Engagés depuis le début de l'année scolaire dans un échange avec l'Ehpad de Montchenot à Villers-Allerand (Marne), des élèves de seconde entretiennent les liens avec leurs aînés durant le confinement
Favoriser les liens inter-générationnels, c'est l'un des objectifs de l'action mise en place durant cette année scolaire au lycée Gustave Eiffel à Reims auprès d'une maison de retraite. Ces derniers mois, le 24 élèves en baccalauréat professionnel boulangerie-pâtisserie ont ainsi côtoyé les pensionnaires de l'Ehpad de Montchenot à Villers-Allerand (Marne) à plusieurs reprises, notamment lors d'ateliers autour du thème de la galette des rois. Un spectacle théâtral et musical monté par les lycéens a également été joué au sein de la maison de retraite tandis que certains résidents devaient participer à des ateliers au lycée.
Un petit journal hebdomadaire
Des échanges qui auraient pu s'interrompre avec l'arrivée de la crise sanitaire. Mais il n'en a rien été. "On commençait à s'inquiéter pour eux quand le coronavirus est arrivé en France, explique Anne-Laure Hartmann, professeure de lettres et d'histoire qui accompagne les élèves dans ce projet. La dernière journée de classe, avant la mise en place du confinement, on a commencé à se dire que ce serait bien de mettre en place une correspondance avec les résidents. Au début, ça a pris la forme de petits messages, avec des photos de pâtisseries et puis ça s'est structuré au fil des semaines. Et aujourd'hui, c'est devenu un petit journal qu'on envoie chaque lundi matin."Des diaporamas que les lycéens, confinés dans leurs famille, s'efforcent de réaliser semaine après semaine. Ils maintiennent ainsi le lien, se montrant sensibles à la situation de leurs aînés. "Je trouve ça super sympa, c'est comme si c'était notre deuxième famille, confie Kassie, 15 ans. Chaque semaine, les profs nous donnent du travail à faire, on fait des journaux et on leur envoie. Je pense que ça les aide car ils ne voient personne, et nous on est là. C'est allé plus loin qu'on espérait, on est proches avec eux."
Poèmes à l'attention des résidents, textes et photos rappelant leurs rencontres passées, mots de soutien pour le personnel et les aides-soignants de l'Ehpad, récits de leurs journées de confinement, les jeunes s'investissent sans relâche dans ce carnet de bord hebdomadaire. Bien entendu, leur formation est mise en avant avec l'envoi de recettes de pâtisserie !
Les élèves continuent à pratiquer la pâtisserie chez eux et ils doivent partager leur univers avec les résidents de l'Ephad, témoigne Thomas Depommier, leur professeur de boulangerie-pâtisserie. Ils créent des recettes et les publient. Pour Pâques, ils vont faire des entremets décorés sur ce thème, avec des œufs, des poules... On veut rappeler aux résidents que ce moment est là, qu'il ne faut pas l'oublier."
Comme tous les établissements accueillant des personnes âgées, l'Ehpad de Montchenot doit faire face à une situation extrêmement délicate, tous les résidents étant confinés dans leur chambre par mesure de précaution. Alors cette correspondance est forcément la bienvenue. Pour Sandrine Davril, animatrice de l'Ehpad et porteuse du projet, "les résidents apprécient fortement tous les messages qui leur sont adressés, l'émotion est palpable. Même si on ne peut pas prendre le temps de tout leur montrer, c'est un lien avec l'extérieur. Ils n'ont plus de visite depuis des semaines alors c'est forcément un plus."
Que tous ces jeunes prennent du temps pour eux, ça les épate.
- Sandrine Davril, animatrice de l'Ehpad de Montchenot
Une belle énergie collective
Et l'échange perdure aussi dans l'autre sens. "On a renvoyé un poème avec les notes, les phrases des résidents, un poème qui parle du virus. Ils se sentent moins seuls et soutenus par ces jeunes, c'est très motivant, pour les résidents mais aussi pour nous l'équipe d'animation."Une belle énergie collective qui apporte aussi beaucoup aux jeunes dans leur construction personnelle. Olympe, confinée avec sa famille à Rethel (Ardennes), précise. "Déjà, ça nous occupe et on se sent utile. On peut être fier de nous, cette alliance intergénérationnelle a continué malgré la pandémie qu'on connaît actuellement. Ca motive tout le monde. Ce projet est intéressant car on peut ajouter des touches personnelles, on peut s'entraider avec les autres élèves, se donner des conseils et ça crée une belle cohésion dans le groupe."
Anne-Laure Hartmann, la professeur de français, ne peut que se féliciter de cette implication qui va selon elle faire "grandir" ses élèves. "C'est une sensibilisation par rapport à tous les exclus, c'est magnifique d'arriver à s'ouvrir et voir autre chose. Et eux-mêmes, ça les tient. On ne peut plus les arrêter, ils sont très motivés par ce projet solidaire. Ils se sentent utiles, ils ont trouvé une place, un rôle à tenir et ils apportent leur contribution."
Ils sont loin les uns des autres, mais ce projet crée une cohésion entre eux. Et ils ne se rendent pas compte, mais, en même temps ils progressent en français et à l'oral. Pour la lettre enregistrée, certains élèves très discrets se sont dépassés et ils ont participé comme les autres à ce projet de groupe.
- Anne-Laure Hartmann, professeur de français au lycée Gustave Eiffel
Désormais, lycéens et résidents n'aspirent qu'à une chose : se revoir prochainement et partager à nouveau de bonnes pâtisseries.