Migrants dans la Marne : "Je me suis engagé à ne pas laisser perdurer des situations où il y avait des squats"

A Reims, le camp de migrants installé dans le parc Saint-John Perse a été démantelé deux fois. Objectif : ne pas laisser s'installer ces situations d’occupation illégale du territoire et mettre les gens à l’abri. La crise sanitaire rend plus difficile encore la situation des exilés.

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"C’est une volonté que j’ai affichée très clairement avec des instructions très fermes là-dessus aux services et aux forces de l’ordre, explique Pierre N’Gahane, préfet de la Marne. Quand on évacue, on essaye de ne pas laisser les gens dans la rue. On les reloge à cette occasion, mais ce n’est pas l’objectif. L’objectif est que les gens ne viennent pas occuper des squats".

Le 18 mars dernier "les personnes ont décidé de partir avant l’arrivée des forces de l’ordre, explique Fabien Tarrit du Collectif Sövkipeu. Les évacuations sont bien plus rapides. Au bout de deux semaines, la mairie envoie un huissier qui passe sur le camp et une procédure judiciaire est engagée". Le 30 avril, ils étaient 8 à dormir sous des tentes. "Deux personnes isolées et une famille de six avec 4 enfants âgés de 2 à 13 ans, précise encore Fabien Tarrit. Sept d’entre eux ont été emmenés par les forces de l’ordre. La famille a ensuite été relogée dans un hôtel".

"On met en action les procédures le plus rapidement possible, explique Marie Depaquy, adjointe au maire de Reims, déléguée à la santé et aux affaires sociales. Il y a des problèmes sanitaires d’abord pour les personnes qui sont malheureusement obligées de s’installer dans ces conditions qui ne sont pas respectueuses pour elles-mêmes et puis pour les riverains évidemment aussi. Problèmes sanitaires parce que ce sont des terrains qui ne sont pas adaptés à l’occupation""Concernant Saint John Perse il est hors de question que l’on laisse les gens s’installer", dit encore le représentant de l’Etat.

Prise en charge mais dans un lieu régulier

La crise sanitaire a renforcé la précarité et rendu plus difficile encore la situation des exilés. En Mars 2020, au moment du confinement, certains sont allés de squats en squats à Reims, à défaut de pouvoir trouver un hébergement d’urgence. Le dernier, allée Bocquaine a rassemblé 40 personnes dont de nombreux enfants.

"Il y a eu des mises à l’abri sans condition pendant la période de confinement, explique pourtant le préfet. Ils ont reçu des masques par le réseau des associations. Ils avaient à l’époque accès aux tests de manière prioritaire".  Pourtant le collectif Sövkipeu a tenté de mettre en place le dépistage des personnes installées allée Bocquaine en collaboration avec l’Agence Régionale de Santé. Tests qui n’ont jamais eu lieu.

 

Je veux bien parler avec toutes les associations mais on le fait dans un cadre régulier. Et donc pas sur un squat, Si les associations veulent que l’on travaille comme cela il n’y a aucun problème mais dans des lieux réguliers.

Pierre N’Gahane, préfet de la Marne.

La Société Saint-Vincent-de-Paul a eu deux alertes au sein des lieux d’hébergement qu’elle gère. "Nous avons eu des cas isolés positifs à la Covid 19", explique Christian Denis, un des bénévoles. En contact d’abord avec l’ARS, "on s’est débrouillés avec notre médecin, pour mettre en place quatre tests ces derniers mois pour les 40 personnes que nous gérons. Pas une mince affaire", précise encore Christian Denis. La crise sanitaire fragilise aussi les associations ou les collectifs qui prennent en charge les exilés. Pas assez nombreux, avec des problématiques décuplées, les bénévoles sont fatigués.  Mais des lueurs de positivité arrivent parfois... "On a un partenariat avec la Banque Alimentaire pour la nourriture depuis 2020 pour une somme modique chaque année, dit encore Christian Denis. Toutes les semaines, on a l’essentiel des denrées. Et nous, nous achetons les produits d’hygiène et d’entretien. Nous avons eu également le soutien de 25 étudiants de Sciences Po qui venaient à tour de rôle chaque jour pour l'apprentissage du français pour les adultes et le renforcement et l'aide aux devoirs pour les enfants. Ils ont également assuré des sorties le week-end avec les enfants". Un partenariat reconduit pour la rentrée prochaine.

 Au total, l’association Saint-Vincent-de-Paul loge une cinquantaine de personnes de 8 mois à 64 ans dont une vingtaine d’enfants. "Nous avons très peu de rotation depuis plus de deux ans que nous avons ouvert cette maison, reprend Christian Denis. Dès que cela se vide un peu, nous n’avons pas le temps de souffler, cela se remplit aussi vite".

 

Moins de monde

Si les associations ou collectifs restent à flux tendu, les exilés, eux, sont arrivés en moins grand nombre sur le département de la Marne. "La situation sanitaire actuelle et les fermetures de frontières ont, sans aucun doute, singulièrement réduit le nombre de personnes en primo-reconnaissance sur le département, explique Pierre N’Gahame, préfet de la Marne. Quand on regarde les flux, en 2019 nous avions 1067 migrants tout statuts confondus qui se sont signalés à travers le 115. C’est par le 115 qu’on les repère. Sur toute l’année 2020, on passe à 501. Au 30 mars 2021, on est à 90 migrants qui ont appelé le 115. Je suis totalement convaincu que cela est dû à la crise sanitaire". Pourtant, des bateaux en mer Méditerranée continuent d’être secourus avec à leur bord des femmes, des bébés, des enfants et des jeunes hommes souvent seuls. D'autres n'ont pas cette chance. Quand ils arrivent à mettre un pied sur le sol européen, la situation devient bien plus complexe encore car la pandémie les stoppe net dans leur progression.

"Si j’analyse les 90 migrants de cette année, reprend le repésentant de l’Etat, ils viennent des départements voisins, de l’Aisne, des Ardennes, de Haute-Marne, de Moselle, de Paris. Il y a beaucoup moins d’entrées".

 

Les jeunes majeurs étrangers peu régularisés

Avec Réseau Education Sans Frontières et l’association des hébergeurs solidaires Hésope, Marie-Pierre Barrière est très occupée à gérer les jeunes mineurs non reconnus et les majeurs déboutés. En avril 2020, elle nous expliquait vivre avec les jeunes et les bénévoles un moment de répit. L’arrêt du pays dû au confinement avait permis de souffler un peu. Aujourd’hui tout a repris. Une vague de jeunes majeurs, reconnus mineurs quelques années plus tôt, a quitté les hébergements de l’aide sociale à l’enfance de la Marne dès la fin du confinement. Pour beaucoup, recevant à leurs 18 ans une obligation de quitter le territoire. "On est dans la même situation, précise Marie-Pierre Barrière. Nous avons rencontré le préfet en août dernier et il ne régularisera pas tout le monde. Nous avons une dizaine de jeunes sous OQTF, en galère, que l’on tient à bout de bras. Les obligations de quitter le territoire bloquent tout. Ils ne peuvent plus travailler pour ceux qui sont en contrat d’apprentissage". C’est toute une intégration par l’école et le travail qui s’arrête. "Quel est le but, s’interroge encore la bénévole de RESF. Le critère est l’état civil". De nombreuses demandes d’asile sont refusées car l’état français juge certains documents d’état civil faux. "Nous, on ne peut pas prendre la responsabilité de donner un titre à des personnes quand on n'est même pas sûrs de leurs identités", précise le préfet de la Marne.

 

Vous avez des pays, qui ont du mal à produire des actes réguliers pour leurs ressortissants. Il y a 3-4 pays comme ça avec lesquels on a beaucoup de difficultés et il y a beaucoup de ressortissants de ces pays-là qui sont en grande difficulté ça je le reconnais vraiment. Mais ça n’est pas la responsabilité de la préfecture.

Pierre N'Gahane, préfet de la Marne

 

 

Un vrai gâchis jugent les associations et bon nombre de maitres d’apprentissage, partout en France, déclenchent des actions pour faire pression sur l’Etat français. A Besançon, un boulanger c'est mis en grève de la faim.  Une plateforme "patrons solidaires" a été mise en place. "Il n’y a pas d’harmonisation nationale dans les décisions, et d’un département à l’autre la situation est différente" reprend Marie-Pierre Barrière. "Ce n’est pas moi d’évaluer cela, dit encore Pierre N'Gahane. Je suis là pour m’assurer de la conformité des actes que nous produisons. Au niveau de la préfecture de la Marne il faut que l’état civil soit régulier. Il faut que l’on soit sérieux par rapport à cela".

Des actions, pétitions que les associations du département de la Marne n’ont pas encore été lancées. Elles ont l’avantage de faire bouger les lignes mais elles mettent aussi en avant les jeunes avec le danger de les surexposer. 

 

Le monde d’après…

Pour l’heure, les bénévoles des associations ne voient pas le bout du tunnel. La pandémie a réduit les flux mais n’a pas solutionné, pour autant, les situations de ceux qui sont sur le territoire français, parfois, depuis des années.

"A partir du moment où le dossier est refusé, ils reçoivent une obligation de quitter le territoire. Ils ont un mois pour le faire, précise encore Pierre N’Gahane. Et puis il y en a certains qui ne sont pas demandeurs d’asile à qui nous mettons systématiquement, après évaluation, une OQTF. Si après ce délai ils n’ont pas quitté le territoire et qu’ils tombent entre nos mains, bien entendu, on les mettra en centre de rétention administrative… encore faut-il qu’il y ait des places. Certains sont résidence administrative (assignés à résidence) mais il faut qu’ils aient une adresse. Et puis, avec les confinements, certains territoires sont encore fermés il y a eu beaucoup de difficultés qui se sont surajoutées aux difficultés originelle".

Quant à la prise en charge liée à la pandémie, elle reste d’actualité précise le préfet de la Marne. "Le gouvernement va nous envoyer bientôt des auto-tests qui seront à destination des associations qui vont se rapprocher d’eux (les migrants). Pour les vaccinations, pour peu, que le médecin leur établisse un certificat, ils sont prioritaires. Il sont public fragile et la question ne se pose pas, ils ont accès, comme tous les autres, à travers le réseau associatif".

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