Elles ont créé l’association Nat’Handi Artistique en 2021 avec un objectif : faire reconnaitre la natation artistique pour les personnes porteuses de handicap. Elles, ce sont des mères d'athlètes qui se battent pour que leurs filles puissent pratiquer leur sport en compétition, malgré leur handicap. Parmi elles, deux Marnaises relèvent le défi et sont en première ligne pour l'organisation des championnats du monde en août prochain.
Obtenir la reconnaissance du milieu sportif. Espérer voir, un jour, leurs filles représenter la France aux Jeux Paralympiques. Ou plus simplement, dans des compétitions officielles.
Le sport de haut niveau est ainsi organisé en France, qu'il faut se battre pour faire entrer de nouvelles catégories dans un sport déjà bien en place. La natation artistique, ex-synchronisée, est reconnue olympique depuis 1984, sa petite sœur chez les personnes handicapées n'a, elle, même pas de reconnaissance officielle au niveau national.
C'est le défi que se sont lancées plusieurs familles sur le territoire national. Elles ont créé Nat'Handi Artistique pour que leurs enfants, atteints de handicaps souvent invisibles, puissent continuer la pratique d'un sport et surtout réaliser des compétitions officielles.
Sandra Millart, présidente et Céline Foret, trésorière, toutes deux marnaises, font partie de cette équipe de passionnés. Mères de deux jeunes filles aux palmarès déjà imposants : championne de France, vice-championne de France, championnes du monde, elles veulent faire bouger les lignes. "Aujourd'hui, lors de compétitions, nous devons contacter les juges arbitres pour savoir si nos athlètes handi peuvent y participer et si des podiums handisports peuvent être mis en place", explique Sandra Millart, maman d'Elsa, triple championne du monde de natation artistique pour les personnes porteuses de handicap. Mais rien n'oblige personne.
Pas de France cette saison
Seul le comité département de l'Essonne a inscrit, dans son règlement, l'organisation de la mise en place d'un podium handisport lors de ses compétitions de natation artistique, avec un aménagement pour les athlètes porteurs de handicap. Un comité sur des dizaines existant en France.
L'an dernier, les nageuses artistiques porteuses de handicap ont participé aux championnats de France organisés à Strasbourg. Elsa a décroché le titre de championne de France et Louison celui de vice-championne de France dans leur catégorie. Cette année, la Fédération Française de Natation leur a répondu que l'organisation de la compétition ne permettait pas la venue d'athlètes porteurs de handicap. Un coup dur pour le travail acharné que réalise l'association Nat'Handi Artistique.
Puisque nous ne sommes pas reconnus par la Fédération française, nous ne pouvons décrocher de subventions publiques.
Sandra Millart, présidente de l'association Nat'Handi Artistique
Une porte se ferme, mais les dirigeantes de l'association se dirigent vers une autre issue. "Nous avons contacté le président de la Fédération Française de Sport Adapté (FFSA), Marc Truffaut (un Marnais) et nous l'avons rencontré, précise Sandra Millart, présidente de l'association Nat'Handi Artistique. Il faut maintenant que nous demandions l'affiliation à la FFSA. Il nous a dit : vous m'apportez un sport féminin sur un plateau". Un nouvel espoir vers la voie d'une possible reconnaissance.
Des championnats du monde à Châlons-en-Champagne
Et pour montrer, davantage encore, leur détermination, les dirigeantes de l'association Nat'Handi Artistique ont pris en charge l'organisation des Championnats du Monde de Natation Artistique pour les athlètes porteurs de handicap et les équipes inclusives. Ils auront lieu du 13 au 15 août prochain à la piscine olympique de Châlons-en-Champagne. "La ville, la communauté d'agglo et le club de natation de Châlons sont à fond avec nous dans cette organisation, explique encore Sandra Millart. Nous gardons donc plein d'optimisme. La logistique est organisée, notre partenariat avec la section natation artistique de la Fédération Française de Natation et le fait de connaître le responsable natation artistique Grand Est nous permet d'avoir un juge arbitre et l'informatique sur les compétitions".
C'est un budget de 25 000 euros et il nous manque entre 6 et 7 000 euros.
Sandra Millart, présidente de l'association Nat'Handi Artistique
Là où Sandra Millart est plus inquiète, c'est pour boucler le budget. "Puisque nous ne sommes pas reconnus par la Fédération française, nous ne pouvons décrocher de subventions publiques. Tout vient de sponsors privés et nous avons aussi répondu à trois appels à projet". Durant ces mondiaux, 12 juges seront hébergés et nourris, 12 clubs accueillis en provenance des Etats-Unis, d'Espagne, du Brésil, du Mexique, d'Italie, de France notamment et peut-être d'Argentine et du Canada, soit 48 athlètes porteurs de handicap et 30 athlètes valides. "C'est un budget de 25 000 euros et il nous manque entre 6 et 7 000 euros". Une cagnotte sur le site internet Hello Asso a été lancée. "Nous sommes une association reconnue, depuis 2022, d'intérêt général à caractère sportif, ce qui permet aux entreprises comme aux particuliers de défiscaliser leurs dons à notre association".
La flamme comme un signe
En amont et en aval de ces trois jours de compétition, l'association Nat'Handi Artistique organise toute une semaine autour de l'inclusion par le sport. La natation artistique sera, bien entendu, au cœur du dispositif, mais une table ronde plus générale sur comment amener ses enfants porteurs de handicap au sport sera aussi un temps fort. "Le 13 août au soir, nous organiserons une table ronde sur ce thème pour répondre à toutes les questions, reprend Sandra Millart. Quel sport pour mon enfant handicapé, en est-il capable. Et nous serons avec des représentants d'autres disciplines". Les 11 et 12 août, deux journées seront consacrés à la formation des clubs voulant accueillir des sportifs handicapés mais n'ayant pas encore passé le pas. "Des clubs nous ont déjà contactés pour devenir "handi-accueillants". Nous allons leur montrer que cela est possible. Nous allons leur expliquer comment accueillir, intégrer le handicap, expliquer aux familles d'enfants valides comment l'inclusion va se dérouler, etc." Enfin, les 16 et 17 août, seront deux jours d'initiation à la natation artistique ouverts à tous.
Ces championnats du Monde seront aussi un exemple de solidarité, avec la mise en place de compétitions inclusives mêlant athlètes handicapés et athlètes valides. "Ça n'existe pas en temps normal dans la compétition, mais nous voulons montrer cette solidarité entre coéquipiers. Cette acceptation de l'autre et cette ouverture pour gérer son handicap. Nous serons davantage sur l'émotion que sur la performance. Nous voulons ainsi dire aux autres clubs, qui appréhendent d'accueillir des athlètes porteurs de handicap : regardez !"
Elsa, nageuse du Stade de Reims Natation, section artistique, triple championne du monde de natation artistique pour les personnes porteuses de handicap aux Etats-Unis en 2022, portera la flamme olympique à Reims le 30 juin prochain. Elle qui rêve de participer aux Jeux paralympiques recevra cette flamme comme un signe du destin.