"On compte [ce nombre de cas] sur les doigts d'une main", a ajouté lundi Béatrice Digeon, qui exerce depuis 1977 comme pédiatre et a créé en 1990 la cellule d'accueil des enfants maltraités à l'hôpital américain de Reims.
Ses mots glacent le sang. Interrogée à la barre de la cour d'assises de Reims, lundi 1er février, Béatrice Digeon est écoutée avec attention. C'est elle qui a pris en charge le petit Tony, à l'hôpital américain de Reims. D'emblée, on imagine difficilement le calvaire qu'a subi l'enfant de trois ans. "Je vous ai dit d'emblée que je ne pouvais pas décrire chaque lésion, tant elles étaient nombreuses", résume la médecin. "Quand vous regardez le dos, vous êtes au moins à 4 ou 5 coups, idem pour les membres inférieurs... il y en a partout." Interrogée à plusieurs reprises par les différents avocats sur l'état de souffrance de Tony, elle répond : "Il devait être dans un grand état de souffrance. La sidération l’a peut-être empêché de parler. Ou la peur. Mais qu’un adulte auprès de lui n’ait pas vu son état de souffrance me paraît difficile." Et de conclure : "Il est rare qu'on voit un tel déchaînement de violence sur le corps d'un enfant. A ce point-là, je les compte sur les doigts d'une main." Des mots qui en disent long quand on sait que c'est Béatrice Digeon qui a créé, en 1990, la cellule d'accueil des enfants maltraités à l'hôpital américain de Reims. Suivez notre direct.
"Je cache les trucs de la dispute ?", la question qui interroge. Lorsqu'elle a appelé les secours le 26 novembre 2016, Caroline Létoile était sur écoute. La jeune femme est poursuivie pour "non-dénonciation de mauvais traitements" aux assises de Reims, ce lundi 1er février. Les enquêteurs ont relevé un passage pour le moins troublant. Pendant la musique d'attente, cette dernière parle à quelqu'un, vraisemblablement son compagnon Loïc Vantal, poursuivi pour "violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner" et pour "violences habituelles sur mineur de 15 ans". "J'ai dit qu'il était tombé dans les escaliers (...) et qu'il faisait que tomber de son lit (...) qu'il s'était fait un cran à la tête", dit-elle. Mais surtout, elle lui demande "Je cache tous les trucs de la dispute ?".
Quatre jours de procès, pour lever le voile sur les violences subies par Tony, trois ans, mort le 26 novembre 2016 à Reims. Le procès débute ce lundi 1er février à la cour d'assises de la Marne. Les deux accusés sont Loïc Vantal, le beau-père de Tony, et Caroline Létoile, la mère, âgée de 19 ans en 2016.
"C'est une intervention qui marque", constate le sapeur-pompier qui est intervenu pour sauver Tony, le 26 novembre 2016. Quatre ans après les faits, le pompier qui est intervenu place des Argonautes pour venir en aide au garçonnet se souvient très bien de cette invertion. A son arrivée, Caroline Létoile et son compagnon prétendent que les blessures de Tony sont dues à une chute dans l'escalier. Mais à la vue des nombreux ecchymoses sur le corps du garçon, il doute de cette explication. Autre détail qui a attiré l'attention du pompier : lors de leur intervention, Loïc Vantal a attrapé Tony par les jambes et l'a retourné pour lui enfiler un bas de pyjama. "Cela nous a semblé sorti du contexte. Cela nous a choqués", raconte-t-il.
"C'était tout à fait dramatique, vu l'état de l'enfant et des violences commises sur l'enfant." Interrogée lundi par le procureur de la république de Reims, Matthieu Bourrette, l'enquêtrice concède : "En 20 ans de carrière, c’est la première fois que je gère une procédure aussi douloureuse et dramatique sur un enfant de cet âge." Et la fonctionnaire d'ajouter : "Aucune visite chez le docteur… et le résultat : la mort d'un enfant de trois ans et demi. Les blessures étaient tellement fortes..."
L'audience de lundi matin tournée vers Caroline Létoile, la mère de Tony. La présidente du tribunal oriente la majorité de ses questions sur le comportement de la mère de Tony durant les jours qui ont précédé sa mort. Quand la présidente demande si la jeune femme a déjà été victime de violences de la part de son compagnon Loïc Vantal, l'enquêtrice répond que "non, elle prétendait avoir peur de M. Vantal. Mais elle n'a pas reçu de coups. Elle m'a dit : « Quand je vois ce qu’il a fait sur mon fils, je me demande ce qu’il peut faire à moi... »" Selon l'enquêtrice, Caroline Létoile "savait que l’état de l’enfant était grave. Mais elle ne le conduisait pas pour autant à l’hôpital." Le vendredi, elle a dit à son compagnon : "Arrête, tu vois bien l'état dans lequel il est, tu vas finir par le tuer".
"C'est le procès de la lâcheté", estime Rodolphe Costantino, l'avocat de l'association Enfance et partage. Interrogé avant le début de l'audience lundi, l'avocat affirme que "ce procès, c'est le procès de la lâcheté. La lâcheté de l'homme qui a massacré cet enfant, sa mère qui a permis que ces faits puissent se produire. La lâcheté de l'entourage par le silence et celui de l'institution judiciaire qui n'appelle pas les choses par leur nom, puisque je pense que nous sommes en présence d'actes de barbarie. Pour ce qui concerne la maman, ce sont des faits qui vraisemblablement des faits qui, dans d'autres affaires, auraient été qualifié de complicité, alors qu'elle n'est poursuivie que pour non-assistance."