent. Cette première saison est une année de démarrage, de rodage et nous travaillons avec la ville de Reims pour trouver des solutions, car c'est un sport qui demande des moyens. Un joueur égal un fauteuil adapté à sa morphologie et chaque fauteuil coûte au minimum 2500 euros".

Et puis, il faut stocker ce matériel dans un local attenant à la salle où les joueurs s'entraînent. Une vraie logistique à mettre en place et une organisation pérenne à trouver. Démarcher des sponsors, trouver des subventions... cette matinée était une vraie opération séduction où représentant de la municipalité de Reims et du Comité départemental handisport étaient présents. Une preuve de leur soutien.

Tout est permis

Avec ses 500 adhérents, L'Espérance rémoise a déjà de quoi occuper ses bénévoles ! Mais l'arrivée d'un homme, Hassan Souffane, permet aujourd'hui à l'association d'ouvrir encore un peu plus son champ d'action.

Si tous les partenaires nous donnent la main, pourquoi pas demain voir notre section basket fauteuil en compétition nationale

Hassan Souffane, responsable de la section basket fauteuil à l'Espérance rémoise

Hassan, c'est 26 ans de pratique du basket fauteuil. C'est une expérience au plus haut niveau avec le club de Clichy qu'il a créé en 2006 et "c'est la passion maladive pour le basket, explique-t-il en souriant. C'est le seul sport où je trouve enthousiasme, convivialité, où je peux me retrouver pleinement dans le savoir être". Arrivé à L'Espérance rémoise depuis deux ans, il rumine son projet avant de le proposer aux membres de l'association qui le valide. "Je veux croire à ce projet. Nous allons aller frapper à toutes les portes pour décrocher une salle, avec un local, trouver des partenaires pour l'achat des fauteuils, pour le transport des personnes en situation de handicap, les frais d'arbitrage, de tenues ou encore d'inscription à la Fédération. J'ai, pour l'instant, prévu un budget de 30 000 euros. Si tous les partenaires nous donnent la main, pourquoi pas demain voir notre section basket fauteuil en compétition nationale. Ou encore, un joueur ou une joueuse sélectionnée en équipe de France. Il faut rêver pour atteindre nos objectifs". Voilà des ambitions toutes proches de celles du petit Eros. Le chemin est long et il faut pérenniser la section. Mais, Hassan est là pour ouvrir la voie et emmener ses troupes.

Car dans ce sport, si tout est permis, la durée de vie des sections basket fauteuil est une autre histoire. La Marne est pourtant une terre de basket depuis longtemps, avec pas moins de 28 clubs faisant partie du Comité départemental. À Reims et sa proche banlieue, mais aussi Châlons-en-Champagne, Vitry-le-François, Sézanne, Épernay... mais aucun d'entre eux n'a su, pu, pérenniser une équipe handi.

"Ça ne tient jamais, et on ne sait pas vraiment pourquoi, explique Corinne Péran, présidente du Comité départemental handisport de la Marne. Le côté financier est un frein avec l'achat des fauteuils qui doivent être homologués pour faire de la compétition avec des roulettes à l'arrière anti-bascule. C'est vrai, c'est un investissement. Il faut aussi entretenir ce matériel et ça aussi cela compte. Par le biais de la MDPH, il est possible d'avoir des aides pour l'achat d'un fauteuil de sport. Car l'idéal, c'est d'avoir le sien". Le Comité départemental Handisport de la Marne a, lui aussi, été en sommeil pendant 10 ans. Il refait surface, depuis trois années seulement,. "Nous n'avons donc pas les moyens d'aider à la hauteur que nous souhaiterions. Mais notre objectif est de développer le sport auprès des personnes porteuses de handicap, créé du lien social. J'espère que cette section tiendra et se développera".

Appartenir à un groupe

Tous y croient. Cette pratique apporte tellement à ceux qui s'engagent dans l'aventure. Yannick Cornic est amputé d'un pied depuis quelques mois. Il a commencé le basket fauteuil en septembre dernier. "Il fallait que je fasse du sport pour ne pas m'engluer dans mon fauteuil, explique-t-il. J'ai rencontré Hassan et tout est parti de là. Je ne suis pas au top, mais je fais en sorte de faire des progrès". 

Lorsque les médecins lui annoncent l'amputation, Yannick le vit comme la fin. "Je voulais me suicider et c'est ma mère de 80 ans qui est venue pendant trois mois. Elle m'a dit de me battre. Je ne la remercierai jamais assez. Et puis, j'ai passé 6 mois à l'hôpital Sébastopol de Reims avec d'autres personnes handicapées et là... on relativise vraiment les choses".

Sorti d'affaires mentalement, Yannick, 58 ans, se bat aujourd'hui pour occuper ses journées et faire de son corps meurtri un corps qui s'exprime. Le basket est un de ses moyens d'expression. "Chez moi, je fais de la musculation avec des altères, des élastiques, pour muscler mes bras et mes jambes. Je suis motivé et ce sport m'a permis d'appartenir à un groupe et de servir un club". Une fois par semaine, au gymnase du collège Paul Fort de Reims, il retrouve ses camarades de jeu. "Dans notre équipe, il y a différents niveaux et l'objectif est de trouver sa place". Yannick débute comme la plupart des joueurs et joueuses de L'Espérance rémoise. "Alors quand je suis sur le terrain, je tente".

Le basket fauteuil a exactement les mêmes règles de jeu que le basket valide à ceci près que la reprise de dribble est permise. Les paniers sont à la même hauteur, il faut donc déployer une force toute particulière pour les atteindre. "C'est un sport très compliqué", explique Redouan El Goud joueur du RCB évoluant en prénational. Redouan pratique depuis 18 ans le basket chez les valides et s'est assis pour la première fois dans un fauteuil. "Cela demande beaucoup d'énergie et il est difficile, en étant assis, de se resituer sur le terrain et de gérer les trajectoires du ballon. Et la hauteur du panier..."  le laisse dubitatif.

L'Espérance rémoise, section fauteuil basket, a réussi son premier match. Celui de convaincre que le département de la Marne ne pouvait pas se passer d'un tel sport.

Il faut désormais confirmer, à domicile et marquer des points à l'extérieur, pour pouvoir convaincre les partenaires et faire des émules. Voir naître un vrai championnat de basket fauteuil dans le département de la Marne : un autre bel objectif à tenter de réaliser.

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