Quand ils arrivent en France, les demandeurs d’asile sont confrontés aux difficultés et à la longueur des démarches administratives. En attendant, ils se retrouvent souvent à la rue ou dans des camps, comme celui de la rue Henri-Paris à Reims. Ils nous racontent leur arrivée.

 


"Le plus difficile, c’est le manque d’hygiène", raconte *Mehdi. Ce jeune homme de 26 ans est originaire du Kirghizistan, pays qu’il a fui pour des raisons politiques. Pour avoir affiché son opposition au gouvernement en place, il risque une affaire pénale et peut-être la prison. Depuis le mois d’août 2019, il vit dans le camp de la rue Henri-Paris à Reims auprès d’une centaine d’autres personnes. Comme lui, la plupart sont en attente de la réponse de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA).

Prendre rendez-vous, pour se doucher, traverser la rue pour aller aux toilettes, etc. Tout, même les gestes les plus naturels, devient laborieux. Mehdi doit parcourir huit kilomètres tous les jours pour aller manger à Ozanam, une association rémoise. Les repas de l’armée du salut, en face du camp, sont réservés aux familles. "Je ne peux même pas me brosser les dents tous les soirs", déplore-t-il. 


 "La première difficulté des migrants se situe à leur arrivée", explique Ibtissam, l'une des membres du collectif Sövkipeu, très impliqué sur le camp. "La question du logement est extrêmement compliquée. Il y a des gens - parfois même des familles avec des enfants - qui sont en errance pendant plusieurs mois". Les hébergements d’urgence sont saturés. Il faut appeler le 115 durant plusieurs jours pour espérer avoir une place. L’Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) doit, en théorie, prendre en charge l’hébergement des demandeurs d’asile mais les délais sont très longs. "C'est vraiment une période charnière où le bénévolat est extrêmement important", assure Ibtissam. 
  

Demande d’asile, le micmac des démarches administratives

Pour aider au mieux les exilés, la bénévole s’est formée de son propre chef au droit des étrangers. « Le Ceseda [Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ndlr] est déjà très compliqué à comprendre pour un Français", explique-t-elle. La demande d’asile demande une certaine maîtrise du système, ce qui n’est pas le cas des étrangers ».

Quand ils arrivent à Reims, les demandeurs d’asile doivent se rendre à la préfecture de la Marne à Châlons-en- Champagne. Ils doivent déposer leurs empreintes pour que l’Etat s’assure qu’ils ne sont pas dublinés, c’est-à-dire qu’ils n’ont pas déposé leurs empreintes dans un autre pays européen. Si c’est le cas, la France a six mois pour les transférer dans le pays en question, à condition que ce dernier les accepte. Si ce n'est pas le cas, l'Ofpra se charge de l'étude de leur dossier. Quelques exeptions peuvent pousser la France a examiner la demande d'asile même si la personne a déposé ses empreintes dans un autre pays européen : si une femme est enceinte par exemple ou encore si la personne a subi des mauvais traitements dans le pays dans lequel elle a déposé ses empreintes pour la première fois. 

Quoi qu'il en soit, si la demande n'est pas acceptée, les demandeurs d'asile sont alors déboutés et peuvent demander un recours. Mais si le recours est à son tour refusé, ils ont alors l'Obligation de quitter le territoire français (OQTF)
 


Ce bout de papier, l'OQTF, c'est celui que redoutent les demandeurs d'asile. Au camp de la rue Henri-Paris, une famille Syrienne, Mohamed, Rafaa et leurs deux enfants sont arrivés le 25 août. C'est le sourire de leur fille Hadile qui m'a happée quand je m'y suis rendue. Son regard malicieux et sont insouciance ne laissent pas transparaître la difficulté de son quotidien. Toutes les nuits, elle dort dans une tente, à côté de l'école où se rendent les enfants de son âge. Dans les yeux de ses parents, en revanche, l'inquiétude est plus palpable. 

Je suis venu en France parce que c'est le pays de l'égalité et de la justice et qu'il n'y a pas de discrimination,
- Mohamed, demandeur d'asile qui a fui la Syrie à cause de la guerre 


« Naturellement, nous avons peur. Nous attendons une décision très importante pour notre vie », dit Mohamed qui ne demande qu'une seule chose : "la sécurité". "J'espère que notre demande d'asile sera acceptée et que mes enfants pourront être scolarisés en France. Nous avons besoin de laisser derrière nous le choc de la situation en Syrie". Au mois de septembre, ils devront se rendre à la préfecture pour déposer leurs empreintes, deuxième étape de leur procédure de demande d'asile. 

« Les premières victimes sont les enfants »

"C’est extrêmement dramatique de voir ces enfants errer de pays en pays, notamment à cause de la procédure Dublin ", atteste Ibtissam, éducatrice de métier. "Ils vont commencer leur scolarité dans un pays, la continuer dans un autre, retourner dans le précédent, etc. Pour elle, "ce sont  les première victimes de cette politique migratoire." Il y a des enfants qui sont nés en France, qui sont là depuis cinq, six ans, qui se retrouvent déboutés et qui sont dans l'obligation de quitter le territoire français pour rester avec leurs parents."
Il y a un an, la bénévole s'est battue pour qu'une famille soit prise en charge par l'Ofii. Idriz, Astreta et leurs sept enfants sont originaires de Serbie. A leur arrivée en France, ils ont vécu deux mois sur le camp. De cette période, ils se souviennent surtout du froid, des poux, de la saleté, des allergies et de la fatigue. C'est grâce à l'aide d'Ibtissam, qui a utilisé le référé liberté, que la famille a obtenu un logement à Cormontreuil, près de Reims. "Je ne suis pas prête d'oublier ce moment", raconte Astrera. "Tout le monde a craqué. Tout le monde a fondu en larme", se souvient quant à lui Idriz. 

Les gens qui étaient là bas nous regardaient tous, en particulier les enfants. Les enfants qui étaient fatigués, épuisés, qui se grattaient en permanence, qui n'étaient pas lavés, pas coiffés. Je pense que toutes ces personnes ont eu pitié de ce qu'elles voyaient. 
- Idriz, migrant d'origine Serbe, qui raconte l'audience au tribunal à l'issue de laquelle il a obtenu un logement de l'Ofii pour lui et sa famille


Depuis, les enfants sont tous scolarisés. Mohamed, l'un deux, a douze ans. En à peine un an, il a appris le français alors qu'il ne connaissait pas un seul mot à son arrivée. Il en va de même pour ses autres frères et soeurs qui se moquent même de leur mère qui roule les "r" des mots français.
 

La peur au ventre

"A chaque fois qu'une personne dublinée se rend à la préfecture, elle peut à tout moment être transférée", explique Ibtissam "Un jour, une personne est allée à son rendez-vous. La police l'attendait et l'a mise en CRA [Centre de rétention administrative, ndlr]. Elle s'est retrouvée sans ses affaires à 400 kilomètres de Reims", raconte-t-elle, agacée. "Vous avez la peur dans le ventre quand vous aller au rendez-vous . Mais vous êtes obligé d'y aller parce que, sinon vous êtes déclaré comme étant en fuite", explique-t-elle. "C'est un parcours assez fou dans lequel vous ne savez jamais à quelle sauce vous allez être mangé". 

Il y a quelques semaines, après un an passé en France, Idriz et sa famille apprenaient que leur demande d'asile n'avait pas été acceptée. "Quand mon assistant est venu il y a quelques jours et qu'il m'a expliqué les choses, qu'il nous a dit que si nous étions déboutés à la commission nationale des recours, ce ne serait plus possible de rester dans l'appartement, je me suis vraiment senti mal." Si le recours qu'ils ont demandé ne fonctionne pas, alors, ils seront "Oqtf", dans l'obligation de rejoindre un pays qu'ils ont fui par peur du danger. 

Merci à Mustafa Abbas, journaliste syrien, et Aleksandra Maric, bénévole du collectif Sövkipeu d'avoir traduit les témoignages de ces hommes et de ces femmes.

*Le prénom a été modifié


 
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