Meurtre d'Hélène Kahn : "Elle me dit qu'elle ne veut plus me voir, je ne l'accepte pas"

Au deuxième jour du procès de Yannick Durand, l'assassin présumé d'Hélène Kahn, l'accusé a dû répondre de ses actes et de sa "jalousie maladive". La cour d'assises a également tenté de cerner sa personnalité.

"J'étais amoureux d'Hélène." Entendu pendant de longues heures ce vendredi 15 novembre par la cour d'assises de la Marne, Yannick Durand, 47 ans, évoque, d'une voix basse, sa relation avec son ex compagne de 28 ans qu'il est accusé d'avoir tuée le 22 mars 2017. "Au début, ça se passait très bien, mais elle ne comprenait pas que je sois proche de ma fille. La relation s'est dégradée."

"Il n'y avait pas autre chose qui faisait que la relation n'allait pas bien ?", interroge la présidente du tribunal. "Non je ne vois rien d'autre." Catherine Morin-Gonzalez lui ressort alors les conversations qu'il entretenait avec d'autres femmes, puis sa tentative de suicide devant Hélène Khan en octobre 2015. "Vous aviez déjà fait ça devant votre première femme, rappelle la présidente. Comment vous vous expliquez ce geste ?" "Je préfère me faire du mal que de faire du mal aux autres", répond l'accusé. "Vous faites plus de mal aux autres qu'à vous, lui rétorque-t-elle. Votre première femme est partie à cause de ça. Votre fille a été traumatisée."
 

"Le problème de la jalousie"

Puis les questions portent sur la surveillance que l'accusé exerçait sur la victime. Alors qu'ils sont séparés, il la surprend avec un autre homme. "Je n'ai jamais réussi à tourner la page, admet Yannick Durand. C'est le problème de la jalousie. Il fallait que je constate si elle me mentait." Puis la présidente retrace l'escalade de ses agissements, jusqu'à ces deux intrusions au domicile de la victime les 1er et 3 mars 2017. "C'est un comportement normal selon vous ? le questionne Catherine Morin-Gonzalez. Vous ne vous dites pas que ce que vous faites, ça va pas, qu'il faut voir un médecin ?" "Non", admet-il.

Je ne m'exprime pas, je garde tout
- Yannick Durand, l'accusé

Suite à la plainte déposée par Hélène Kahn le 5 mars 2017, Yannick Durand est entendu à la gendarmerie de Gueux, mais n'arrête pas pour autant ses "surveillances". Le 11 mars 2017, il monte sur une échelle et filme la jeune femme pendant son sommeil.

La veille du meurtre, le 21 mars 2017, l'accusé se rend sur le centre équestre de Trigny où vit et travaille la victime, attend qu'elle soit seule pour lui parler en la tirant par le bras. Sa mère la retrouve cachée dans la cuisine, "complètement prostrée". "Qu'est-ce qu'il s'est passé pour qu'elle soit terrorisée, qu'est-ce que vous lui avez dit ?" insiste la présidente. "Je ne me rappelle plus." Une réponse laconique que l'accusé répète à plusieurs reprises.
 

La présidente le questionne ensuite sur le déroulé des faits le jour du meurtre d'Hélène Kahn. Pensant qu'un autre homme se trouve en compagnie de la monitrice d'équitation, Yannick Durand se gare sur un petit chemin, à 600 mètres du centre équestre. "Pourquoi prendre alors le couteau ?" , l'interroge la présidente. "Pour me défendre, au cas où je tombe sur un homme agressif."

"Votre main, elle part pas toute seule ?"

L'accusé trouve Hélène Kahn en train de nourrir les chevaux. "Elle me dit qu'elle ne veut plus me voir, elle me dit 'Dégage', je ne l'accepte pas, raconte l'accusé. Je l'empoigne, elle se défend. Quand on tombe, elle me met des coups de gamelle. C'est là que je lui porte le coup de couteau." Il affirme ne pas lui avoir porté volontairement les coups. "Vous sortez votre couteau, vous le dépliez. Votre main, elle part pas toute seule ?", ironise la présidente. "A aucun moment, je n'ai voulu la tuer", assure Yannick Durand. Des propos en contradiction avec les déclarations qu'il a faites face aux gendarmes.

Je voulais la récupérer. Si je ne pouvais pas, je la tuais et je me tuais après
- Yannick Durand lors de sa garde à vue.

"Je n'ai pas le souvenir d'avoir dit ça, se défend une fois de plus l'accusé, arguant que "la garde à vue était très dure psychologiquement". La présidente retourne à la charge : "Vous saviez que vous n'étiez pas en train de la frapper sur le pied ou sur un coin de la cuisse ? Vous êtes pompier volontaire depuis 25 ans, vous savez où se trouve le cœur." L'accusé baisse la tête.
 

"Je n'ai manqué de rien"

La cour cherche ensuite à cerner sa personnalité. D'après le rapport lu par la présidente, Yannick Durand a grandi à Rethel dans un milieu modeste, éduqué "à la dure", mais toujours dans le respect. "Je n'ai manqué de rien", confirme l'accusé. Il entretient de bonnes relations avec ses parents et sa demi-sœur. D'un niveau scolaire moyen, il arrête l'école à 16 ans, enchaîne les périodes de chômage qu'il "vivait très mal" et les boulots d'intérimaires : cariste, saisonnier, chauffeur poids lourd, formateur routier puis, jusqu'à son interpellation, opérateur de production sur l'usine Chamtor à Bazancourt. Depuis 1993, il était pompier volontaire au centre de secours de Rethel.

Côté vie privée, il entretient de 1990 à 2013 une relation longue et stable avec une femme dont il aura une fille, aujourd'hui âgée de 16 ans. Avec cette femme, "ça se passe très bien", affirme l'accusé. Des propos nuancés par la dame, qui déplore devant l'enquêtrice de personnalité un manque de tendresse vis-à-vis d'elle, mais aussi une relation adultère avec une autre femme. Elle ajoute : "Il était un peu jaloux, mais pas trop, il n'y a jamais eu de méchanceté".

Sa famille et l'un de ses amis pompier le décrivent comme quelqu'un de "renfermé, impulsif", mais aussi "travailleur, serviable, gentil". Ce que confirmera son père, appelé à la barre : "Ce n'est pas une personne méchante ou dangereuse". Mal à l'aise dans cet exercice, l'homme, "réservé" comme son fils, reconnaît qu'il a été très surpris quand il a appris ce qu'il s'était passé. "Jamais je n'aurais pensé ça de lui." A la fin de son audition, très ému, le père de l'accusé présente ses condoléances aux parents de la victime. Et repart en adressant un léger signe de tête à la mère d'Hélène, Annick Gauthier.
 
 

"Relation malsaine"

Dans la matinée, celle-ci avait évoqué devant les jurés la relation malsaine que l'accusé entretenait avec la victime. "Je ne sentais pas ma fille épanouie avec lui." Notamment durant les dernières semaines. "Elle était stressée, se plaignait de douleurs physiques, elle avait déjà très peur, se remémore-t-elle. Je me dis 'Il faut que ça cesse'."

C'est un bloc de glace, il ne montre jamais ses sentiments, jamais d'émotion
- Annick Gauthier, la mère de la victime à propos de l'accusé

Après les deux intrusions à domicile, elle incite sa fille à porter plainte à la gendarmerie de Gueux, mais la voit revenir "désemparée". "Le gendarme n'a pas voulu noter la première intrusion, car la porte avait été laissée ouverte." Lorsqu'elle-même évoque ses craintes, elle entend le gendarme lui affirmer qu'"un homme qui n'a jamais été violent ne peut pas tuer quelqu'un comme ça". Le père, également cité à la barre, confirme que la même réponse lui a été donnée.

L'amie qui accompagne Hélène Kahn à la gendarmerie a entendu tout l'entretien depuis la salle d'attente. "Est-ce qu'il vous a attaché les mains ?, aurait demandé le gendarme. Ah bah, ça va, il ne vous torture pas". Les propos du militaire ne la rassurent pas. "Pour lui, c'était l'affaire du carreau cassé, pas une agression, pas une intrusion." Terrorisée, Hélène Kahn veut savoir quand Yannick Durand sera contacté, car elle craint sa réaction. Mais elle n'obtient pas de réponse.
 

Le gendarme de nouveau mis en cause

Appelé une deuxième fois à comparaître, l'adjudant-chef qui a reçu la plainte d'Hélène Kahn a l'impression qu'on lui fait son procès. La juge lui reproche d'avoir conseillé à la victime de revoir Yannick Durand pour s'expliquer avec lui, mais aussi de n'avoir pas donné d'importance à la première intrusion. "Ce n'était pas un étranger qui rentre chez quelqu'un, se justifie le gendarme. Comme ça m'était présenté, c'était une dispute d'un couple, la rupture n'était pas vraiment mise en place."

L'avocat des parties civiles, Me Simon Miravete, vient en aide à l'ancien gendarme, qui confirme avoir été traumatisé par cette affaire. "Est-ce que vous ne vous êtes pas fait avoir par celui-là ?" demande-t-il en pointant du doigt l'accusé. "Peut-être, consent-il. L'audition de M. Durand s'était très bien passée. Il était ponctuel, cordial, a très vite reconnu les faits. C'était un pompier volontaire aussi."

Le procès reprendra le lundi 18 novembre par l'audition des experts, suivie des plaidoiries des avocats et du réquisitoire. Le verdict est attendu dans la soirée.
 
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