En rétention depuis fin juin à Toulouse, le lycéen de 19 ans d’origine malienne et sans papiers, viens d’être relâché. Il est rentré à Reims où il avait été arrêté. Pourtant, il est toujours sous la menace d’une expulsion. Témoignage.
En bas de l’immeuble HLM, nous attendons. Au bout de quelques minutes, Souleymane vient nous accueillir, il est timide et n’ose pas commencer la conversation. Finalement, dans l’ascenseur, il nous dit qu’il habite chez des amis. Sa famille est restée au Mali. Nous entrons dans l’appartement au bout du couloir du 6ème étage. Nous saluons ses amis qui sont rassemblés dans le salon, dans un canapé rouge qui fait l’angle, autour de la télévision.
Souleymane nous invite à aller dans la chambre pour discuter. C’est plus tranquille. Nous nous installons sur les deux lits qui occupent toute la pièce, face à face. Il commence, la voix un peu hésitante : « Tout allait bien. Cela fait 5 ans que je suis ici. Je travaille, j’ai eu mon CAP électricien. J’allais passer les rattrapages pour mon bac. Et là, les policiers m’arrêtent alors que je livre un repas à vélo. J’aurais soit disant grillé un feu rouge. »
Souleymane sort du centre de l’Aide sociale à l’enfance à 18 ans. Sa demande de titre de séjour est refusée. Ses documents d’identité maliens ne sont pas jugés recevables, ne correspondent pas aux critères européens. Une obligation de quitter le territoire (OQTF) lui est transmise. Suite à son arrestation, il est transféré vers un centre de rétention à Toulouse. Un voyage de 8 heures, menotté et sous bonne garde. Les souvenirs de ces 45 jours dans le centre sont encore frais, douloureux. « Là-bas, il n'y a rien. C’est dur. Il n'y a rien à faire. C’est une prison. Tu manges et c’est tout. Au bout de 5 jours au centre, j’avais plus la force. Tu penses à beaucoup de choses négatives. »
Après 45 jours de rétention, il est liberé
Souleymane est sorti, il y a deux jours du centre de Toulouse. Une bonne nouvelle, suivie d’une autre moins bonne : le Mali a délivré le sauf-conduit qui permet à la France de le renvoyer. Il est assigné à résidence à Reims et reste expulsable dans les 3 mois. Dans le regard de Souleymane, beaucoup d’inquiétude, et une pointe de découragement. Il reste peu de recours possible, mais les associations suivant son dossier ne perdent pas espoir. Une pétition pour le soutenir, a été mise en ligne, elle a recueilli 22 215 signatures .
« Il faut continuer à rester mobilisé pour avoir encore plus de signatures. Sinon, trouver un patron qui accepte de faire travailler Souleymane peut être une solution pour faire une nouvelle demande de titre de séjour », nous explique Marie-Pierre Barrière, membre du Réseau Éducation Sans Frontières. Les associations estiment qu’il y aurait plusieurs centaines de jeunes comme Souleymane dans la Marne.
Marie-Pierre Barrière, une pointe de colère dans la voix, raconte : « Ces derniers jours, on fait que ça des procédures de recours pour contester des OQTF auprès du tribunal administratif. C’est rageant surtout quand on voit que début juillet, le ministre de l'intérieur, Gérald Darmanin s’est félicité des 10 000 refus de titre de séjour ces 3 derniers mois pour des soi-disant troubles à l’ordre public. »
Elle se pose la question : « Est-ce que griller un feu rouge, comme Souleymane, est considéré comme un trouble à l’ordre public ? »
Aujourd’hui, l’avenir du jeune lycéen de 19 ans est en suspens. Mais il ne perd pas de vue son objectif, son rêve : « Avoir une vie normale, un travail normal, devenir électricien. »