Coronavirus : "si on ne reprend pas rapidement, 50% des restaurateurs vont déposer le bilan"

Joël Oudin, président de l'union des métiers de l'hôtellerie restauration dans la Marne, est sous le choc des annonces d'Emmanuel Macron le 13 avril au soir. "On ne peut pas reprendre l'activité en juillet ou août, ce sera trop tard", lance-t-il comme un SOS de la profession. 

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"Ce mardi 14 avril au matin, les professionnels pleuraient au téléphone". Joël Oudin connaît bien les patrons de restaurants, de cafés ou d'hôtels. Président de l'UMIH, l'union des métiers de l'hôtellerie restauration dans la Marne, il est à leur écoute en permanence. Encore plus depuis la fermeture des établissements le 15 mars liée à la crise du covid19. Lundi 13 avril, peu après 20 heures, lorsque comme 33,79 millions de téléspectateurs, il a entendu le chef de l'Etat dire que les restaurants n'ouvriraient pas le 11 mai, mais plus tard cet été, il a bondi. Car il connaît trop bien leur détresse. "Certains appellent et cherchent des solutions face à la crise, car ils n'ont plus un rond ! L'un d'entre eux m'a dit : mon affaire est fermée, je n’ai plus d'argent pour donner à manger à mes enfants."

La tension ne retombe pas chez Joël. Les nuits sont courtes en ce moment. Il en entend de toutes les couleurs. "Sur la situation des professionnels du secteur de la restauration actuellement, je n'ai jamais vu ça. En plus, raconte-t-il, écoeuré, des banques se servent de l'argent versé aux professionnels par l'Etat pour combler les découverts. On fait croire qu'on donne des primes, des aides, et en fait les banques les bloquent. On nous dit : faut changer de banque, mais on ne change pas de banque en deux secondes, ni même en deux jours."
 

 

Etat d'urgence

Car l'urgence, dit-il, "c'est aujourd'hui. On avait dit qu'il y aurait 30% de dépôts de bilan dans la profession, mais ça sera plutôt 50 % de dépôts de bilan", prédit le connaisseur de 69 ans. Avec sa phrase fétiche : "quand les gros seront maigres, les maigres seront morts". Ce qui signifie qu'il faut s’occuper de tout le monde maintenant, pour éviter la catastrophe. "Les professionnels n'ont plus d’argent, et pour les banques, de toute façon, nos métiers sont "à risque", on ne nous prête plus. La relance doit se faire en même temps, hôtels et restaurants."

On ne peut pas attendre. On veut une réunion sur la situation des cafés hôtels restaurants. Les cas les plus dramatiques, ce sont eux, les traiteurs, les bars, les métiers de bouche. 
- Joël Oudin, président de l'UMIH Marne


Les restaurateurs ont eu droit à des reports de charges, mais aujourd'hui, ils demandent des annulations, concernant les droits de terrasses, les droits d’enseigne, la taxe ordure. Avec un appel à l'aide aux assurances. "On voudrait qu'elles puissent rembourser la bouffe qui a été foutue en l’air dès l'annonce des fermetures. Par établissement, cela représente en moyenne 15.000 euros de marchandise. Car le samedi, ils font le plein des frigos pour trois jours étant donné qu'ils ne sont livrés que le mardi suivant". Un remboursement serait vu comme une bouée de sauvetage. 

 

Certains restaurants, ou cafés, affirme Joël Oudin, ne rouvriront jamais. Les restaurateurs ne peuvent pas s'inscrire à pôle emploi, explique-t-il, ils vont être à la rue. "Les pertes sont incalculables, c'est un appel au secours. Moi, aujourd'hui, je ne suis plus à mon compte, mais je ne dors pas en pensant à ceux qui ont leur propre établissement. Parfois, me dit la secrétaire de l'UMIH, je tremble en décrochant le téléphone". 
 

"On n'a plus de trésorerie"

L’avenir, la profession n'en sait rien. S'inscrire au chômage, ce n'est pas si simple pour des patrons de restaurants. L'annonce du président, lundi 13 avril au soir, leur est tombée dessus avec fracas. "Ouvrir en août, c'est impossible, c'est trop tard, ou alors il faut nous donner de l’argent. On va avoir des nouvelles ce mardi soir, mais il va falloir faire des opérations spéciales pour l'hôtellerie-restauration". Car ces métiers sont très particuliers. La recette du jour sert souvent pour payer la facture d’hier. Un travail et une gestion financière à flux tendu. 

Joël Oudin est dans le métier depuis l'âge de 15 ans. Jamais il n'a connu une telle crise. "On a connu des difficultés, la guerre du Golfe, on avait morflé, perdu de l’argent, et après, on tournait comme des avions, les intempéries, les gilets jaunes, mais là, on n'a plus de trésorerie. Tout le monde ne le sait pas mais on a beaucoup de taxes. Je pense aux hôtels, qui payent pour chaque téléviseur par exemple, sans clients dans les chambres". Sans parler des restaurateurs qui ont fermé avant d’ouvrir. Certains étaient prêts, "et puis on a bloqué les stages d'avant ouverture, les formations sont annulées."
 
Même anxiété, même angoisse pour Eric Dujourd'hui. Propriétaire d'une trentaine d’établissements, restaurants, hôtels ou fast food-dans la Marne. "C’est anxiogène, dramatique, comme un jour sans fin. On ne sait pas à quelle sauce on va être mangé. On ne voit pas de lumière au bout du tunnel, chaque jour, il y a un truc qui ne nous rassure pas, aucun signal pour nous apaiser." Ce professionnel emploie environ 500 personnes dans le secteur hôtellerie restauration. Ce mardi après-midi, il est en plein cauchemar. 
 

La liste des doléances est longue. Pour lui rien n’est proposé, des reports de charges…Mais pas d'annulation. "Rien n’est fait pour sauver la profession. On va à la catastrophe. On veut des annulations, car qui va payer tout ça ? On a toujours des gros loyers dans les centres commerciaux, comment je fais pour payer nos loyers ? Les charges fixes, qui représentent 15 % d’un resto, même fermé. Le personnel, ce n’est pas tout. Les prêts vont reprendre. Les intérêts, à la fin qui va payer? Les assurances sont aux abonnés absents. Il faut que l’Etat prenne ses responsabilités. Il est urgent de rassurer une profession qui est en souffrance psychologique, les salariés sont inquiets de l’avenir."

Selon ce chef d'entreprise, le doute s'est installé. Tout va dépendre des mesures qui vont être prises. Personne n'en sortira indemne. Parti de rien en 2001, il explique avoir aujourd'hui de la dette, après avoir réinvesti ses bénéfices dans son entreprise. Conséquences, aujourd'hui, il n'a pas de revenu. Il se dit avec ses collègues "livré à lui-même. On nous dit réouverture peut-être en juillet, sous certaines conditions…

  

Parfois, je me dis que c'est un cauchemar, que je vais me réveiller. 
-Eric Dujourd'hui, restaurateur


Le drive, dans ces conditions, peut-il être une lueur d'espoir ? "Cela peut être intéressant pour les Burger king où les process sont en place, mais il faut surtout protéger les salariés. Avoir des masques, répondre aux normes... Or je ne peux pas les protéger, il faut des accords de la médecine du travail… c’est prématuré". Et si rouvrir des restaurants pour de la vente à emporter peut être une solution pour des petites affaires, pour des grandes cuisines, ce n'est pas adapté. 

Moral en berne, anxiété de ne pas connaître la suite, "On n'a pas de date de clôture de cette affaire. On ne sait pas où on va. On est inquiet. Tout ça peut mal finir". 
 
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