Alors que le second tour de la présidentielle approche, l'abstention reste une des grandes inconnues du scrutin. Nous sommes allés à la rencontre de deux inconditionnels du bulletin de vote. Depuis qu'ils ont ce droit, ils n'ont jamais manqué une élection.
Assis derrière un bureau, dans la grande Maison des Syndicats du boulevard de la Paix, à Reims, Jacques Julia est à son aise. Les retraités affluent et, le crayon à la main, cet ancien cheminot pointe les présents et les absents. À l'occasion du second tour de la présidentielle, dimanche 24 avril, une mission similaire l'attend. "Je fais partie des gens qui vont dépouiller", lance-t-il, satisfait.
À 80 ans, il a toujours utilisé son bulletin de vote comme une arme. "Depuis l’âge de 21 ans, j’ai toujours voté, quel que soit le scrutin, politique ou syndical, dans l’entreprise." L'engagement chevillé au corps, Jacques Julia reste perplexe face à l'abstention. "Voter, c’est la démocratie, et celui qui ne pas voter, il n’existe pas."
Ils n'auront pas à se plaindre de ce qui les attend, car ils n'ont pas pris conscience de l'importance du vote
Jacques Julia, 80 ans
Au premier tour, l'abstention s'élevait à 26,3 % au niveau national. Au second tour, les Français pourraient encore davantage se retenir de glisser un bulletin dans l'urne. Jean-Louis Devaux, agriculteur prochainement à la retraite et adjoint (LR) au maire de Châlons-en-Champagne, se montre inquiet face à ces chiffres. Lui aussi a toujours voté, depuis ses 18 ans, quand Giscard a ramené la majorité de 21 ans à 18 ans. "Ma mère et mon grand-père étaient résistants, pendant la Seconde Guerre mondiale. Le vote était la consécration de la liberté retrouvée" après le conflit.
L'importance de l'élection comme héritage familial, mais aussi une conviction qu'il a forgée pendant sa scolarité. "Dans mon parcours de jeune étudiant au collège, on avait des cours d’instruction civique solennels. On nous expliquait comment le pays s’organisait, et la nécessité impérieuse du vote", se souvient-il.
Alors les deux retraités ne ménagent pas les abstentionnistes. "Ils n'auront pas à se plaindre de ce qui les attend, car ils n'ont pas pris conscience de l'importance du vote", martèle Jacque Julia, l'ancien cheminot.
Je choisirai celui qui me semble le plus raisonnable dans le futur qui va être difficile.
Jean-Louis Devaux, 64 ans
Tout porte à croire que Jacques Julia et Jean-Louis Devaux iront glisser avec conviction leur bulletin dans l'urne. Pourtant, à l'issue du premier tour, Jacques Julia n'était pas enthousiaste face au choix qui lui était proposé. "Le débat n’était pas beau. J’ai trouvé que l’adversaire de Macron était minable. Lui était, comme d’habitude, supérieur à tout le monde, c’était le professeur face à son élève", souffle-t-il.
Alors le 24 avril, il fera comme Jean-Louis Devaux, qui portera la candidature Les Républicains aux législatives dans la quatrième circonscription de la Marne. "Je choisirai celui qui me semble le plus raisonnable dans le futur qui va être difficile, confesse Jean-Louis Devaux. Dans cette élection qui est importante, même si l’un et l’autre ne sont pas ceux que j’aimerais voir arriver, je fais un choix." D'autant plus que "dans les trois premiers, lors du premier tour, on a des extrémistes, que ce soit à gauche ou à droite. Il faut être conscient que ce monde-là sera difficile."
À ceux qui comparent l'alternative Macron ou Le Pen à la peste ou le choléra, il répond qu'"on a le choix de voter blanc : on se déplace, on fait son action citoyenne". Mais Jacques Julia ne le voit pas du même œil. "Étant donné que le vote blanc ne compte pas, ça ne sert à rien." Pour lui, voter est un devoir. Les abstentionnistes "n’auront pas à se plaindre de ce qui les attend, car ils n’ont pas pris conscience de l’importance de cet acte. Ce n’est pas la peine d’être dans un pays libre comme la France avec des lois sociales qui vont très bien pour tout le monde, et ne pas s’exprimer. La démocratie, ça devrait s’apprendre à l’école", conclut-il.