Assises de la Marne : Yannick Durand condamné à 25 ans de prison pour l’assassinat d’Hélène Kahn

La cour d'assises de la Marne a reconnu ce lundi 18 novembre Yannick Durand coupable de l'assassinat de l’ancienne gérante du centre équestre de Trigny. Il a été condamné à 25 ans de réclusion criminelle.

"La vérité a été dite durant ce procès mais la justice n'a pas rendu hommage à ma fille." A l'annonce du délibéré, Annick Gauthier, la mère d'Hélène Kahn, se dit "dégoûtée". Après trois jours de débats, Yannick Durand a été jugé coupable ce lundi 18 novembre 2019 de l'assassinat de sa fille le 22 mars 2017 au centre équestre de Trigny. L'Ardennais de 47 ans qui comparaissait depuis jeudi 14 novembre devant la cour d'assises de la Marne a été condamné à 25 ans de réclusion criminelle.

Cette peine est assortie d'une mesure de suivi socio-judiciaire pendant dix ans avec injonction de soins. Yannick Durand a également l'interdiction d'entrer en contact avec les parties civiles. Il encourt cinq ans d'emprisonnement supplémentaires en cas de non respect de ces obligations. Il a dix jours pour faire appel.

"La famille est choquée par l'absence d'une période de sûreté, observe Me Simon Miravete, l'avocat des parties civiles. Pour elle, la sanction ne sera jamais assez sévère." L'avocat général avait requis une peine de 30 ans de prison avec 18 ans de sûreté. "Au bout de la moitié de la peine, il pourra faire une demande de remise en liberté, craint la mère de la victime. Vu qu'il a déjà fait deux ans et demi de prison, il pourra être dehors au bout de dix ans."

C'est catastrophique, la justice n'a pas fait son boulot.
- Annick Gauthier, la mère de la victime, après l'énoncé du verdict
 

"Préméditation caractérisée"

Dans son réquisitoire, l'avocat général Jean-Pascal Arlaux avait accablé l'accusé. "La volonté de tuer réside dans plusieurs éléments", soulignait-t-il, en insistant sur "les deux coups de couteau portés au thorax avec une 'violence certaine', comme l'a rappelé le légiste, ainsi que la nature de l'arme utilisée".

Pour lui, "la préméditation est parfaitement caractérisée". Il cite plusieurs "formules déterminantes" que l'accusé a prononcé lors de sa garde à vue : "Soit elle me reprenait, soit c'en était fini pour elle" ou encore "Je voulais la récupérer. Si je ne pouvais pas, je la tuais et je me tuais après".

La prise de conscience de la gravité des faits par l'accusé me paraît partielle
- Jean-Pascal Arlaux, avocat général



Dans sa plaidoirie, l'avocat de la défense, Me Richard Delgenes a rappelé aux jurés qu'en cas d'hésitation entre assassinat ou meurtre, c'est-à-dire avec ou sans préméditation, "le doute profite toujours à l'accusé". "Si vous voulez tuer quelqu'un, vous ne prenez peut-être pas un couteau avec une lame de 7,5 cm, argue-t-il. Il arrive avec son couteau de pompier pour lui faire peur, je ne pense pas que ce soit un assassinat."

Une conviction que ne partage bien évidemment pas Me Simon Miravete. Pour l'avocat des parties civiles, Yannick Durand a bien commis un meurtre avec préméditation. "A partir du moment où il la voit, il se précipite sur elle et lui porte les coups, avance-t-il. Il rappelle la terrible phrase "Je t'avais dit que je t'aurais" que l'accusé aurait prononcée d'après les premières déclarations du palefrenier, bien que celui-ci, seul témoin de la scène, ne l'a pas confirmé à l'audience.

Sa plaidoirie met aussi l'accent sur la souffrance qu'endure la famille d'Hélène Kahn depuis le drame. "Quand vous perdez un enfant, la vie n'est plus la même, c'est terminé, insiste Me Miravete face aux jurés. On n'a pas le droit de décider de la vie de quelqu'un, d'avoir une maîtrise sur quiconque, c'est ça que je souhaiterais que vous sanctionniez en tenant compte de la détresse de cette famille."
 
 

"L'absence d'Hélène est insupportable"

La mère de la victime, Annick Gauthier, avait ému l'assemblée ce vendredi en confiant que depuis la mort de sa fille aînée, elle se sentait "amputée" d'une partie d'elle-même. "J'arrive au bout de mes forces, son absence est insupportable, déplore-t-elle, mais il va falloir continuer pour Hélène."

Il faut qu'Hélène ne soit pas morte pour rien
- Annick Gauthier, mère de la victime

Depuis le décès de sa fille, Annick Gauthier se bat contre les féminicides et les violences faites aux femmes. "Pour survivre, je me suis lancée dans cet engagement, explique-t-elle. Environ 130 femmes sont tuées tous les ans par leur ex conjoint, il faut que ça bouge." 

Avec des mots poignants, son père a tenu aussi à s'exprimer devant les jurés : "La première image qui me vient à l'esprit quand je pense à Hélène, c'est son corps à Trigny cinq minutes après son constat de décès, c'est terrible de rester avec cette image".

A la barre, l'une des deux sœurs de la victime, soutenue par la cadette, a évoqué leur grande complicité. "On se voyait vieillir ensemble. Hélène, c'était l'aînée, mon repère, mon modèle, quelqu'un de déterminé et de courageux. Tout nous rappelle Hélène, conclut-elle, émue. Comment va-t-on pouvoir vivre avec ça ?"
 

Une personnalité narcissique et rigide

Dans la matinée, les deux psychiatres avaient certifié que l'accusé ne souffrait d'aucune maladie mentale, ni de déficience intellectuelle. "La responsabilité pénale de Yannick Durand est pleine et entière", avaient-ils assuré. Le docteur Collin, psychiatre, a relevé le narcissisme de l'accusé. "La femme est pour lui une sorte de trophée. Plus elle est jeune, plus elle est riche, plus ça flatte sa vanité", souligne-t-il. Selon l'expertise, l'accusé "est le centre du monde".

La souffrance de l'autre n'est pas son premier souci. Les regrets de M. Durand ne sont pas des remords, il ne songe pas particulièrement aux parents de la victime
- Dr Hugues Collin, psychiatre

Une analyse partagée par le psychologue, Jean-Luc Ployé : "Dans son mécanisme psychique, l'autre n'est plus sujet, mais devient objet. A partir de là, il n'y a pas de dialogue possible". Yannick Durand est décrit comme quelqu'un de "rigide qui se remet difficilement en cause". "Sa jalousie est intensive, excessive, mais pas pathologique, pointe le psychologue. Il ne s'agit pas d'une jalousie maladive."

"Est-ce qu'il a vraiment conscience de ses actes ?", demande l'avocat général. "De ses actes, oui, répond le docteur Fruntes, le second psychiatre. Après il reste un travail à faire sur le positionnement par rapport à la victime et à la place de la femme dans une future relation." Une injonction de soins a été réclamée par les experts.
 
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