Les agriculteurs, éleveurs, producteurs de lait et producteurs de viande sont frappés de plein fouet par la crise du coronavirus. Ils se battent pour obtenir la réouverture des marchés, appellent les consommateurs à acheter local et veulent convaincre l'Europe de déclencher un plan d'urgence.
Pour résister aux conséquences de la crise sanitaire, les agriculteurs se mobilisent. Grande campagne de recrutement de main-d'oeuvre, lobbying auprès des maires pour obtenir la réouverture des marchés, et appel au civisme des consommateurs sur l'air du il faut consommer local.
Objectif prioritaire : la réouverture des marchés
Ils sont 50.000 agriculteurs dans le Grand-Est. Beaucoup de grands céréaliers mais pas seulement. Certaines filières sont très fragilisées par la crise alors que le nombre de points de distribution de leurs produits se réduisent comme peau de chagrin. Maximin Charpentier, président de la Chambre d'Agriculture du Grand-Est, demande donc le maintien des marchés. "Partout où c'est possible, où l'on va pouvoir respecter les règles sanitaires, on demande aux maires de laisser les marchés ouverts".Le président de la FNSEA Grand Est, Hervé Lapie est sur la même ligne. Éleveur de porc et céréaliers, pour lui, il y a urgence. "Les problèmes, on les découvre au jour le jour. Seules les grandes surfaces sont ouvertes, ce qui fait que tout se concentre dans la grande distribution. Comment vendre nos produits? On peut s'entendre avec la grande distribution mais ça ne suffit pas. Il faut rouvrir les marchés."
Car depuis lundi 23 mars et l'annonce par le Premier Ministre de la fermeture des marchés, seules les grandes surfaces sont ouvertes aux consommateurs. Les agriculteurs refusent de laisser tous ces clients à la grande distribution. Cela mettrait en péril de nombreux métiers, horticulteur, maraîcher, éleveur etc.
Franck Leroy, le maire d'Epernay, vice-président du Conseil Régional du Grand-Est, a été le premier à demander une dérogation à la sous-préfecture afin de maintenir les quatre marchés d'Epernay ouverts. "En fait, les marchés sur Epernay n'ont jamais fermé. Mardi, au lendemain de l'annonce du Premier Ministre, nous avons fait une demande de dérogation à la sous-préfecture en argumentant. Pour le marché du centre-ville, il est le seul point de ravitaillement dans ce secteur. Il est indispensable pour les personnes très âgées qui sont nombreuses dans le centre d'Epernay. Autre exemple dans le quartier Bernon, la boucherie a fermé il y a une dizaine de jours, et le marché est le seul endroit où l'on peut acheter de la viande."
Faire respecter les gestes barrières
Des marchés ouverts, c'est une bonne nouvelle pour les agriculteurs, mais qu'en est-il de la sécurité des acheteurs, des fameux gestes-barrière? Franck Leroy a pris des dispositions très strictes, qu'il pourra faire respecter en faisant appel à la police municipale. Espace entre les étals, nombre limité de personnes, un seul sens de circulation, interdiction de toucher les fruits. "Et ça se passe très bien, sur tous les marchés. Je ne pensais pas que les gens seraient aussi disciplinés."Reste désormais à convaincre tous les maires du Grand-Est. "Nous sommes en lien avec les présidents des associations départementales de maires, pour que les marchés restent ouverts. Les 10 représentants de fédérations FNSEA du Grand-Est font pareil. Ils négocient avec le représentant des maires pour obtenir le maintien des marchés", explique Hervé Lapie.
Au cas par cas
Franck Leroy, président de l'association des maires de la Marne, est favorable à ce que tous les marchés qui le peuvent ouvrent. Pour rassurer les maires, un guide des bonnes mesures pour tenir le marché a été publié.Chaque cas est unique et chaque maire fait comme il peut. Je le comprends.
- Franck Leroy, président de l'association des maires de la Marne
Une étude au cas par cas, c'est aussi la position de François Baroin, maire de Troyes et président de l'Association des Maires de France. "A Troyes, nous avons fermé deux marchés et deux sont maintenus ouverts avec des aménagements pour la sécurité sanitaire. Nous adapterons notre décision selon l'évolution de la crise. Nous avons consulté les maires et, en milieu rural, beaucoup veulent rester ouverts, parce que c'est le seul point d'approvisionnement".
Réussir à rouvrir les marchés pourrait permettre de limiter la casse pour les agriculteurs, mais ce n'est pas le seul front sur lequel les organisations professionnelles se battent.
Garder ouverts les abattoirs
Pour sauver le marché de la viande, il faut que les abattoirs continuent à tourner. "Nous restons en contact pour maintenir l'activité, malgré une réduction d'effectifs de 10 à 25% dans certains abattoirs", précise Hervé Lapie. Les risques de pénurie de main-d'oeuvre ne sont pas exclus, et inquiètent la filière. Notamment les éleveurs d'agneaux, à l'approche de Pâques. "On va subir la concurrence des agneaux de Nouvelle-Zélande, prévient-il, qui arrivent congelés. On demande à la grande distribution de jouer le jeu, de vendre de la production locale.".
Recruter de la main-d'oeuvre
Le mois de mars, c'est la saison des asperges et des fraises. Les professionnels veulent éviter que leur production ne pourrissent sur place et ne finissent à la benne, comme c'est déjà le cas pour les horticulteurs. Campagne de recrutement, site internet, de gros moyens ont été utilisés. "200.000 salariés sont recrutés sur toute la France dans les 2 mois qui viennent pour faire la saison, explique Maximin Charpentier, le président de la Chambre d'Agriculture du Grand-Est. Habituellement, notre main-d'oeuvre vient de l'étranger. Les frontières étant fermées, nous faisons cette fois appel à des salariés qui se trouvent sur le sol français. Plus de 40.000 personnes nous ont déjà contacté mais c'est une grosse organisation à mettre en place car elles ne résident pas toujours près des lieux de travail. Il faut organiser le transport."Sur place, les agriculteurs devront la encore respecter tous les gestes barrières. Espacement entre les saisonniers, points d'eau, masques éventuellement quand ils seront disponibles.