Marne : devant le déconfinement annoncé, l'inquiétude d'un éventuel afflux de patients Covid-19 au CHU de Reims

Alors qu'en France, le nombre de patients en réanimation pour Covid reste élevé, le CHU de Reims tente de tenir. Le Professeur Philippe Rieu s'inquiète des annonces des réouvertures en mai sur le territoire qui risquent de rajouter une pression supplémentaire, difficilement gérable.
 

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Alors que le nombre des patients en réanimation pour Covid diminue mais reste élevé (5.804 le 29 avril), le CHU de Reims continue d'accueillir de nouveaux patients et poursuit la déprogrammation de certaines opérations. Le Professeur Philippe Rieu, président de la commission médicale d'établissement du CHU de Reims et chef de service de néphrologie s'inquiète des annonces des réouvertures en mai sur le territoire. Il y voit un risque de rajouter une pression supplémentaire difficilement gérable.

"Cette 3ème vague est due au variant anglais qui est plus contaminant. Il représente aujourd’hui 94 % des virus circulants. Les variants sud-africain et brésilien représentent pour l’instant moins de 5 % des virus circulants dans les tests réalisés au CHU de Reims. Pour l'instant, le variant indien n'est pas à Reims", précise Philippe Rieu. Le professeur reconnaît que le troisième, qu'il appelle, "semi-confinement", débuté le 6 avril 2021, pour le week-end de Pâques, a effectivement permis de ralentir l’accélération du nombre de cas hospitalisé pour Covid, mais n’a pas permis la décroissance des hospitalisations.

"Depuis cette date, c’est-à-dire depuis 3 semaines, nous sommes sur un plateau élevé avec en moyenne 6 à 8 patients hospitalisés par jour à partir des urgences, environ 60 patients hospitalisés en médecine et 25 patients hospitalisés en réanimation pour Covid. Malgré la mise en place de 22 lits de réanimation supplémentaires, les réanimations sont saturées par les patients Covid et non Covid. De plus, la création de ces 22 lits de réanimation supplémentaires s’est faite au prix d’une fermeture de 45 % des blocs opératoires pour y allouer les ressources médicales et paramédicales. Aussi, c'est 30 à 40 patients, chaque jour qui ne peuvent pas être opérés. Autrement dit 150 à 200 patients supplémentaires chaque semaine qui passe. Des chiffres qui sont tout sauf rassurant pour appréhender un déconfinement."
 

Quid de la situation dans les hôpitaux français à la mi-mai ? 

L'Institut Pasteur met en garde contre un déconfinement trop rapide. Selon l'Institut, "une remontée importante des hospitalisations pourrait être observée en cas de levée trop rapide des mesures de freinage le 15 mai, même sous des hypothèses optimistes concernant le rythme de vaccination". Et de recommander "une levée plus progressive de ces mesures qui pourrait permettre de décaler la reprise, à un moment où la campagne de vaccination aura progressé, diminuant d’autant l’intensité de cette reprise." Un avis totalement partagé par le professeur Philippe Rieu qui craint qu'en autorisant les déplacements, et en allégeant les restrictions actuelles, on accélère la propagation du virus. 

"Pour nous, mai va s’accompagner d’une augmentation de la circulation du virus, et donc d'une ré-ascension des hospitalisations pour Covid avec sursaturation rapide des établissements de santé qui sont encore et toujours saturés après 3 semaines de "semi-confinement". J’espère au moins que la levée des restrictions sera très progressive et que l’incitation à respecter les mesures barrières sera renforcées", souligne Philippe Rieu. Un vœu pieu ? Pourtant, le danger semble bien présent au regard de la pression hospitalière et du fait que la population est loin d'être vaccinée. "L'immunité collective est loin d'être atteinte puisqu'on pense qu'il faut au moins 70 % de la population immunisé contre le Covid", rappelle le professeur.

Pour lui, la vaccination reste la solution pour éviter une nouvelle vague et il demande que l'on tienne compte des bons résultats obtenus à l'hôpital grâce à elle. "Il est intéressant de noter que nous n’avons presque plus de patients des EHPAD hospitalisés pour Covid, ce qui témoigne indirectement de l’efficacité de la vaccination puisque cette population a été en grande majorité vaccinée ", souligne-t-il.


L'école, vrai foyer de contamination ou pas ?

Une vaccination qu'auraient sans doute souhaité les professeurs avant la reprise des cours. Les élèves de maternelle et de primaire sont retournés à l'école depuis le 26 avril, après trois semaines de fermeture des établissements scolaires qui visaient à tenter de limiter la propagation de l'épidémie de Covid-19. Mais aujourd'hui, les chiffres ne sont toujours pas très bons. Dans le Grand Est, l'ARS dénombre, au 29 avril 2021, 2.502 personnes hospitalisées pour Covid-19 dans les établissements sanitaires du Grand Est, soit 175 nouvelles hospitalisations uniquement pour cette journée. Et toujours pour cette journée, 44 nouvelles admissions ont été enregistrées en réanimation ou en soins intensifs, portant à 500 les personnes actuellement hospitalisées dans ces services.

Une raison de plus pour rester vigilant et accélérer les tests salivaires à l'école afin d'éviter des foyers de contaminations. Rappelons que, pour cette reprise scolaire, le protocole devait être strict, comme l'a indiqué le gouvernement en fin de semaine dernière, avec notamment la fermeture immédiate des classes où un élève sera testé positif. Ce vendredi 30 avril, 19 classes sont ainsi déjà refermées dans l'Académie de Reims, elles sont 122 dans l'ensemble du Grand Est. 

Contactée, l'Académie de Reims précise que les chiffres des tests salivaires, qui seront effectués par des infirmières scolaires auprès des enfants, ne seront disponibles qu'après la rentrée des collégiens le lundi 3 mai. Ces tests seront effectués sur le même fonctionnement qui avait déjà eu lieu durant la dernière semaine du mois de mars où un panel composé de quelques écoles, collèges et lycées avaient fait l'objet de tests dédiés à la surveillance du virus. "Dans le cadre de la stratégie nationale "Tester - Alerter - Protéger" mise en place pour casser les chaînes de transmission du virus Covid-19, et suite à l’avis de la Haute Autorité de Santé, les tests salivaires ont été déployés progressivement tout au long du mois de mars dans les écoles maternelles et primaires", précise le communiqué du rectorat.


En revanche, "les auto-tests sont en cours de distribution dans les écoles, collèges et lycées, pour le personnel uniquement. Ils seront distribués dans un second temps aux élèves de +15 ans, donc dans les lycées, à partir du 10 mai, avec l'accord parental", conclut la communication du rectorat.

Pour ce qui est de la vaccination des enseignants, celle-ci a commencé rappelle le rectorat. "La vaccination est une priorité nationale pour la bataille contre le Covid-19. C'est pourquoi, depuis le samedi 17 avril, tous les personnels de plus de 55 ans exerçant au contact des élèves en école, collège et lycée (notamment enseignants, personnels de direction, AESH, …) bénéficient de créneaux dédiés de vaccination, dans les centres de vaccination concernés par ce circuit rapide." Seulement la moyenne d'âge des nouveaux enseignants est de 30 ans, d'où l'inquiétude de ces professionnels toujours à pied d'œuvre depuis le début de la crise.


"Pour ce qui est des enfants, je n’ai aucune idée sur l’effet de la réouverture des écoles sur la circulation du virus et l’évolution du taux d’incidence de la Covid dans la population générale", admet le professeur Rieu. Mais il précise qu'il y a très peu d’enfants hospitalisés pour Covid. Par contre, depuis le début de cette crise, le taux d’hospitalisation en pédiatrie pour des motifs pédopsychiatries est multiplié par 2 à 3 (30 à 50 % des hospitalisations en pédiatrie). "Ces troubles psychiatriques chez l’enfant sont une des conséquences collatérales du confinement. Pour cette raison, je pense qu’il est important de réouvrir les écoles."
 

Miser sur le beau temps ?

Quant à un éventuel freinage du virus par la météo, le scientifique émet des réserves. "Le variant anglais, qui représente plus de 90 % du virus circulant, est plus contaminant que le virus originel auquel nous étions confrontés l'année dernière. L'effet météo sera donc moindre que l'année dernière sur le frein de la transmission", précise-t-il.

Des conclusions aussi émises par l'Institut Pasteur, qui estime qu'il est difficile de quantifier l’impact du climat sur la transmission. "Dans ce contexte, nous avons utilisé les conditions de contrôle de l’épidémie durant l’été 2020 pour définir un scénario réaliste de levée partielle des mesures de contrôle dans un contexte estival. Il est probable que les conditions de transmission en mai-juin soient à mi-chemin entre celles de l’hiver et celles de l’été (du fait de facteurs climatiques ou en termes de mixage social). Les projections faites, sous l’hypothèse que les conditions de contrôle de l’été 2020 seront mises en œuvre en mai-juin 2021, sont donc sans doute trop optimistes." Comme le soulignent et le rappellent le professeur Rieu  et l'institut Pasteur, "seule l'accélération de la vaccination, combinée au maintien d’un certain niveau de contrôle de l’épidémie, sera essentielle pour éviter un rebond".

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