Avec la crise sanitaire, les restaurants n’ont toujours pas rouvert depuis octobre 2020. Résultat, la vente à emporter a explosé à tel point que les fournisseurs d'emballages et de vaisselles jetables écologiques ont du mal à suivre. Le marché est très tendu, comme à Reims.
"C’est la crise du sac !" résume Emilie Carvalho, responsable de ce nouveau restaurant, place du Forum, à Reims (Marne). Expression empruntée à la fondatrice de son enseigne Emilie and the Cool Kids. Car la situation est la même partout pour la franchise. Impossible ces dernières semaines de recevoir les sacs en papier kraft personnalisés avec le logo du groupe.
"Il faut trouver des solutions, on va chez Métro, Rétif. Jusqu’à présent, on a eu de la chance, on a toujours réussi à avoir les derniers cartons" explique la gérante du coffee-shop. Des emballages de substitution, sans logo. "J’ai des collègues en Bretagne, vers Quimper, qui ont même dû prendre des sacs en plastique. Heureusement, cela ne nous est pas arrivé " ajoute-t-elle. La commerçante l’admet, les fournisseurs n’y sont pour rien. Ils n’arrivent plus à suivre la cadence, ils sont énormément sollicités. "Depuis deux-trois mois, ils ont des problèmes avec les usines. Même Métro n’était plus approvisionné."
"Le problème, c'est que l'on veut tous la même chose"
Le restaurant propose des salades, pâtisseries, boissons chaudes ou froides. Il a ouvert le 15 décembre dernier, en plein centre-ville et en plein Covid. Les employés n’ont jamais servi de clients à table, mais toujours pour de l’emporté. Forcément, cela fait beaucoup de sacs et de contenants. Emilie Carvalho commande, en moyenne, par mois, trois cartons de 300 sacs. Mais dernièrement, la boutique n’a été livrée que trois fois en cinq mois. Il faut donc anticiper. Même chose pour les boîtes et autres produits de vaisselle à usage unique. "Si on venait à manquer de petites boîtes pour les gâteaux, on les mettrait dans des plus grandes, on s’arrangerait. Le problème, c’est qu’on veut tous la même chose", conclut-elle, lucide.
Le marché de l’emballage alimentaire est tendu, très tendu. Du jamais-vu pour Stéphane Kikel. Le chef rémois de la brasserie les Cocottes, propose des plats à emporter, depuis 11 ans. Le 16 mars 2020, il a fermé son établissement puis rouvert dix jours plus tard pour de l’emporté. Depuis, il ne s’est jamais arrêté. Mais aujourd’hui, pour trouver des contenants, c’est la galère. "Il faut se bagarrer, prendre son automobile, c’est vraiment compliqué. Les entreprises ont du mal à produire, mais elles ont des circonstances atténuantes. Le monde entier s’est mis du jour au lendemain à la street food (cuisine de rue, plats à emporter)."
On était limite en rupture de stock. Si on n’a pas de boîtes pour mettre les plats dedans, on ne peut plus rien faire.
Le restaurateur vient d'être livré ce jeudi 29 avril, une commande de 10.000 produits qu’il attendait depuis trois semaines. "On était limite en rupture de stock. Si on n’a pas de boîtes pour mettre les plats dedans, on ne peut plus rien faire. " Il y a deux jours, il a reçu des commandes passées, un mois plus tôt. D'habitude, il suffit de réserver 24 heures à l'avance.
Problèmes de production, de matières premières, de livraison. Le chef rémois lance un appel "si vous êtes une entreprise régionale et que vous fabriquez des contenants alimentaires biodégradables, contactez-moi !" Selon lui, la situation est vraiment devenue critique fin février, après la Saint-Valentin, une très grosse période pour la profession. "Les fournisseurs ont certainement dû puiser dans les stocks", suppose le restaurateur.
Pourquoi le marché de l’emballage alimentaire s’emballe-t-il ?
Il y a plusieurs raisons à ce regain d'intérêt pour l'emballage alimentaire. A commencer par la demande toujours plus forte, bien sûr. Les restaurants sont fermés depuis octobre, six mois durant lesquels la vente à emporter n’a cessé d’exploser.
Charles-Antonin Gobillard est directeur du développement chez Dephi. Le siège de ce distributeur de produits d’hygiène est installé dans la Marne, à Epernay, depuis 30 ans. L’entreprise compte 10.000 clients dans tout le quart nord-est de la France. Depuis 20 ans, elle offre également une gamme de vaisselle à usage unique, des produits biosourcés 100 % compostables. "La demande est vraiment très forte. Avec la fermeture des restaurants, les ventes se sont reportées sur ce type de produits, mais la production mondiale n’était pas prête à subir cette transformation. Il y a un an, on l’a vécu deux mois, on a pu tenir, c’était plus simple, mais là, ça dure depuis octobre", analyse le directeur.
L’emballage éco-responsable est très recherché, notamment le carton en fibre de canne. D’autant plus recherché que le plastique est désormais interdit. Avec le projet de loi anti-gaspillage, le gouvernement s’engage à sortir d’une société du tout-jetable. Les couverts, boîtes et autres pots écologiques sont donc très prisés. Aujourd’hui, on arrive à saturation. "On travaille avec huit-neuf fournisseurs d’emballage qui fabriquent en France et surtout en Asie. Actuellement, ils ont beaucoup de difficultés à trouver les matières premières notamment le carton destiné au contact alimentaire", précise Charles-Antonin Gobillard.
Le cœur du problème, c’est l’approvisionnement. A cela s’ajoutent les difficultés de transport maritime. "Avec le Nouvel An chinois, ils arrêtent tout pendant un mois, en février. Tous les ans, c’est pareil. Dès qu’ils reprennent leur activité, la demande est très importante, mais comme le transport maritime coûte de plus en plus cher, qu’il y a moins de places dans les bateaux, il faut s’y prendre à l’avance", détaille le directeur du développement chez Dephi.
Le distributeur sparnacien livre donc ce qu’il peut à ses différents clients. Dès que la société reçoit la marchandise, elle répartit au plus juste les produits.
La demande de pots en carton a été multipliée par 16 en un an
Les principaux producteurs d’emballage alimentaire sont asiatiques. En France, les fournisseurs sont peu nombreux. L’un d’eux, l’un des plus importants de l’hexagone, a vu la demande de pots en carton multipliée par 16, passant d’un million en 2020 à 16 millions cette année. Mais les usines ne peuvent pas produire plus. Depuis un mois, il y a donc des ruptures de stock. Sans parler des matières premières dont le prix est en train de flamber.
Aurore Campanals qui tient les Cornichons à Reims arrive toujours à se dépanner. "On passe commande en avance, c’est plus du jour au lendemain, mais c’est pour tout pareil, avec le confinement, les délais sont très longs", constate aussi la restauratrice. Pour l’instant, elle n’a pas a été confrontée à des ruptures de stock. Parfois, les contenants changent mais elle a toujours pu satisfaire ses clients. "Tout est au ralenti avec le Covid."
Hugues Martel est président de la société Newco HM Packaging, située à Châlons-en-Champagne, dans la Marne. Il travaille avec quelques restaurateurs pour des barquettes en carton, mais sa principale activité réside dans le conditionnement de fruits et légumes. Lui aussi, a un peu de mal à suivre. La demande est en très forte hausse. "Les matières premières se raréfient, on se retrouve en pénurie de papier. On a voulu supprimer le plastique, mais il faut bien trouver une alternative."
Le chef d’entreprise prévient "ce qui est propre et vertueux coûte beaucoup plus cher." Le prix des emballages alimentaires pourrait bien grimper prochainement. Un coût supplémentaire qui ne devrait pas tarder à arriver jusque dans nos assiettes (biodégradables).