"Simone", le dernier album de Jean-David Morvan retrace la vie d’une résistante torturée à 13 ans, devenue témoin clé au procès de Klaus Barbie

Elle n’avait que 13 ans, quand elle a été torturée par Klaus Barbie. Simone Kadosche n’a jamais craqué. Cette résistante est devenue plus tard un témoin capital au procès de son tortionnaire. Le scénariste rémois Jean-David Morvan et le dessinateur David Evrard racontent l’histoire de cette femme extraordinaire, en BD.

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Au Festival de la Bande Dessinée d’Angoulême, l’auteur rémois, Jean-David Morvan et sa co-scénariste Madeleine Riffaud ont été récompensés par le Prix René Goscinny. Cette récompense prestigieuse consacre le meilleur scénario de Bande Dessinée 2022, pour l’album "Madeleine Résistante".

Après la série "Iréna" relatant la vie d’une Juste qui sauva 2 500 enfants juifs, pendant la seconde guerre mondiale, l’auteur marnais revient cette fois sur le destin hors du commun d’une petite lyonnaise, Simone Kadosche.

Elle a toujours dit non. Elle a toujours refusé de se laisser déshumaniser par les Nazis.

Jean-David Morvan, scénariste.

A Lyon, Simone Kadosche grandissait dans une famille juive. En 1941, elle a très vite compris ce que signifiait le statut des juifs. Dès l’école, elle s’est révoltée. Elle refusait la peur. Cours de secourisme, distribution de tracts, la toute jeune agent de liaison dans la Résistance a été arrêtée sur dénonciation.

Conduite au siège de la Gestapo, elle est torturée pendant plusieurs jours. Son bourreau, c’est Klaus Barbie, surnommé "le boucher de Lyon". Mais l’histoire ne s’arrête pas là. En 1972, le criminel de guerre est retrouvé en Bolivie. Il est ramené en France pour y être jugé. Simone Kadosche, devenue Simone Lagrange reconnaît son bourreau. Elle sera un témoin clé lors du procès historique.  

Une BD d’auteur

Pour l’album "Madeleine Résistante", Jean-David Morvan avait eu la chance de rencontrer Madeleine Riffaud, 96 ans aujourd’hui. Mais Simone Lagrange, née Kadosche, est décédée en 2016. Jean-David Morvan a donc dû travailler sur le livre de Simone Lagrange, un documentaire, internet, et son témoignage au procès Barbie.

"J’ai travaillé sur tout ça. J’ai pris des notes et j’ai essayé de définir quel caractère elle avait. A partir de ça, j’ai aussi essayé de faire une BD d’auteur. Je n’ai pas voulu faire, comme on voit beaucoup en BD en ce moment, de choses juste descriptives de ce qui s’est passé. Cela manque de force", explique Jean-David Morvan. "Comme tout le monde connaît à peu près le sujet de la seconde guerre mondiale, j’ai pu me concentrer sur les personnages".

Pour le dessin du tome 1 du triptyque consacré à Simone Lagrange, le scénariste de Reims s’est tourné vers David Evrard. Il avait déjà travaillé avec ce dessinateur. C’est lui qui a dessiné la série « Iréna ». Walter a réalisé la mise en couleurs.

" Avec un dessin jeunesse, on peut raconter ce qu’on veut", assure Jean-David Morvan. "Le style permet d’aller plus loin.  On peut raconter des choses de plus en plus dures. Je ne voulais rien cacher aux gens, ne pas édulcorer, mais aussi montrer l’espoir. On a la chance en BD d’être décisionnaire du début à la fin d’un album, une fois qu’on s’est mis d’accord avec l’éditeur".

Etre libre de ses choix narratifs, pouvoir prendre des risques, "pénétrer l’esprit, essayer de comprendre ce qui se passe dans la tête des gens" compte beaucoup pour le scénariste.  

La résistance, un thème récurrent

Des gens reprocheront peut-être à Jean-David Morvan de "suivre une ligne, de vouloir faire du pognon, avec ça, peu importe. Je ne fais pas ça pour les ventes", dit-il. "Après avoir cherché, on est revenu à cette histoire. A un moment, on fait ce qu’on a envie de faire. Et finalement, c’est pas mal de tracer une ligne dans notre travail. On est des auteurs. On a des choses à dire. Elles se complètent plus qu’elles ne se répètent".

En écrivant l’album "Madeleine Résistante", Jean-David Morvan a réalisé que la résistance était au cœur de tous ses albums, depuis toujours, même quand il faisait de la Science Fiction ou de l’Héroïc Fantasy. "Je me suis rendu compte que Madeleine Riffaud était le même personnage que Nävis, l’héroïne de "Sillage", la série qui a été longtemps mon best-seller. C’était bizarre de rencontrer quelqu’un que je croyais avoir inventé".

Toucher les gens

Jean-David Morvan est persuadé de la force de la BD. Il estime que personne n’est obligé d’en lire. Quand on le fait, il considère qu’on est plus réceptif, plus ouvert. "On peut glisser des choses qui font réfléchir", confie celui qui essaie de transmettre un message.

Ce qui m'intéresse, c'est l'envie de mémoire, le besoin de mémoire.

Jean-David Morvan, scénariste.

Au côté de Madeleine Riffaut, il a appris. "Se positionner en tant que résistant et pas comme victime, ça peut changer la vie", assure-t-il. "Cela sert dans toutes les situations, quand on perd son travail, quand on a un chagrin d’amour".

Il veut que ses albums soient tout public. "Avec ce dessin, il faut que les adultes qui se prennent parfois au sérieux, en tant que lecteurs de BD, se disent qu’ils peuvent lire ça aussi, même si le dessin n’est pas réaliste. Cela peut les toucher".

Dans ce premier tome, Jean-David Morvan évoque Lyon, l’exode. Il avait envie de faire lire les lois juives de Philippe Pétain. "C’est intéressant de les connaître vraiment, de savoir ce que ça contenait", dit-il.  

L’envie de mémoire

Comme ses héroïnes l’ont fait, Jean-David Morvan rencontre des collégiens, des lycéens. Les jeunes sont passionnés. Mais le scénariste entend dépasser, dans son récit, le côté scolaire. Il veut toucher les lecteurs. "Je veux éviter le ronronnage du devoir de mémoire. Ce qui m’intéresse, c’est l’envie de mémoire, le besoin de mémoire. Il fallait que je le fasse".

L’auteur a pu parler au fils de Simone Lagrange. Il va le rencontrer prochainement. Une manière d’enrichir la suite du récit. L’occasion d’aller plus loin dans l’histoire de cette jeune adolescente, française, née en France, et déportée.

En 1972, cette femme extraordinaire, a vu réapparaître son bourreau. Elle a témoigné à son procès. "Son caractère lui a permis de survivre. Elle a toujours dit non. Elle a toujours refusé de se laisser déshumaniser par les Nazis. Elle a gardé son libre-arbitre dans les pires circonstances", raconte avec admiration le scénariste.

Un écho à la guerre en Ukraine

Le premier tome du récit de ce destin hors du commun paraît alors que la guerre fait rage, en Ukraine. L’esprit de résistance y est une réalité. Il lui fait écho. "Des guerres, il y en a toujours eu. Celle de l’Ukraine est plus proche, et peut-être elle nous fait plus peur. On ne peut pas dire qu’on vit dans un monde de paix…  Celle de 1992, en Yougoslavie, ce n’est pas loin non plus…

C’est toujours le même principe, il y a toujours des gens qui essaient d’envahir d’autres territoires pour les piller. C’est le principe des Nazis qui étaient avant tout de grands voleurs. Et il y a toujours des gens qui sont là pour résister. Ils ne se laissent pas faire parce qu’ils sont sur leur territoire. Cela finit toujours de la même manière. Les envahisseurs sont obligés de se barrer. Les gens qui envahissent devraient le savoir", assure Jean-David Morvan.

Lors de la réception du Prix René Goscinny, au dernier festival d’Angoulême, le scénariste a été touché. Il ne s’y attendait pas. Dans ce milieu pudique, des auteurs de BD ont dit à Jean-David Morvan qu’ils appréciaient ces derniers livres. "Cela fait plaisir de voir que je raconte des choses qui touchent les gens".

Les deux autres tomes de cette histoire, parue aux éditions Glénat, sont attendus pour les prochains mois.      

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