Grogne des taxis : "si je ne fais plus de transport médicalisé, je n'ai plus de travail"

Une nouvelle convention entre les taxis et la sécurité sociale doit être signée avant la fin du mois, et prévoit une hausse du taux d'abattement sur le transport médicalisé. Dans la Marne, comme partout en France, les taxis menaient ce lundi 29 janvier des opérations escargot et des blocages en guise de protestation.

C'est une mobilisation qui vient en quelque sorte se "greffer" au mouvement national des agriculteurs. L'image vaut d'ailleurs le détour : une cinquantaine de taxis faisant le blocus de la rue du Ruisselet, à Reims. L'endroit n'a pas été choisi au hasard : il abrite le siège de la CPAM de la Marne, la Caisse primaire d'assurance maladie. 

"On vient défendre notre profession" nous glisse Joseph*, qui accepte volontiers de témoigner, à condition d'être couvert par l'anonymat. "Je ne peux pas non plus vous dévoiler le village dans lequel je suis basé, car je suis le seul taxi à y travailler pour du transport médicalisé" indique-t-il. 

Nous saurons de Joseph seulement son âge - 40 ans -, et une aisance particulière pour exprimer son ras-le-bol. 

Taux d'abattement réhaussé à 30% maximum 

Sous un soleil réconfortant, Joseph et ses collègues attendent patiemment la sortie de leur représentant - Walter Berrekla - alors en pleine réunion avec des responsables de la sécurité sociale de la Marne. 

Tous les cinq ans, une convention est signée entre les chauffeurs de taxis qui pratiquent le transport des malades vers leur domicile ou leurs lieux de soins. La convention actuelle, qui se termine au 31 janvier, permet aux compagnies de taxis de proposer une remise moyenne maximum qui ne peut aller au-delà de 16,5%. Avec la convention qui doit être signée avant le 1er février, cette remise moyenne est retirée. 

Pour Joseph, dont l'activité principale est le transport médicalisé, c'est un vrai problème. "J'ai un chiffre d'affaires annuel de 80 000 euros hors taxes, dont 79500 juste pour le transport des malades".  Concernant l'abattement, il explique ce système assez complexe. "On prend le tarif de base qui est fixé par le ministère de l'économie et des finances. C'est un tarif qui est ensuite validé dans chaque département par les préfectures. La sécurité sociale reprend ce tarif là, et négocie ensuite des taux d'abattement. A l'heure actuelle, on est à 16,5% maximum". 

Sauf qu'avec le nouveau taux voulu par le gouvernement, quasiment multiplié par deux, "C'est monstrueux. on nous demande de travailler autant, mais d'être payé moins" déplore Joseph, qui dénonce aussi l'absence d'équilibre dans les négociations. "J'ai l'impression qu'on nous impose ces nouveaux taux d'abattement, sans discussion. Soit vous êtes d'accord, soit vous ne l'êtes pas, et dans ce cas là vous dégagez, et vous êtes déconventionné". 

Les VTC pourront-ils faire du transport médicalisé ? 

Joseph évoque aussi des politiques de santé qui se dégradent. Si on prend l'exemple de la cité des Sacres, "tout le monde vient à Reims à l'heure actuelle, car il n'y a plus de structure médicalisée hors de cette zone là. J'ai des collègues taxis qui viennent de Charleville, Troyes, Laon, Sedan, Saint-Dizier, Vitry le François pour amener leurs clients se faire soigner. Le but de l'Etat, c'est qu'on transporte des gens, mais aussi qu'on travaille plus pour être payés moins.

Cela va dégrader, selon lui, la qualité de traitement de la clientèle. "Quand vous emmenez une petite grand-mère cardiaque, il faut l'accompagner, l'aider à faire ses papiers. On a aucune obligation de le faire, mais on est éduqués et c'est notre métier". Sans compter que le transport médicalisé augmente : depuis la dernière convention signée il y a cinq ans, le nombre de trajets en taxi pour des malades a augmenté de 7,5%. 

Mais il y a un point qui cristallise par dessus tout les tensions, et pourrait conduire à un vrai durcissement du mouvement des taxis : la possible création d'une plateforme pour que les VTC pratiquent le transport médicalisé. "Ils seront forcément moins chers que nous" condamne Joseph, qui promet des actions bien plus fortes si une telle plateforme devait voir le jour.

J'ai l'impression qu'on nous impose ces nouveaux taux d'abattement, sans discussion. Soit vous êtes d'accord, soit vous ne l'êtes pas, et dans ce cas là vous dégagez.

Joseph, chauffeur de taxi dans la Marne

Selon lui, cela causerait un désastre dans la relation entre les clients malades et leur chauffeur. "Avec cette plateforme, les clients ne pourraient plus choisi leur taxi. Sauf que nous, on développe un lien fort avec eux. On les connaît, ils nous connaissent. Et quand on ne peut pas assurer la course, on appelle des collègues qui les connaissent aussi. On peut prendre l'exemple des malades qui vont faire de la dialyse trois fois par semaine

Tant de revendications discutées ce matin, dans l'intimité d'un bureau, entre Walter Berrekla, le président du syndicat autonome des artisans taxis de la Marne, et le sous directeur de la CPAM.

Walter Berrekla, qui affirme que "nul n'est contraint" de signer la nouvelle convention. "Nous sommes ici pour manifester pacifiquement [...] toutes nos revendications ont été comprises et entendues, et seront remontées au niveau national". 

Ce lundi après-midi, les fédérations avaient rendez-vous avec le ministère de la Santé, et demain mardi 30 janvier, avec la Caisse nationale d'assurance maladie. 

*Joseph est un prénom fictif, il a souhaité garder l'anonymat

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