Ce samedi 9 novembre, à Chenay (Marne), des adolescents en soin ou rémission d’un cancer, ont chacun planté un arbre, créant ainsi la première "Forêts des étoiles" de France. Une initiative portée par l'association "Les étoiles" et soutenue par la municipalité.
“La maladie a voulu m’enterrer, aujourd’hui, c’est moi qui l’enterre”. Ces mots, ce sont ceux de Charles, qui s’est battu contre le cancer. Ce samedi 9 novembre, alors que le brouillard peinait à se lever, dix jeunes, entourés de leur famille, sont venus planter un arbre à Chenay (Marne). Un geste très symbolique, mis en œuvre par l’association Les étoiles qui accompagne les enfants malades ou en rémission. “L’objectif de l’association est de les sortir de leur condition d’enfant malade, de leur faire vivre des moments où ils pensent à autre chose, des moments où leur esprit est ailleurs que dans les couloirs de l’hôpital”, souligne Alexandre Blanc, membre bénévole de l’association.
"Ce geste marque le fait que j'ai battu cette saloperie"
Rapidement, le sourire de ces jeunes balaye la brume d’un revers, laissant place à un moment de joie. Chacun leur tour, accompagné de Sophie Gordien, fondatrice de l’association, ils plantent leur arbre. “On met un petit peu notre âme dans cet arbre, confie Ernest. Il représente mon parcours, ce que j’ai traversé, mais ce geste marque aussi le fait que j’ai réussi à battre cette saloperie. C’est une libération.” Le 25 mai 2025, Ernest pourra enfin dire qu’il est guéri, cinq ans après sa greffe. Pour lui, la Forêt des Étoiles est désormais un lieu sur lequel, avec les autres enfants de l’association, il pourra passer des bons moments, pensant même à organiser “un bon barbecue”.
Sous le regard des personnes présentes, Jean plante son chêne. Un acte très symbolique pour le jeune homme de 17 ans. Après avoir mélangé du terreau avec de la terre, il positionne son arbre, soigneusement choisi, le recouvre de terre et l’arrose. “Bravo Jean”, clame son papa, avant que tout le monde l’applaudisse. En remettant ses bouclettes blondes en place, il décrit à quel point ce geste est symbolique pour lui. “Ça représente l’enterrement de mon cancer. Si je ressens un peu de tristesse de me remémorer ce que j’ai vécu, c’est la joie qui prime aujourd’hui. Cet arbre, c’est l’avenir, le fait de laisser la maladie de côté et d’aller de l’avant”.
"Ce moment est une lueur d'espoir"
Dans les airs, les éclats de rire flottent. Mais si ce geste est très symbolique pour les enfants, il l’est tout autant pour les parents qui les accompagnent. Pour Janny, le papa de Jean, l’émotion est bien présente.
C’est très dur de vivre la maladie de son enfant, en tant que parent. C’est un cauchemar. On y pense tous les jours et cet arbre va nous rappeler les mauvais, mais aussi les bons souvenirs.
Janny, papa de Jean
Pour ce père de famille qui voit aujourd’hui son enfant guéri, la joie est au rendez-vous.
Des propos soutenus par ceux de la maman d’Ernest. Derrière ses lunettes, ses yeux pétillent. Elle explique que ces arbres sont aussi très importants pour chacun des parents présents. “Avec ces familles, on a partagé des moments difficiles. Pour les enfants comme pour nous, ce moment de partage est une lueur d’espoir.” Non sans émotion, elle se souvient comment elle a traversé cette tempête. Et comme aujourd’hui, son sourire n’a jamais quitté pas son visage.
Même dans le malheur, il faut apporter ces petits moments de folie. C’est toujours ce que j’ai essayé de faire avec Ernest.
Sandrine, maman d'Ernest
“On a toujours pris ça avec une certaine philosophie et on a toujours ressenti cette joie, cette étincelle et une touche d'humour”, confie-t-elle, plongeant son regard dans celui de son fils.
Aux côtés des enfants, un homme discret les accompagne dans la plantation, recevant des marques de soutien, par ici et par là. Cet homme, c’est Patrick, le papa de Raphaël, la première étoile de cette forêt, emporté par la maladie en mai dernier. L’émotion est vive. Mais sa présence aujourd’hui est importante : “ce sont eux l’avenir”, confie-t-il, s’excusant de laisser une larme s’échapper. Raphaël est la première étoile de cette forêt. À l'entrée de la parcelle, sans vouloir prendre toute la lumière pour autant, Patrick a choisi l'emplacement pour son fils.
"Ce chêne est un confident qui saura garder tous leurs secrets"
Ce n’est pas le seul qui ait été submergé par l’émotion ce samedi matin. Sophie Gordien, la fondatrice de l’association, voit enfin son projet naître. “Ça fait deux ans et demi que je rêve de cette forêt. Je commence à réaliser qu’elle existe”, dit-elle en balayant la parcelle des yeux, comme pour la rendre encore plus réaliste. Un projet important, pour apporter aux enfants un ancrage dans la vie. “Ils trouveront à travers ce chêne un confident qui saura garder tous leurs secrets. Ça sera une force pour l’enfant”. Ce matin, une fois de plus, elle a pu constater la force des liens créés entre les enfants et leurs parents. “Nous sommes une vraie famille d’étoiles maintenant.”
Au total, 12 chênes sessiles seront plantés sur cette parcelle d’un hectare, mis à disposition par la municipalité. Lorsque le projet est présenté à l’équipe municipale, l’emballement est là. “C’est une approche qui nous a touchés et nous a marqués au cœur, se souvient Franck Jacquet, le maire de Chenay. Quand on a reçu les enfants, on a pris un uppercut.
Là où nous on met de l’émotion, eux y mettent de l’espoir et des éclats de rire.
Franck Jacquet, maire de Chenay
La parcelle est mise à disposition de l’association pendant 99 ans et l’entretien des espaces verts est assuré par la commune. À terme, Le projet est d’implanter une forêt près de chaque service d’oncologie pédiatrique en France.
"Des moments durant lesquels on pense à autre chose qu’à la maladie"
Pour chacune de ces familles, l’association représente beaucoup. “Même si on a repris nos chemins respectifs après les épreuves difficiles, on est toujours heureux de se retrouver et partager des moments de joie comme aujourd'hui”, témoigne Sandrine, la maman d’Ernest. Comme d’autres, Charles confie que l’association leur permet de sortir du cadre de l’enfant malade. “On partage des moments durant lesquels on pense à autre chose qu’à la maladie. Ça aide à être ailleurs." Mais aujourd’hui, il insiste sur l’importance du soutien que l’association apporte.
C’est même plus important d’être là pour les autres, pour leur donner de l’espoir, leur dire que si certains ont réussi, pourquoi pas eux ?
Charles, jeune en rémission
Les coups de moue, Charles les a traversés et sait à quel point c’est dur. Durant ces moments, il a su trouver du soutien chez les autres enfants malades.“Puis un jour, on vous annonce que vous êtes guéri. Plus de traitement, plus d’hôpital, le retour à la vie normale”, lâche-t-il en relâchant ses épaules, les mains dans les poches de sa doudoune sans manches.
Ce message d’espoir, tous veulent le passer à ceux qui traversent ce qui chamboule toute une vie.
Il faut continuer de se battre, même si c’est très dur, et continuer d’espérer et de voir un futur meilleur. Mais surtout, il faut penser au bonheur.
Jean, 17 ans, guéri d'un cancer
Au sein de l’association, ils ont trouvé des moments d’évasion, du bonheur, des rires et surtout un soutien. Leur bonne humeur aura chassé le gris du ciel Rémois pour laisser le soleil prendre place.