À une semaine du premier tour des élections législatives, une partie des militants LGBT s'inquiète d'une possible victoire du Rassemblement national. Cette minorité dénonce les hausses des agressions homophobes en France et craint un recul de ses droits. Témoignages.
Eric Rouissia a 64 ans. Avec son mari Christophe, il gère un cabaret transformiste à Breuil-sur-Vesle dans la Marne depuis 17 ans. France 3 Champagne-Ardenne a rencontré ce militant LGBT (voir aussi notre reportage en vidéo) qui aspire à vivre normalement, "comme tout le monde".
France 3 Champagne-Ardenne : que vous inspire la situation politique actuelle en France?
Eric Rouissia : La situation nous impose d'être prudent. Parce que malheureusement, pas plus tard qu'hier, j'ai été insulté par un concessionnaire automobile à qui je venais de dire que le véhicule qu'il me présentait ne me plaisait pas. Il m'a traité de tarlouze ! J'ai subi une agression gratuite. Je suis très choqué, on est quand même en 2024 et de la part d'un vendeur, je m'attendais à autre chose. Heureusement, ce genre de comportement est rare. D'ordinaire, ce sont plutôt des moqueries, qui ne m'atteignent pas vraiment, même si ce n'est jamais vraiment plaisant.
Un concessionnaire automobile m'a traité de Tarlouze. J'ai été très choqué. Nous sommes en 2024.
Eric Rouissia, militant LGBT+
France 3 Champagne-Ardenne : qu'attendez-vous du futur gouvernement?
Eric Roussia : Je souhaite qu'on continue à intégrer la communauté LGBT+ dans la société, pour qu'on soit accepté comme n'importe qui, comme un couple normal. Moi j'habite dans un village de 350 âmes depuis 1990 et cela se passe très bien. J'ai envie de pouvoir tenir la main de mon mari dans la rue, sans être jugé. Je veux être respecté comme je respecte n'importe qui ! Je veux pouvoir être heureux. Que chacun vive sa vie pleinement, comme on l'entend, librement !
Colette a 33 ans. Cette femme transgenre milite dans plusieurs associations et collectifs de défense des personnes transgenres. Elle préfère ne pas donner son nom, par peur des représailles. Pour elle, la cause est politique.
France 3 Champagne-Ardenne : Comment vous sentez-vous dans le climat actuel en France?
Colette : Le climat est très anxiogène. Nous subissons des agressions quotidiennes. On assimile les trans de pédophiles à longueur de temps. Lors d'une manifestation à Reims en faveur des transitions de genre des mineurs (avant l'examen d'un texte au Sénat pour encadrer la transition de genre des mineurs le 28 mai 2024), un jeune homme a fait irruption devant la caméra de France 3 et a hurlé "nique les LGBT!" (voir la vidéo ci-dessous).
Il a ensuite poursuivi son harcèlement sur les réseaux en publiant plusieurs stories très insultantes. Nous allons d'ailleurs porter plainte.
J'ai moi-même été moquée à Reims, il y a quelques jours, par des personnes visiblement liées à l'extrême droite rémoise. Ces intimidations restent pour l'instant verbales mais je suis très inquiète pour l'avenir. Ces menaces permanentes nous empêchent de nous réaliser et de nous intégrer socialement.
France 3 Champagne-Ardenne : vous vous êtes engagées dans la campagne du Nouveau Front Populaire. Pourquoi?
Colette : Déjà parce que je suis très angoissée, au point que depuis la dissolution de l'Assemblée nationale, je ne dors plus. Je pense que nous sommes peu nombreux à prendre la mesure de ce qui se joue : l'accès au pouvoir d'une extrême droite fasciste qui menace les institutions et toutes les minorités m'effraie énormément... Il n'y a pas de droit acquis, on peut revenir sur tout. En tant que transgenres, nos vies sont déjà précaires, parce que nous n'avons pas encore accès à l'égalité des droits qui nous sont dus dans le respect des droits humains, alors j'ai peur que cela s'aggrave. Je me suis donc engagée politiquement.
Nous sommes peu nombreux à voir ce qui se joue : l'accès au pouvoir d'une extrême droite fasciste qui menace les institutions et les minorités.
Colette, militante pour la cause trans
France 3 Champagne-Ardenne : Quelle est la mesure phare du programme du Nouveau Front Populaire selon vous?
Colette : Le soutien au service public est important. Aujourd'hui, il est encore très compliqué de faire sa transition. Beaucoup de personnes sont obligées de le faire en dehors des services prévus à cet effet, vu la complexité du système. L'accès à l'hormonothérapie pour tous, le zéro reste à charge en cas de chirurgie, tout cela me semble très positif. Comme la déjudiciarisation du changement de sexe à l'état civil.
Aujourd'hui, un seul parti défend les droits des LGBT : le Nouveau Front Populaire. On a enfin l'espoir que les choses pour les personnes trans avancent !