ENTRETIEN. Trop de mégaconstellations de satellites, les astronomes doivent s'adapter pour voir et photographier les étoiles

Dans la Marne, l'association Planética s'inquiète de la part croissante de mégaconstellations de satellites en basse altitude autour de la planète Terre. Leur présence fausse parfois les photographies de l'espace et peut perturber certaines observations scientifiques.

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L'Internet à très, très haut débit, partout sur la planète et à tout moment de la journée : ça peut faire rêver certaines personnes. Mais il faut se rappeler que cette prouesse est due à la présence de véritables mégaconstellations (c'est ainsi qu'on les appelle) de satellites.

Présents à basse altitude, ils vous permettent peut-être de visionner à tout moment de la journée, et sans latence aucune, cette vidéo de chats mignons et/ou hilarants. Mais ils sont aussi une sacrée épine dans le pied - ou plutôt le télescope des astronomes.

C'est ce que révèle un article de Reporterre daté du jeudi 23 novembre 2023. Il explique qu'une réunion organisée - entre autres - par le Centre national des études spatiales (Cnes) a permis de traiter de la "pollution" (c'est le terme employé) par tous ces satellites. On ne parle pas de rejets de gaz à effet de serre ou de rejet de déchets - quoique la part croissante de débris spatiaux soit une vraie problématique - mais de pollution visuelle.

Ainsi, passer de quelque 8 000 satellites (toutes orbites confondues) il y a seulement cinq ans, à plusieurs dizaines de milliers au cours des années 2020, va avoir un impact non négligeable. Ils interfèrent avec les instruments de mesure des astronomes, et gâchent une partie de leurs clichés spatiaux.

Observables à l'œil nu

France 3 Champagne-Ardenne a voulu savoir ce qu'il en était d'un point de vue local. Du côté de Beine-Nauroy, à côté de Reims (Marne), on trouve un observatoire astronomique (qui nous avait accueillis lors de la Nuit des étoiles, lire notre article). Il est géré par l'association Planética, conjointement avec le planétarium rémois. Fabien Bénistant, le président de l'association, a répondu à nos questions.

Comment se passent vos observations ?

"On voit passer les satellites lors de nos observations visuelles. Selon le satellite, ça peut briller autant qu'une étoile. Cela dépend du satellite et de l'objet qu'on est en train d'observer. C'est généralement le cas quand il est encore sur son orbite la plus basse, quand il est le plus proche de la Terre. Plus il va s'éloigner, moins il brillera. Plus il y aura de satellites, et plus il y aura un impact. Pour nous, c'est une pollution du ciel, sachant qu'il y a déjà la pollution lumineuse au-dessus des villes." 

Pour nous, c'est une pollution du ciel, sachant qu'il y a déjà la pollution lumineuse au-dessus des villes.

Fabien Bénistant, président de l'association Planética

"Que ce soit au télescope ou à l'œil nu, on les voit... Quand on a une chenille de satellites qui passe, ça attire l'œil, on les montre aux gens et on leur explique ce que c'est. C'est parfois amusant. Mais en ce qui concerne les observations scientifiques, c'est plus problématique."

C’est-à-dire ?

"Je vais prendre l'exemple récent d'une occultation d'étoile. Un astéroïde qui passe devant une étoile. Et cette étoile va comme s'éteindre, c'est une éclipse. Si au même moment du passage de cet astéroïde, un satellite passe à proximité, on peut avoir des données faussées. Comme on les envoie à l'Esa ou à la Nasa, c'est vraiment dommage. Le problème se pose aussi pour l'étude des exoplanètes : si on a des lumières parasites, les données faussées vont donner de mauvaises statistiques."

Une partie des photographies est inexploitable

Et qu'en est-il de vos clichés ?

"[Le problème se pose] surtout quand on fait de la photographie. On fait de la pose longue, d'une durée de trois minutes généralement. Les satellites font des traînées sur nos photos."

De quelles parades disposez-vous ?

"On ne fait pas qu'une seule photo. On en fait toute une nuit. On va photographier le même objet pendant six heures. On se retrouve avec 140 photos. Quand [on a fini], pour les traiter, on va effectuer un tri. On va regarder les photos une par une. Et celles qui auront une grosse traînée, on va les évacuer."

"Cela diminue notre ratio. Si, sur une nuit de six heures, on doit retirer 20% de photos pas bonnes dues à des traînées de satellites, on va être obligé de refaire une nuit dessus pour pouvoir rephotographier. C'est assez contraignant. Plus on aura de satellites, plus on aura des photos ratées, et plus devra refaire des nuits."

Quel serait le seuil critique ?

"Ce serait dramatique si le ciel tout entier était couvert de satellites. Mais il y aura toujours des moments où rien ne passe, où nos photos sont propres. Même si le ratio de photos ratées augmenterait..."

Pas contre tous les satellites pour autant

Que pensez-vous de ces satellites ?

"Il y a des satellites nationaux et internationaux de communications qui sont déjà là depuis un moment. On fait avec : on est obligé de les avoir, ils nous permettent de pouvoir vivre avec de la technologie. Ils sont plus en hauteur, il y en a une quantité moindre... ils sont moins embêtants. On arrive bien à prévoir leur passage, on est moins impacté. Pas de souci."

"Mais si on doit partir sur près de 45 000 satellites qui gravitent H24 autour de la Terre, comme ceux-là, ça impactera forcément. Je me souviens qu'il y a quelques années, lorsque Elon Musk a lancé ses grappes de satellites pour son projet Starlink et son Internet à échelle mondiale, on avait tenté de se mobiliser."

Que pouvez-vous faire ?

"On essaye de sensibiliser à notre échelle. On a fait venir l'entreprise Latitude, qui travaille à Reims et fabrique des lanceurs de fusées pour nano satellites. Ce sont des très petits satellites. Ils vont aller à basse altitude. Et l'avantage, c'est qu'on ne les voit pas : ils sont si petits que la réflexion du Soleil est minime. On préfère sensibiliser par rapport à ça : évidemment qu'il y a des satellites dans le ciel et qu'on en a besoin : on doit évoluer avec notre temps. Mais trouvons une parade pour ne pas perturber les observations scientifiques et artistiques qu'on peut avoir du ciel."

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