Alex a 19 ans, il est originaire de Kiev (Kyiv). Seul étudiant ukrainien sur le campus de Sciences Po à Reims, il veut faire comprendre au plus grand nombre les conséquences de ce conflit qui le touche de si près.
Une fois de plus, Alex Chaharnyi, étudiant de 19 ans originaire de Kiev (Alex préfère que l'on écrive Kyiv, le nom original de la ville en ukrainien, NDLR), n'a peu ou pas dormi cette nuit. Le stress, la nervosité, font désormais partie de son quotidien. Etudiant à Sciences Po, à Reims, le jeune homme, déjà mûr, s'est rendu en Ukraine en décembre 2021, pendant des vacances, pour revoir ses proches. Ce samedi 26 février, il suit en direct la bataille qui fait rage dans la ville de Kyiv où vit sa famille. Son frère, son père, ses grands parents ont entendu et vu les dégâts des attaques russes.
Vendredi 25 février, il a écrit un texte qu'il a posté sur son compte Instagram. Pour exprimer son ressenti. Dénoncer l'invasion russe. Texte très commenté et partagé, dans lequel il appelle à l'aide pour son pays. Nous l'avons contacté pour mieux comprendre ce qui traverse l'esprit de ce jeune homme, qui parle français, anglais et espagnol, en plus de sa langue natale. Il est le seul ukrainien du campus de Sciences Po Reims.
Le message doit être public
"Je suis nerveux, mais j’essaye de dire aussi que c’est important d’aider l’Ukraine, et que la Russie peut envahir davantage, nous a t-il confié. C’est important de comprendre ça. J’ai organisé une marche à Reims, avec d’autres étudiants. Des Polonais, des Hongrois, qui sont solidaires avec l’Ukraine, ils savent que la Russie peut être dangereuse pour ces pays aussi. Mais à Sciences Po, les gens sont informés, je pense que le message doit être public. On a reçu beaucoup de soutien. Les gens étaient surpris dans la rue".
Ce qui l'a aussi poussé à agir, c'est une rencontre à Paris, le week-end dernier, avec une vendeuse des galeries Lafayette. Elle m'a dit : 'vous êtes ukrainien ? l’Ukraine et la Russie, c’est pareil non ?' Les gens ne savent pas bien ce qui se passe, ils n’ont pas le temps de comprendre, de se documenter. Moi je veux les aider à comprendre. Il y a aussi de la propagande russe. Je veux faire en sorte que plus de gens sachent ce qu’il se passe sur place. La situation est horrible. Il faut comprendre que pour le bien-être de l'Europe, c’est important que l’Ukraine soit libre".
"J'ai peur, j'ai pleuré, je suis en colère"
Voici donc le texte qu'Alex a écrit et posté sur les réseaux.
"Hier, mon pays a été envahi par la Russie. Ils ont pris la Crimée, le Donbass et Lougansk en 2014, mais je suppose que ce n’était pas suffisant. J’ai peur, j’ai pleuré plusieurs fois aujourd’hui. Je m’inquiète pour ma famille et ce qui va leur arriver. On pourrait penser que le sentiment qui domine sur moi est une tristesse complète et totale. Mais ce n’est pas le cas, c’est de la colère. Je suis en colère que les Russes tuent mon peuple.
Je suis en colère parce que l’Occident n’a pas été assez dur avec la Russie quand ils nous ont envahis en 2014. Je suis en colère que l’avenir de ma génération leur soit volé. Mes amis en Ukraine n’iront pas aux cours de sitôt. Je suis en colère que mon arrière-grand-mère, qui a 93 ans, traverse sa deuxième guerre. Le premier a commencé par les nazis et le second par les Russes.
L'Union européenne s'est inquiétée de l’Ukraine à de nombreuses reprises, mais assurons-nous que cette fois-ci, ils ne seront pas seulement inquiets.
Alex, 19 ansétudiant ukrainien à Reims
"Une question de sécurité mondiale"
Les gouvernements du monde doivent agir. Si la Russie continue d’assassiner des Ukrainiens et de faire face à de légères conséquences, qu’est-ce que cela signifie pour l’avenir du monde ? La souveraineté nationale a-t-elle encore de l’importance ? Quelle est la prochaine étape, l’invasion de Taïwan par la Chine ? La Russie envahit les pays baltes, la Géorgie ? C’est une question de sécurité mondiale. Que se passe-t-il si des bombes russes frappent accidentellement l’une des 4 centrales nucléaires que nous avons en Ukraine. Un autre Tchernobyl ? Un autre nuage radioactif atteignant l’Europe ?
Voir cette publication sur Instagram
Poutine pense qu’il peut tout faire et ne pas être tenu responsable, prouvons-lui qu’il a tort. Détruire l’économie russe, mettre des sanctions sévères comme nous l’avons fait contre la Corée du Nord. Contactez vos législateurs et soutenez ceux qui soutiennent des mesures sévères en Russie. Renseignez-vous sur ce qui se passe et éduquez vos amis et votre famille. Protégez-vous et protégez vos proches de la propagande russe et des fausses nouvelles.
Et je sais que nous sommes tous des étudiants, mais certains envisagent de faire un don à l’armée ukrainienne. Le combat n’est pas encore terminé et nous en mettons un bon. Même un euro ferait une différence".
"C'est choquant"
Lors de notre échange, Alex se dit certain que l’Ukraine va résister. Il souhaite revenir en Ukraine après ses études, pour faire de la politique là-bas. "Les gens sont super gentils, ils ne méritent pas ça et ne méritent pas la corruption. Je veux me battre contre cela. C’est difficile, mais je suis heureux d’être en France aujourd'hui. Beaucoup de gens restent sur place à Kiev, car ils n’ont pas d’argent pour bouger. C’est difficile d’aller quelque part car le pétrole manque. Les attaques russes rendent difficile les mouvements. Les civils sont aussi touchés. Beaucoup de gens de ma famille veulent résister".
Il raconte que sur place les civils se sont préparés à la guerre. Et se sont entraînés. Les gens sont prêts à se sacrifier. "Oui, ça me paraît incroyable de voir ça aujourd'hui. Depuis 2014, nous savons que les Russes sont nos ennemis, mais personne ne pensait que cela aurait lieu, c’est fou."It's crazy !", lâche-til soudain en anglais. "C’est choquant. Je suis 100% pris par l’Ukraine, je passe tout mon temps sur le téléphone, les notifs, les nouvelles".
Il souhaite désormais organiser un spectacle, après la semaine de vacances scolaires qui commence pour lui, et récolter de l’argent pour les réfugiés, la croix rouge. Une autre forme de combat commence pour lui.